Bericht über die Konferenz in Bandung und die Rolle Nehrus und Zhou En-lais.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 4
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#625* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 300 | |
Dossier title | New Delhi, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 7 (1955–1955) |
dodis.ch/11875
J’ai assisté, ce matin, à la séance de la Chambre à laquelle le Premier Ministre2 a présenté un exposé sur la conférence de Bandoeng3. Contrairement à ses habitudes, il n’a pas improvisé, mais il a lu sur un ton plutôt monotone un texte – vous voudrez bien le trouver en annexe4 – qui ne sortait guère du plan du communiqué publié à l’issue de la conférence. Les quelques commentaires auxquels il s’est livré se réfèrent aux passages relatifs à la défense collective, au colonialisme, à l’éventualité de futures réunions et à l’offre chinoise de négocier sur Formose5.
A propos de cette dernière, le Pandit Nehru a annoncé que Pékin avait pris sa décision de négocier avec Washington avant l’ouverture de la conférence et que cette décision était connue «des autres Etats intéressés». Chou En-lai a invité Krishna Menon à se rendre à Pékin6 pour poursuivre les discussions et le Gouvernement indien l’a autorisé à accepter cette invitation. Le «représentant personnel» de M. Nehru se mettra en route pour la Chine dans une dizaine de jours. Pour ce qui est de la défense collective – concession qui doit avoir coûté à M. Nehru – il a souligné que la résolution doit être lue à la lumière des dispositions de la Charte de l’ONU «à laquelle l’Inde adhère fidèlement». Ce qu’il est essentiel de préciser, a ajouté l’orateur, c’est que toute pression de la part d’une grande puissance est reconnue inadmissible et, en outre, que des accords lorsqu’ils interviennent, ne doivent pas servir la politique d’une grande puissance. Sur le problème colonial, il a passé, comme chat sur braise, pour préciser seulement: «il y a aussi Aden, colonie britannique, mais il s’agit ici d’un cas spécial». C’est sans doute l’âme du membre du Commonwealth qui se révèle, comme lorsque Nehru répète le message d’amitié qu’il a adressé à l’Australie et à la Nouvelle Zélande dans son discours final à la conférence7. Enfin, le Premier Ministre précise que même si aucune date n’a été arrêtée pour une prochaine réunion et si aucune organisation permanente n’a été mise sur pied, l’événement pourra se répéter sur l’initiative de l’une ou l’autre des nations représentées à Bandoeng.
Dans les milieux diplomatiques de la Nouvelle Delhi on continue à spéculer sur la question de savoir si Nehru a ou n’a pas joué à Bandoeng le rôle de «leader» et si Chou En-lai a ou n’a pas diminué les effets de son collègue indien8. A un journaliste qui lui demandait s’il avait joué le rôle de metteur en scène, Nehru a répondu: «That is not exactly the fact». Il me semble que le problème, aujourd’hui, n’est plus là. Nehru a, sans aucun doute, fortement influencé la conférence comme le démontrent certains faits que je me propose de présenter plus bas. Ce qu’il importe avant tout de déterminer c’est: qui a tiré le plus grand profit de la conférence afro-asiatique? Je crois que c’est la Chine, d’abord.
Pour bien des délégués qui ne l’avaient pas encore rencontré, Chou En-lai faisait en quelque sorte figure du loup qu’on voulait introduire dans la bergerie. Mais il a su, à Bandoeng comme à Genève9, user de son charme. Il a assisté, impassible, aux attaques dirigées contre le communisme. Contrairement à M. Nehru, il ne s’est jamais fâché et il n’a jamais trahi la moindre impatience. Il a, à ce qu’il semble, réussi à faire accepter par les pays participants la Chine comme une réalité devant laquelle il est préférable de ne plus fermer les yeux. Chou En-lai n’a pas cherché à jouer un rôle de premier plan et le succès personnel qu’il a remporté – il s’agissait en partie d’un succès de nouveauté – n’a pas pu porter ombrage à Nehru. Avec la bénédiction de ce dernier auquel se sont joints U Nu et Nasser, Chou En-lai a fait sa cour aux pays asiatiques. En souscrivant à la déclaration concernant Israël10 – ce geste ne lui a rien coûté – il a gagné les pays arabes. La première réaction de Washington à son offre de discuter le problème de Formose avec les Etats-Unis11 a encore contribué à augmenter le prestige du Premier Ministre chinois. De plus, en apposant son sceau sur le communiqué final12, il faisait un peu sa paix avec l’ONU, cette ONU dont, au début de la conférence, il feignait presque tout ignorer. Il serait osé de vouloir dès à présent tirer des conclusions définitives sur la portée de ce geste. Les optimistes prétendent qu’en cas de différend entre la Chine et une autre nation asiatique, il devrait désormais être possible d’invoquer les principes de la Charte auxquels a souscrit Chou En-lai. Et s’il arrive à les escamoter? Je crois que la Chine se sentira, jusqu’à nouvel avis, moins liée par les principes ainsi acceptés qu’elle ne se sent liée par les «cinq principes»13 auxquels, avec l’Inde, elle a donné le jour et qui n’ont pas été portés en triomphe à Bandoeng. Quoi qu’il en soit, en modelant leur politique, à l’égard de la Chine, les USA auraient avantage à ne pas s’en tenir à leur seule réaction; mais à mettre dans la balance également celles des pays asiatiques qui ont admis dans leur club la Chine de Mao Tse-tung. Il est vrai que Pékin paie son succès par les engagements pris par son Premier Ministre, sur la base des «cinq principes», à l’égard des pays asiatiques.
Si la Chine me paraît être la première bénéficiaire de la conférence, je serais tenté de faire suivre son nom sur la liste par celui de l’Occident, puisqu’il s’en tire à meilleur compte que beaucoup n’avaient osé l’espérer. On avait craint que la réunion d’un si grand nombre de pays, aux points de vue en partie divergents, puisse conduire ces pays à s’entendre sur le seul terrain où ils se rencontrent, le colonialisme et le racisme, et à passer des résolutions susceptibles d’embarrasser certaines nations occidentales. Ces craintes ne se sont pas réalisées. Le fait, en outre, que l’Inde ait réussi à imposer son point de vue voulant que les décisions soient prises à l’unanimité, a permis de verser passablement d’eau bénite de cour sur un nombre de résolutions.
Le Pandit Nehru avait espéré pouvoir éviter que les questions d’Israël et de la Nouvelle Guinée14 soient soulevées. En présence de l’insistance de Nasser, d’une part, et de l’Indonésie, de l’autre, il a cédé tout en veillant à ce que les résolutions se tiennent dans la mesure du possible sur le terrain des généralités. A l’égard du Colonel Nasser, M. Nehru avait fait valoir qu’il était de mauvaise politique de discuter en conférence un problème si l’un des intéressés était absent. Or, remarquait-il, non seulement Israël ne prendrait pas part à la discussion, mais elle en avait été écartée. Les Pays-Bas, au courant de ce point de vue, avaient exprimé par leur Ambassadeur à Delhi15 le désir que le même critère soit appliqué au cas de la Nouvelle Guinée. Aux yeux de M. Nehru, la situation n’était pas pareille, mais la résolution de Bandoeng, même si elle n’est pas agréable au Gouvernement néerlandais, est moins sévère qu’elle aurait pu l’être si le Premier Ministre de l’Inde n’avait pas fait valoir son influence.
On le voit, Nehru n’a peut-être pas dominé, par sa personnalité, la conférence de Bandoeng. Cependant, il n’en a pas moins été un des membres les plus marquants et il a certainement exercé une influence modératrice dans bien des cas. Certes, il n’a pas toujours su contrôler ses accès de mauvaise humeur lorsque dans les débats étaient introduits des sujets qu’il aurait préféré ne pas aborder. Je pense, en particulier, aux déclarations de Sir John Kotelawala sur le communisme16. (Ces déclarations auraient peut-être gagné à être présentées d’une manière un peu moins théâtrale, mais le Ceylan et les Philippines ont rendu un grand service à l’Asie en parlant de ce danger auquel certains pays, même parmi ceux qui ont adopté une politique de co-existence et de non-alignement, sont sensibles du fait de leur voisinage avec la Chine ou de la vaste population chinoise qu’ils abritent dans leurs frontières). Les constatations qui précèdent me paraissent fournir une réponse à la question qu’on se pose sur le rôle joué à Bandoeng par le Premier Ministre de l’Inde.
- 1
- E 2300(-)-/9001/300.↩
- 3
- La Conférence de Bandoeng a eu lieu du 18 au 24 avril 1955, cf. DDS, vol. 20, doc. 5 et E 2001(E)1970/217/306, E 2200.62(-)1977/42/4 et E 2200.62(-)1982/126/5.↩
- 4
- Cf. la coupure du journal The Statesman du 1er mai 1955 concernant Nehru’s review of Bandung Conference, non reproduite.↩
- 5
- Sur le problème de Formose, cf. DDS, vol. 18, doc. 56, dodis.ch/2703, doc. 58, dodis.ch/8742, doc. 121, dodis.ch/8703(dodis.ch/2703, 8742 et 8703), vol. 19, No 93 (dodis.ch/9435) et l’exposé de H. de Torrenté du 6 septembre 1957, E 2004(B)1970/2/7 –8 (dodis.ch/11356).↩
- 6
- Sur le voyage de K. Menon à Pékin, cf. le rapport de C. Rezzonico à M. Petitpierre du 3 juin 1955, non reproduit.↩
- 8
- Sur la question du rôle de J. Nehru et Chou En-lai à la Conférence de Bandoeng, cf. aussi le rapport politique No 7 de O. Seifert à M. Petitpierre du 5 mai 1955, E 2300(-)-/9001/133 (dodis.ch/12094).↩
- 9
- Il s’agit de la Conférence asiatique, qui a eu lieu du 26 avril au 21 juillet 1954 à Genève, cf. DDS, vol. 19, doc. 93, dodis.ch/9435, doc. 104, dodis.ch/9023, doc. 107, dodis.ch/9675, doc. 110, dodis.ch/8175, doc. 113, dodis.ch/8954(dodis.ch/9435, 9023, 9675, 8175 et 8954). Cf. aussi les notices d’entretiens de M. Petitpierre du 12 mai 1954, E 2800(-)1967/59/20 (dodis.ch/9521), du 18 juin 1954, ibid (dodis.ch/9530), du 24 juin 1954, ibid (dodis.ch/9531), du 1er juillet 1954, E 2800(-)1990/106/20 (dodis.ch/8616), du 23 juillet 1954, E 2800(-)1967/59/20 (dodis.ch/9533) et le rapport de A. Lindt à P. Micheli du 7 décembre 1954, E 2001(E)1969/ 121/229 (dodis.ch/9534).↩
- 10
- Cf. le rapport de A. L. Natural à M. Petitpierre du 16 mai 1955, E 2001(E)1970/217/292.↩
- 11
- Cf. le discours de Chou En-lai du 23 avril 1955, E 2200.62(-)1982/126/5.↩
- 12
- Cf. Schluss-Communiqué der Asiatischen- Afrikanischen Konferenz du 24 avril 1955, E 2200.62(-)1982/126/5.↩
- 13
- Il s’agit des principes suivants: 1) le respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, 2) la non-agression, 3) la non-ingérence réciproque dans les affaires internes, 4) l’égalité et bénéfices mutuels et 5) la co-existence pacifique, cf. le rapport de M. Grässli à M. Petitpierre du 17 mai 1954 et l’annexe: agreement signed between India and China on Tibet du 29 avril 1954, non reproduits.↩
- 14
- Sur la question des relations entre les Pays-Bas et l’Indonésie, cf. le rapport de O. Seifert à A. Zehnder du 17 mai 1955 et le rapport politique de W. Bossi à M. Petitpierre du 14 février 1956, E 2300(-)-/9001/133 (dodis.ch/12095 et 12096).↩
- 15
- F. C. A. Baron Van Pallandt.↩
- 16
- Cf. la lettre de O. Seifert à A. Zehnder du 21 avril 1955, E 2001(E)1970/217/306.Parmi les annexes se trouvait aussi le texte du discours du Premier Ministre de Ceylan, J. Kotelawala, non retrouvé. Cf. le rapport de A. L. Natural à M. Petitpierre du 16 mai 1955, E 2001(E)1970/217/292.↩
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