Zusammenfassung einer Unterhaltung des diplomatischen Vertreters Japans in der Schweiz mit Douglas Mac Arthur: Lage im Fernen Osten, der Korea-Krieg, Abschluss eines Friedensvertrags mit Japan.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 56
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
more… |▼▶2 repositories
Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1967/113 517 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#1086* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 466 | |
Dossier title | Tokio, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 13 (1948–1951) |
dodis.ch/2703 Le Chef de la Mission diplomatique suisse au Japon, Ch. Weibel, au Chef de la Division des Affaires politiques du Département politique, A. Zehnder1
Le Général MacArthur, à qui j’avais été présenté lors d’un déjeuner offert à sa résidence au Premier Ministre Menzies, m’a reçu hier à l’occasion de mon entrée en fonctions2. Son accueil a été extrêmement cordial et au cours de l’entretien qui s’est prolongé durant quelque 45 minutes, le Général a parlé très librement de la situation politique et militaire en Extrême-Orient et a répondu avec beaucoup de bonne grâce aux questions que je lui posais. J’ai l’honneur de résumer ci-après ses déclarations.
Il voit dans la vague de nationalisme et de marxisme qui a déferlé sur l’Asie le résultat de la politique colonisatrice des nations anglo-saxonnes et autres, qui, si elles ont maintenu l’ordre dans ces régions, ne se sont pas souciées d’améliorer le niveau de vie de leurs habitants. La masse énorme des Asiatiques, l’activité du Kremlin, l’interdépendance accrue des Continents donnent au problème de l’Extrême-Orient une importance capitale. La Chine, habitée par une population hétéroclite et individualiste, a résisté aux tentatives d’unification de Sun Yat-Sen puis de Chiang Kai-Shek, ce dernier, privé qu’il était d’aide extérieure suffisante, devant inévitablement succomber aux coups d’un adversaire puissamment soutenu par Moscou3. Une troisième tentative est maintenant en cours et a plus de chance de réussir que les deux précédentes. Le Général ne paraît pas croire à la possibilité d’un titoisme asiatique4. Selon lui, un communiste chinois restera communiste avant tout, et il a mentionné avec scepticisme et un rien d’amertume l’espoir qu’entretiennent certaines nations commerçantes de sauvegarder leurs intérêts économiques en Chine en cherchant des accommodements avec Pékin. J’ai cru comprendre que cette remarque visait la Grande-Bretagne.
Sur la situation militaire en Corée, le Général s’est exprimé avec un optimisme plus tempéré que celui dont sont empreints les communiqués officiels. Il est d’avis que les Coréens du Nord n’ont commis qu’une faute jusqu’à maintenant, mais capitale: celle d’avoir, à la mi-juillet, surestimé les forces américaines, alors que ces dernières se trouvaient dans une position critique. Au lieu de poursuivre sa poussée victorieuse, le commandement nordiste a cru bon de regrouper ses forces, donnant ainsi aux troupes américaines et coréennes du Sud, complètement désorganisées, le temps de se ressaisir. Le Commandant Suprême a toutefois insisté sur le fait que les armées du Nord étaient supérieurement commandées et équipées et que la lutte serait longue et difficile. Il exclut toute intervention russe directe dans le conflit, car l’URSS voit ouverts à ses entreprises d’autres champs d’action plus intéressants pour elle. Quant à l’attitude chinoise, il est encore trop tôt pour se prononcer. C’est seulement lorsque les troupes américaines pourront prendre l’offensive que la question deviendra aiguë de savoir si les divisions chinoises, concentrées derrière la frontière, passeront à l’action. Le Général se refuse à tout pronostic sur ce sujet, d’autant plus que les Nations-Unies n’ont pas encore décidé si leurs armées devront s’arrêter au 38e parallèle. Il prévoit d’ardentes discussions à ce propos. Du point de vue militaire, a-t-il observé, le 38e parallèle est une ligne purement académique qui, s’il reçoit l’ordre de détruire l’ennemi, ne peut jouer aucun rôle dans ses plans. Le Général, rappelant que la guerre de Corée se trouve être sa 17 e campagne en 51 ans de service actif, estime qu’elle surpasse de loin toutes les autres par sa cruauté et sa sauvagerie. Il évalue à 60’000 hommes les pertes des Nordistes et à 50’000 hommes celles des Sudistes. Quant aux troupes américaines, elles aussi ont été durement éprouvées.
J’ai cru bon de mentionner en passant que le Comité international de la Croix-Rouge faisait les plus grands efforts pour envoyer des délégués en Corée du Nord5. Le Général a paru douter qu’il y parvienne, sans du reste manifester un intérêt particulier à ce sujet.
En ce qui concerne Formose, le Commandant Suprême est d’avis que, militairement parlant, l’île ne représente plus un point névralgique en Extrême-Orient. Vu la protection de la flotte et de l’aviation américaine, toute attaque venant du continent serait vouée à l’insuccès. Les rapports alarmants qu’il avait reçus de Formose et selon lesquels le gouvernement de Pékin préparait une invasion de l’île, ont été la raison de sa récente visite là-bas. Il en est revenu rassuré, convaincu qu’aucun préparatif d’invasion n’est en cours pour le moment.
La conversation s’est enfin portée sur l’attitude du Japon à l’égard du conflit. Le Général a parlé avec beaucoup de sentiment de la tenue du peuple nippon qu’il qualifie d’exemplaire par son calme et sa discipline. Il y voit la preuve du succès de l’occupation et de l’assimilation par les Japonais des principes démocratiques, bien que, a-t-il ajouté, ils n’aient pas encore complètement saisi l’essence même de la démocratie, telle que les peuples occidentaux la conçoivent. Il est maintenant grand temps de conclure un traité de paix qui aurait dû être négocié depuis deux ou trois ans déjà.
Ainsi se termina cet entretien sur lequel j’ai cru devoir vous renseigner en détails6.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1967/113/517.↩
- 2
- Ch. Weibel assume ses fonctions à Tokyo le 26 juillet 1950, cf. Rapport de Gestion de la Mission Diplomatique Suisse au Japon pour l’année 1950, E 2400Tokio/7.↩
- 3
- A propos de la guerre civile chinoise, cf. les rapports de la Légation de Suisse à Nankin, DDS, vol. 16, doc. 107, dodis.ch/166 et vol. 17, No 59 (dodis.ch/3744).↩
- 4
- A propos des rapports russo-yougoslaves, cf. le rapport politique No 12 de la Légation de Suisse à Moscou du 27 octobre 1949, E 2300Moskau/9 (dodis.ch/7709).↩
- 5
- Cf. E 2001(E)1967/113/804.↩
- 6
- Note marginale de A. Zehnder destinée à M. Petitpierre: Rapport très intéressant. 13. 9.↩