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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 151
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1001#1967/125#53* | |
Old classification | CH-BAR E 1001(-)1967/125 53 | |
Dossier title | Juni - Juli 1961 (1961–1961) | |
File reference archive | 1.7 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7170B#1977/67#1381* | |
Old classification | CH-BAR E 7170(B)1977/67 259 | |
Dossier title | Abkommen und Verhandlungen mit Italien (1961–1961) | |
File reference archive | 241.1 |
dodis.ch/14400 Pourparlers italo-suisses sur l’immigration de travailleurs italiens en Suisse
I
Outre la révision de la convention entre la Suisse et l’Italie en matière d’assurances sociales, du 17 octobre 19512, le Gouvernement italien a demandé celle de l’arrangement italo-suisse du 22 juin 1948, relatif à l’immigration de travailleurs italiens en Suisse - (ci-après l’arrangement)3. Cet arrangement règle essentiellement la procédure de recrutement et d’engagement de la main-d’œuvre italienne destinée à des employeurs suisses, mais il contient aussi des dispositions de grande importance touchant le statut des travailleurs italiens en Suisse, notamment en ce qui concerne l’octroi de l’autorisation d’établissement.
Le Gouvernement italien estime que les conditions de fait sur lesquelles était fondé l’arrangement se sont considérablement modifiées depuis sa conclusion et qu’il n’est plus adapté aux circonstances actuelles, de sorte que sa révision s’imposerait pour cette raison déjà. De plus, le Gouvernement italien désire obtenir des améliorations dans le statut des travailleurs italiens, tant en ce qui concerne leur droit de résidence en Suisse que dans le domaine de la sécurité sociale. L’an dernier, lors de la visite que nous a faite M. Storchi,
Sous-secrétaire d’Etat italien aux affaires étrangères4, chargé des questions d’émigration, nous nous sommes déclarés d’accord, d’entente avec le Département de Justice et Police, de procéder à un examen des possibilités de révision de l’arrangement avec des représentants du Gouvernement italien. Cette révision a fait depuis lors l’objet d’autres démarches italiennes, en dernier lieu à l’occasion des pourparlers italo-suisses relatifs aux assurances sociales, qui ont eu lieu à Berne du 15 au 25 mars 19615. Il a été convenu, avec l’assentiment du Conseil fédéral, que des pourparlers seraient ouverts prochainement sur la révision de l’arrangement. En communiquant cette acceptation à l’Ambassade d’Italie par lettre du 3 mars 19616, le Département de Justice et Police attirait l’attention des autorités italiennes sur le lien étroit de connexité existant entre le problème des assurances sociales et nos intérêts en matière d’immigration de main-d’œuvre italienne en Suisse.
Ainsi, en dépit du fait que les pourparlers sur ces deux matières sont menés séparément, leurs résultats devront être appréciés dans leur ensemble. Les pourparlers relatifs aux assurances sociales ayant déjà commencé et devant se poursuivre en juillet prochain à Rome, il convient d’engager rapidement les négociations sur l’immigration. D’entente avec les autorités italiennes, nous envisageons d’ouvrir ces négociations à Rome dans la seconde moitié de juin
19617.II
Le Gouvernement italien ne nous a pas remis jusqu’ici de projet concret de révision de l’arrangement. Nous connaissons toutefois, par un aide-mémoire de l’Ambassade d’Italie, en date du 31 janvier 19618, ainsi que par diverses communications verbales, quels sont les points essentiels des demandes italiennes. Nous mentionnerons tout d’abord ceux qui touchent directement le recrutement et les conditions de séjour de la main-d’œuvre italienne.
1. Procédure de recrutement
Le Gouvernement italien demande la révision de la procédure de recrutement et d’introduction de la main-d’œuvre italienne en Suisse, telle qu’elle est
fixée par les articles 3 à 16 de l’arrangement, en vue d’accélérer cette procédure et de l’adapter à la situation actuelle.
En soi, nous pourrions admettre une révision qui aurait vraiment pour effet de simplifier et d’accélérer la procédure, de tels chargements étant assurément dans l’intérêt de notre économie. Il faut toutefois prendre garde que les propositions italiennes ne viennent pas compliquer davantage la situation et ne soient pas un prétexte pour étendre encore le contrôle que les autorités italiennes exercent déjà sur l’immigration italienne en Suisse. L’arrangement est le fruit d’un compromis qu’il fut assez difficile de réaliser en 1948 entre les intérêts de nos employeurs soucieux d’écarter toute entrave au recrutement de main-d’œuvre en Italie, et le désir compréhensible du Gouvernement italien de garder en main son émigration. C’est pourquoi nous nous sommes déclarés d’accord, en 1948, d’insérer dans l’arrangement une disposition en vertu de laquelle les autorités italiennes remettraient leur passeport aux travailleurs italiens sur présentation d’un contrat de travail rédigé sur une formule officielle et visé par les autorités consulaires italiennes en Suisse. Cette disposition n’implique cependant aucune obligation pour les autorités suisses, qui gardent toute liberté de régler l’admission des travailleurs italiens conformément aux prescriptions internes. Les autorités italiennes ont donc à l’appliquer elles mêmes, sans le concours des autorités suisses. Or, dès le début, elles ont eu de la peine à en assurer le respect et elles ne sont aujourd’hui plus en mesure de le faire en raison de la libéralisation survenue depuis lors dans la délivrance des passeports, et surtout de l’introduction de la carte d’identité pour les voyages touristiques entre les deux pays. Lors de cette introduction, en mars
1960, le Gouvernement italien a accepté de délivrer après coup des passeports aux ressortissants italiens entrés en Suisse avec la carte d’identité et admis à y prendre emploi, il a renoncé à exiger en pareil cas la présentation d’un contrat de travail visé par les autorités consulaires italiennes. Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce que la plus grande partie des travailleurs italiens pénètrent aujourd’hui chez nous sans observer la procédure prévue par l’arrangement, ce qui rend illusoire le contrôle préalable des contrats de travail par les consulats d’Italie.
Nous ne verrions aucun inconvénient à ce que ce contrôle, devenu quasi impossible, soit supprimé ou limité aux cas de recrutement officiel réalisé avec le concours des autorités italiennes. Dans ce sens, nous admettrions volontiers la disparition des dispositions désuètes de l’arrangement. Il est cependant à craindre que le Gouvernement italien n’en demande la révision que pour rétablir et renforcer son contrôle par une autre voie. Ne pouvant assurer ce contrôle par ses propres moyens, comme l’a prévu l’arrangement, il cherche à obtenir à cet effet le concours des autorités suisses, par exemple en stipulant que celles-ci ne délivreront d’autorisation de séjour à des travailleurs italiens que moyennant présentation d’un contrat de travail officiel muni d’un visa italien. Cette revendication nous a d’ailleurs été présentée à diverses reprises depuis 1948.
Or, pas plus que jusqu’ici, nous ne pourrions admettre une extension du contrôle italien des contrats de travail, ni prêter notre aide pour en assurer le maintien. Ce contrôle ne répond à aucun besoin, puisque les autorités cantonales compétentes examinent déjà, de leur propre chef, les conditions de travail et de rémunération des travailleurs étrangers lors de l’octroi des autorisations de séjour et qu’au surplus ces conditions sont par principe les mêmes que pour les nationaux. Il ne fait que compliquer et ralentir le recrutement. Une révision de l’arrangement dans ce sens serait contraire à notre intérêt.
2. Octroi de l’autorisation d’établissement après cinq ans
Le Gouvernement italien demande aussi la révision de l’article 17, 1er alinéa de l’arrangement, qui a placé les travailleurs italiens admis en Suisse après le 1er janvier 1945 sous le régime de l’article 2, 2 e alinéa de la Déclaration italo-suisse du 5 mai 19349. Selon cette disposition, l’autorisation d’établissement n’est accordée à ces travailleurs qu’après une résidence régulière et ininterrompue de dix ans en Suisse. La suppression de l’article 17, 1er alinéa de l’arrangement équivaudrait à remettre en vigueur, à l’égard des travailleurs italiens admis depuis 1945, l’article 1er, 2 e alinéa de ladite Déclaration, ce qui signifie que ces travailleurs auraient droit à l’autorisation d’établissement après cinq ans de résidence déjà.
Cette revendication pose un problème d’une importance capitale pour notre pays. Si nous lui donnions suite, le nombre des ressortissants italiens parvenant à l’établissement augmenterait dans des proportions considérables, ce qui aurait des conséquences très graves de caractère démographique, politique et social. En outre, l’étranger autorisé à s’établir chez nous est entièrement libre de se mouvoir à sa guise sur notre marché du travail; il peut sans autorisation changer de place, de profession et même exercer n’importe quelle activité indépendante qui n’est pas réservée aux nationaux.
Il en résulte que l’étranger établi échappe au contrôle des autorités chargées de sauvegarder les intérêts démographiques de notre pays et ceux de notre économie. Ainsi, une partie des travailleurs italiens actuellement employés en
Suisse serait, d’un seul coup, soustraite à notre politique de l’emploi, si l’on avançait l’octroi de l’établissement de cinq ans. Ajoutons que l’effet d’une telle concession serait encore amplifié par l’affaiblissement de la rotation des travailleurs italiens sous permis de séjour. En effet, la plus grande partie de ces travailleurs quittent la Suisse avant d’être parvenus à l’établissement; cette tendance serait assurément freinée si les travailleurs italiens avaient la perspective d’obtenir l’établissement après cinq ans déjà.
D’autre part, si nous donnions suite à cette demande, nous serions obligés tôt ou tard de faire la même concession aux travailleurs allemands et autrichiens, qui sont aussi placés, par des accords bilatéraux, sous le régime des dix ans. Comme les ressortissants de ces trois pays représentent la grande masse des travailleurs étrangers occupés en Suisse, la concession réclamée entraînerait un changement complet d’orientation de la politique que nous suivons en matière d’admission de la main-d’œuvre étrangère.
Cette politique est actuellement étudiée par une commission d’experts scientifiques, que nous avons instituée de concert avec le Département de
Justice et Police. Le Conseil fédéral aura en particulier à déterminer, sur la base de cette étude, s’il convient de maintenir les mesures prises jusqu’ici en matière d’établissement des étrangers ou si, au contraire, il est préférable de les assouplir. Jusqu’alors, il ne peut être question de prendre de nouvelles dispositions sur le plan bilatéral.
Il convient au surplus de remarquer que le statut des Italiens en Suisse est soumis à la Décision du Conseil de l’OECE régissant l’emploi des ressortissants des pays membres, du 30 octobre 1953/7 décembre 1956, régime qui, sans accorder des avantages comparables à ceux de notre autorisation d’établissement, assouplit considérablement pour les ressortissants des pays membres résidant en Suisse depuis plus de cinq ans les dispositions de notre législation interne. Ce statut représente le maximum de ce que nous pouvons actuellement offrir dans ce domaine.
3. Admission des familles
Une autre revendication italienne très importante vise l’admission en Suisse des familles des travailleurs italiens. Le Gouvernement italien demande l’assouplissement des critères appliqués dans ce domaine, ce qui signifie qu’il désire que les travailleurs italiens admis en Suisse puissent se faire accompagner immédiatement par leurs familles ou, du moins, dans un délai plus court que celui qui est fixé actuellement (3 ans en règle générale, dérogations possibles pour les spécialistes et les travailleurs qualifiés). Sur ce point aussi, toute concession que nous ferions à l’Italie mettrait en cause notre politique dans le domaine de la main-d’œuvre étrangère et contribuerait à augmenter, considérablement et à bref délai, la population étrangère résidant en permanence dans notre pays. Si jusqu’ici les conséquences de l’afflux d’étrangers ont pu être limitées, grâce à une très forte rotation des effectifs de travailleurs italiens, il n’en sera évidemment plus de même dès l’instant où ces travailleurs seront autorisés à faire venir immédiatement ou à bref délai leurs proches dans notre pays. Il s’ensuivrait une accélération et une consolidation rapide du processus de stabilisation de la main-d’œuvre italienne et même de la main-d’œuvre étrangère en général, car il ne serait guère possible de limiter l’effet de concessions dans ce domaine aux seuls Italiens. L’augmentation du nombre des familles recherchant des logements et notamment des enfants en âge de scolarité poserait en outre des problèmes que nous ne sommes pas en mesure de résoudre pour l’heure. Nous devons donc nous en tenir aux principes actuellement appliqués à l’admission des familles et ne pouvons envisager de dérogation particulière en faveur des ressortissants italiens.III
Outre ces trois questions essentielles, le Gouvernement italien nous a présenté des desiderata sur des points qui sont en relation, souvent étroite, avec le recrutement et l’immigration de la main-d’œuvre italienne.
1. Assurance-maladie et allocations familiales
Ainsi, à l’occasion des pourparlers italo-suisses de mars dernier en matière d’assurances sociales10, la délégation italienne a soulevé les points suivants: a) Obligation pour les employeurs d’assurer les travailleurs et leurs familles restées en Italie contre la maladie, la cotisation étant partagée entre les deux parties et la Confédération ou les cantons participant aux frais de l’assurance; b) Versement des allocations familiales prévues par des lois cantonales ou des conventions collectives de travail aux membres des familles restées en
Italie, dans la mesure où de pareilles prestations existent pour les membres des familles résidant en Suisse.
La délégation suisse ayant fait observer que ces questions relèvent du droit publié des cantons ou du droit privé et que, dès lors, les autorités fédérales ne peuvent envisager de les régler dans la convention sur les assurances sociales, la délégation italienne a demandé l’introduction dans l’arrangement de 1948 d’une clause en vertu de laquelle les contrats individuels de travail devraient, dans chaque cas, stipuler, à la charge de l’employeur, l’obligation d’assurer le travailleur italien et sa famille contre la maladie et de payer une partie des cotisations. De plus, dans les cas où des allocations familiales sont versées à des travailleurs dont les familles résident en Suisse, l’employeur devrait être tenu de faire les mêmes prestations aux familles restées en Italie. Cette dernière revendication ne vise pas les allocations versées aux travailleurs agricoles, l’existence d’une législation fédérale sur la matière permettant de traiter la question dans le cadre des pourparlers sur les assurances sociales.
Le Gouvernement italien cherche donc à imposer aux employeurs suisses, par le biais des contrats individuels de travail, les obligations qui ne peuvent
être fondées sur la législation. L’arrangement dispose, à son article 10, que les contrats de travail soumis au visa des représentations italiennes en Suisse seront rédigés sur une formule dont le texte et les clauses sont établis par les autorités italiennes d’entente avec l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail. Cette formule contient déjà une clause concernant l’assurance-maladie, mais qui ne va pas aussi loin que le désire le Gouvernement italien. Elle se borne à prescrire aux employeurs de faire en sorte que les travailleurs italiens s’assurent contre la maladie et, pour le reste, garantit simplement à ceux-ci l’égalité de traitement avec les nationaux; ce n’est que dans l’agriculture et le service de maison que l’employeur est tenu, par le contrat de travail officiel, d’assurer lui-même le travailleur et de payer une partie des cotisations, conformément à la réglementation fixée d’une manière générale dans les contrats-types de travail. Quant aux allocations familiales, la formule officielle ne contient aucune disposition. En fait, la situation est très diverse. Les législations cantonales ne prévoient généralement pas le versement d’allocations aux familles résidant à l’étranger, pas plus d’ailleurs que la législation fédérale sur les allocations pour les travailleurs agricoles. Les conventions collectives de travail, elles non plus, ne contiennent le plus souvent pas de disposition dans ce sens, mais, en pratique, les allocations sont, dans bon nombre de cas, versées volontairement aux familles à l’étranger.
Le contrat de travail officiel est une institution qui a pour objet d’assurer la protection des intérêts des travailleurs italiens et, en particulier, de faire respecter le principe de l’égalité de traitement entre ressortissants italiens et nationaux, principe qui est confirmé à l’article 18 de l’arrangement. En revanche, cette institution ne peut servir à imposer aux employeurs des obligations qu’ils n’ont pas déjà en vertu de la législation, des conventions collectives de travail ou de l’usage. Une grande prudence est nécessaire dans ce domaine; il faut se garder d’établir une discrimination au détriment des nationaux ou, peut-être même, de contraindre les employeurs à opérer des réformes générales des conditions de travail sous la pression des autorités italiennes. C’est pour prévenir des abus éventuels que l’arrangement a stipulé que les formules de contrats de travail devraient être approuvées par l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail. Toute modification de ces formules met donc en cause la responsabilité des autorités fédérales.
Une réalisation générale des demandes italiennes, dans le sens indiqué plus haut, est inconcevable. Les conditions de travail sont trop diverses en Suisse, selon les branches économiques et les cantons, pour qu’on puisse envisager de dispositions uniformes dans les contrats de travail. Les pourparlers prévus nous fourniront l’occasion d’exposer notre situation aux représentants de l’Italie et d’examiner si et dans quelle mesure il est possible de tenir compte de leurs vœux sans léser le principe de la non-discrimination et sans imposer à nos employeurs des obligations qu’ils ne peuvent accepter. Il va de soi que les milieux professionnels suisses auront à se prononcer sur les solutions qui seront retenues.
2. Assurance-chômage
Le Gouvernement italien a aussi posé la question de l’assurance-chômage au cours des récentes négociations sur les assurances sociales. La matière étant du ressort du Département de l’Economie publique, il fut convenu d’en renvoyer l’examen aux pourparlers relatifs à l’immigration. Dans l’état actuel de notre législation, les étrangers possédant un permis d’établissement peuvent
être assurés contre le chômage dans la même mesure que les nationaux. En revanche, les étrangers sous permis de séjour ou de tolérance ne peuvent, sauf exception, s’affilier à une caisse assurance-chômage, leur statut en matière de police des étrangers n’étant pas suffisamment stable pour qu’ils puissent
être considérés comme aptes à être placés par les offices du travail, ce qui est une condition indispensable pour être assuré.
Nous présumons que le Gouvernement italien désire l’extension de l’assurance-chômage à tout ou partie de ses travailleurs sous permis de séjour.
Il n’est pas possible de donner suite à une telle demande dans les conditions actuelles. L’extension demandée ne pourrait se réaliser que par une amélioration du statut des travailleurs italiens permettant au service public de l’emploi d’assurer leur placement en cas de chômage, ce qui exigerait des modifications fondamentales du régime auquel les étrangers sont soumis dans ce domaine.
3. Autres questions
Les autres points que le Gouvernement italien désire mettre en discussion ont un caractère plutôt accessoire. Il s’agit notamment de la visite sanitaire des travailleurs italiens à leur entrée en Suisse, du remboursement des frais de voyage avancés par les autorités italiennes, de l’alignement de certaines charges fiscales, de la représentation des travailleurs italiens devant les tribunaux suisses en cas de litige visant l’exécution des contrats de travail, de l’organisation et des tâches de la commission mixte italo-suisse instituée à l’article 23 de l’arrangement. Ces desiderata étant encore mal définis, la délégation suisse se renseignera sur leur portée, ce qui permettra ensuite d’examiner avec les autorités et les milieux suisses compétents si et dans quelle mesure il est possible de les prendre en considération.IV
La Suisse n’aurait actuellement, pour sa part, aucune raison d’envisager la révision de l’arrangement; celui-ci a permis jusqu’ici à nos employeurs d’assurer sans peine excessive le recrutement de la main-d’œuvre italienne dont ils avaient besoin et contient au surplus des dispositions auxquelles nous sommes très attachés pour des motifs d’ordre démographique. Cependant, nous ne pouvons refuser d’entamer des pourparlers sur cette question, dès l’instant où le Gouvernement italien insiste pour ouvrir une discussion. Nous nous trouvons en effet dans une position délicate en matière de main-d’œuvre.
Près d’un cinquième des personnes occupées dans notre économie sont des étrangers et, sur ces travailleurs étrangers, la plus grande partie sont des Italiens.
Lors du relevé d’août 1960, 300’000 Italiens environ résidaient sous permis de séjour dans notre pays, sur un total de 435’000 travailleurs étrangers en chiffres ronds, ce qui représente à peu près 70% de l’effectif. Ainsi, l’Italie est notre réservoir principal de main-d’œuvre et il est à prévoir qu’elle continuera à jouer ce rôle à l’avenir. Il nous serait impossible actuellement de recruter une main-d’œuvre équivalente, en nombre et en qualité, dans d’autres pays étrangers. C’est pourquoi nous avons intérêt à nous concilier la bonne volonté du Gouvernement italien dans ce domaine et devons nous efforcer à cet effet de lui accorder les satisfactions que nous pouvons envisager sans heurter les principes qui s’imposent à nous en matière de recrutement et d’admission de main-d’œuvre étrangère.
Il ressort cependant des explications ci-dessus que nos possibilités sont limitées à cet égard et que nous devrons rejeter les principales revendications du Gouvernement italien. Dès lors, il convient de se demander d’ores et déjà quelle pourrait être la réaction des autorités italiennes en cette occurrence. Dans les circonstances actuelles, le Gouvernement italien a somme toute assez peu de moyens de faire pression sur la Suisse dans le domaine de la main-d’œuvre. Il ne peut guère envisager d’entraver la sortie des travailleurs italiens qui s’engagent spontanément en Suisse et qui représentent la plus grande partie de l’immigration italienne; il manque en effet de moyens juridiques et pratiques pour cela et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il demande avec insistance la révision de l’arrangement. Et même dans le domaine du recrutement officiel, ses moyens d’action sont limités, car il s’agit généralement d’une main-d’œuvre non qualifiée ou mi-qualifiée, que l’Italie a encore en surabondance et qu’elle n’a dès lors aucun intérêt à nous refuser.
Il ne semble donc pas que les conséquences d’une attitude réservée de la délégation suisse puissent être graves. On ne peut cependant écarter l’hypothèse dans laquelle le Gouvernement italien nous menacerait de dénoncer notre arrangement de 1948, ce qui remettrait en application l’article
1er, 2 e alinéa de la Déclaration italo-suisse du 5 mai 1934 et ramènerait à cinq ans le délai exigé pour l’établissement en Suisse. Nous aurions alors à nous demander si nous devons, de notre côté, dénoncer cette déclaration de 1934, mettant ainsi les ressortissants italiens sous le régime du droit commun, amélioré par les prescriptions de l’OECE. Une telle mesure devrait être examinée très attentivement, en raison des conséquences que cette dénonciation aurait sur le statut des Suisses en Italie et l’admission de nos ressortissants dans ce pays.
Les revendications italiennes n’étant pas encore très précises pour l’instant, il est à prévoir que les délégations devront procéder à un échange de vues pour préciser leurs positions respectives dans une première phase des pourparlers. Selon le résultat de cet échange de vues, il conviendra d’interrompre les pourparlers, afin que la situation puisse être examinée avec les autorités et les milieux professionnels suisses intéressés. Ceux-ci ont été informés, à l’occasion de la dernière séance, de la Commission fé dérale de l’emploi, de l’ouverture prochaine des pourparlers italo-suisses et l’assurance leur a été donnée qu’aucune décision définitive ne serait prise sans qu’ils aient été consultés.
Dans l’appréciation de la situation qui est à la base des pourparlers, il y a lieu de tenir compte des négociations engagées séparément au sujet des assurances sociales. Alors que dans le cadre de l’arrangement sur l’immigration, nous ne pouvons guère accorder à l’Italie les avantages qu’elle espère, les perspectives paraissent nettement meilleures en matière d’assurances sociales. Le début des négociations dans ce domaine montre déjà que la Suisse pourra faire des concessions substantielles à l’Italie, qui balanceront dans une très large mesure, sinon entièrement, notre attitude réservée sur le terrain de l’immigration. Il conviendra de tenir compte de cet aspect non seulement au cours des pourparlers sur l’immigration, ce qui facilitera l’attitude défensive de nos représentants, mais aussi dans les décisions finales qui devront être prises sur la base des résultats de chacune des deux négociations.
Ajoutons que, dans sa lettre du 3 mars 196111, le Département de Justice et
Police a également attiré l’attention de l’Ambassade d’Italie sur l’importance que le Conseil fédéral attache à la conclusion d’un accord sur l’assistance des indigents entre les deux pays. La question a fait encore l’objet d’une déclaration du chef de la délégation suisse12 dans les négociations italo-suisses concernant les assurances sociales. Les autorités italiennes n’ayant pas réagi jusqu’à ce jour, il serait opportun que cette demande soit rappelée une fois de plus dans les prochains pourparlers.IV
En ce qui concerne la composition de la délégation, nous constatons que les pourparlers touchent essentiellement des questions qui sont du ressort de l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail, ainsi que de la
Police fédérale des étrangers. Ces administrations doivent donc être représentées. En outre, l’Ambassade de Suisse à Rome mettra un de ses collaborateurs à la disposition de la délégation.
Selon le résultat de la première phase des pourparlers, nous nous réservons de faire appel à des experts appartenant à d’autres administrations ou, même, cas échéant, de vous proposer une nouvelle composition de la délégation.
Comme chef de la délégation, il nous paraît opportun de faire appel au
Directeur de l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail, auquel incombent les questions de recrutement de main-d’œuvre.
Vu ce qui précède, nous vous proposons:
1) de donner suite à la demande du Gouvernement italien d’ouvrir prochainement des pourparlers à Rome sur la révision de l’arrangement entre la
Suisse et l’Italie, relatif à l’immigration de travailleurs italiens en Suisse, du
22 juin 1948;
2) de désigner à cet effet une délégation composée des personnes suivantes:
– MM. Max Holzer, Directeur de l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail (chef de la délégation);
– Elmar Mäder, Directeur de la Police fédérale des étrangers;
– Georges Pedotti, Chef de la Subdivision de la main-d’œuvre et de l’émigration;
– Guido Solari, premier Chef de section à la Police fédérale des étrangers;
– Roger Merlin, premier Adjoint à la Subdivision de la main-d’œuvre et de l’émigration;
3) d’allouer aux membres de la délégation une indemnité de 60 francs par jour (chef de la délégations 65 frs) pendant la durée de leur déplacement13.
- 1
- Propositon: E 1001(-)1967/125/53.↩
- 2
- Cf. RO, 1954, pp. 250–56. Cf. aussi DDS, vol. 19, doc. 65, dodis.ch/8942(dodis.ch/8942).↩
- 3
- Cf. RO, 1948, pp. 818–824. Sur cet arrangement, voir aussi PVCF No 1361 du 4 juin 1948, E 1004.1(-)1000/9/494 (dodis.ch/2864), la notice Schweizerisch-italienische Verhandlungen über die italienischen Arbeitskräfte in der Schweiz, Visums- und Passfragen, sowie der Statut der Schweizer in Italien du 2 juillet 1948, E 4300(B)1969/122/9 (dodis.ch/2717), ainsi que DDS, vol. 19, doc. 116, dodis.ch/9491 et vol. 20, No 79 (dodis.ch/11581).↩
- 4
- Cf. E 2001(E)1976/17/507.↩
- 5
- Sur ces négociations, cf. E 2001(E)1976/17/503.Voir aussi le procès-verbal de la Réunion interdépartementale du 13 juin 1961 au sujet des négociations avec l’Italie en matière d’immigration et d’assurances sociales du 13 juin 1961, E 2001(E)1976/17/502 (dodis.ch/14904).↩
- 6
- Cf. la lettre de L. von Moos à C. Baldoni du 3 mars 1961, E 7170(B)1977/67/259.↩
- 7
- Les négociations en question débuteront le 6 juillet 1961. A ce sujet, cf. la Note à l’intention de M. le Ministre Kohli du 10 juin 1961, E 2001(E)1976/17/503.↩
- 8
- Cf. E 7170(B)1977/67/259.↩
- 9
- Cf. la Déclaration concernant l’application de la convention italo-suisse d’établissement et consulaire du 22 juillet 1868 du 5 mai 1934, RS, vol. 11, pp. 661–662.↩
- 10
- Cf. note 4.↩
- 11
- Cf. note 5.↩
- 13
- La proposition du Département de l’Economie publique est acceptée par le Conseil fédéral dans sa séance du 16 juin 1961. Cf. PVCF No 1113 daté du même jour, E 1004.1(-) 1000/9/650.↩
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