Besprechung mit dem Ministerpräsidenten und Aussenminister der Volkrepublik China, Zhou Enlai, über die Genfer Konferenz, sowie über die Aktivitäten der Schweiz im Rahmen der Neutralen Überwachungskommission in Korea.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 110
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1967/60#9* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1967/60 7 | |
Dossier title | Visites de personnalités étrangères (1946–1961) | |
File reference archive | 02 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2800#1967/59#344* | |
Dossier title | Conférence de Genève sur les affaires asiatiques, 26 avril - 24 juillet (1954–1954) | |
File reference archive | 05.03 |
dodis.ch/8175
Notice du Chef du Département politique, M. Petitpierre1
ENTRETIEN AVEC M. CHOU-EN-LAI, PREMIER MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE SAMEDI 12 JUIN 1954, À 11 H. 40
L’entretien a duré environ 35 minutes. M. Chou-en-Lai était accompagné de M. Feng, Ministre de Chine à Berne, et d’un interprète. M. Bernoulli, Ministre de Suisse à Pekin, assistait à l’entretien. Celui-ci s’est déroulé très courtoisement. Compliments d’usage. M. Chou-en-Lai a déclaré qu’il se sentait bien en Suisse et qu’il remerciait les autorités de la manière dont la Conférence de Genève avait été organisée2. Il se trouve bien dans la maison qu’il habite et la délégation chinoise est satisfaite des hôtels dans lesquels logent ses membres.
Sur la conférence elle-même, M. Chou-en-Lai souligne que c’est une conférence pour la paix et en vue de la paix, dans un pays attaché à la paix. Il est convaincu qu’elle doit aboutir à un résultat positif, mais cela prendra beaucoup de temps. Les peuples sont las de la guerre. Le peuple français comme le peuple indochinois sont désireux de mettre fin aux hostilités3. Un accord doit donc pouvoir intervenir si l’on sait résister aux pressions extérieures.
Je relève que pour la Corée une stabilisation paraît possible, mais que pour l’Indochine il y a une situation dangereuse en ce sens que, d’une part, les hostilités continuent en même temps que, d’autre part, les négociations se poursuivent.
Je demande ensuite à M. Chou-en-Lai s’il ne voit pas d’inconvénient à ce que je l’entretienne d’une question qui n’a pas une très grande importance pour lui, étant donnés les problèmes qu’il a à discuter et à résoudre, mais qui préoccupe le Gouvernement et le peuple suisses. Il s’agit du désir que nous avons d’être déchargés du mandat que nous accomplissons dans la Commission neutre de surveillance de l’armistice4. Nous avons plusieurs raisons de vouloir être déchargés de ce mandat. La première est que la convention d’armistice contient des lacunes au sujet du contrôle. Nos délégués ont le sentiment qu’ils font un travail inefficace, les possibilités de contrôle n’étant pas suffisantes. Ensuite, notre politique de neutralité ne nous permet pas d’accepter un mandat en faveur d’une partie (pays ou belligérant), en ce sens que nous défendons les intérêts de cette partie contre ceux d’une autre partie. Nous avons précisé, au moment où nous avons accepté ce mandat, que nous le remplirions dans l’intérêt des deux parties5. Or, en fait, aujourd’hui la Commission neutre est formée plutôt de représentants des belligérants. Des reproches sont adressés à notre délégation auxquels nous sommes très sensibles. Si nous avons accepté ce mandat, qui allait plutôt à l’encontre de nos habitudes, c’est uniquement pour servir les intérêts de la paix. Enfin, j’ai relevé que notre système de milices, nous privant de troupes de métier à l’exception de quelques officiers instructeurs, nous obligeait à n’envisager l’envoi en Corée que de volontaires. Il devient difficile d’en trouver, étant donné précisément le peu de satisfaction que donne l’accomplissement du mandat confié à la Commission. Je relève que beaucoup de pays, même en Europe, ont de la peine à comprendre notre neutralité et la politique qui en découle, mais que le Gouvernement et le peuple suisses y sont profondément attachés. J’ajoute que nous ne voulons rien faire qui puisse compromettre l’armistice en Corée, mais que je serais reconnaissant à M. Chou-en-Lai s’il voulait bien, le moment venu, vouer son attention à cette affaire, malgré le peu d’intérêt qu’elle peut présenter pour lui.
M. Chou-en-Lai me répond que, s’exprimant au nom du Gouvernement de la République populaire de Chine, il tient à remercier la Suisse d’avoir accepté ce mandat et de l’avoir rempli jusqu’à présent comme elle l’a fait. Il est convaincu que l’activité de la Commission neutre est nécessaire et qu’elle doit continuer malgré les difficultés qui se sont produites entre les différentes délégations. Il pense que le système actuel peut être amélioré et devenir plus satisfaisant. Il relève que les Etats-Unis considèrent l’activité de cette Commission neutre comme inutile et qu’ils aimeraient qu’elle disparaisse. Sur une question de ma part, M. Chou-en-Lai précise que la proposition de dissoudre la Commission n’a pas été faite à Genève, mais que le délégué américain6 à la Conférence a fait des déclarations qui ont cette signification.
Je précise, pour dissiper toute équivoque, que la démarche que nous avons faite en remettant notre aide-mémoire au mois d’avril au Gouvernement chinois et au Gouvernement américain est absolument indépendante des démarches qui ont pu être faites par les Etats-Unis. Les motifs qui nous ont engagés à faire cette démarche sont tirés exclusivement de notre politique et n’ont pas de rapport avec les motifs qui peuvent inspirer aux Américains le désir de supprimer la Commission. Aucune démarche n’a été faite, ni à Washington auprès de notre Légation, ni à Berne par l’Ambassade des Etats-Unis, pour nous demander de chercher à obtenir qu’il soit mis fin à l’activité de la Commission.
Quand j’ai fait allusion à notre aide-mémoire du mois d’avril7 au cours de la conversation, M. Chou-en-Lai a relevé qu’il n’en avait pas encore eu connaissance.
Je lui ai posé la question si l’on n’avait pas envisagé à Genève la création de commissions neutres également pour l’Indochine. M. Chou-en-Lai m’a répondu affirmativement, mais sans me donner de détails.
Nous nous sommes rendus ensuite chez le Président de la Confédération8, où nous sommes restés dix à quinze minutes.
Au cours du déjeuner, la conversation que j’ai eue avec M. Chou-en-Lai a été très bigarrée. Nous avons parlé de l’effort industriel fait par la Chine: construction de barrages pour régulariser le cours des fleuves, développement d’une industrie lourde, production de pétrole, fabrication d’automobiles, industrialisation de l’agriculture (la propriété agricole est très morcelée: il y a une masse de petits propriétaires cultivant leur terre suivant les principes artisanaux), etc. La Chine est trop peu avancée pour s’occuper de l’énergie atomique. Elle cherche à développer la médecine et la fabrication des médicaments chimiques (actuellement les médecines sont essentiellement végétales). La philosophie de Confucius et, dans une moindre mesure, celle de Lao-Tseu, qui s’expriment sous forme de sentences, sont toujours en faveur dans le peuple et se sont transmises de génération en génération. Le bouddhisme en tant que religion n’est plus pratiqué que par des milieux restreints. Il a perdu de son importance et de son influence.
M. Chou-en-Lai et ses collaborateurs ont été parfaitement courtois et aimables et la visite s’est déroulée dans une très bonne atmosphère.
De l’entretien du matin, je tire la conclusion que nous aurons de la peine à nous libérer de notre mandat dans la Commission neutre de surveillance en Corée.
Je n’ai pas fait allusion aux problèmes qui nous préoccupent en Chine (il n’y a aujourd’hui plus guère que les conditions dans lesquelles la CIBA et Volkart pourraient être liquidés à Shanghai), ni aux relations économiques9 entre les deux pays.
Dans le discours qu’il a lu à la fin du repas, en réponse à l’allocution du Président de la Confédération, M. Chou-en-Lai a exprimé le désir que les relations économiques entre les deux pays se développent pour le plus grand bien de l’un et de l’autre.
- 1
- (Copie): E 2800(-)1967/60/7.↩
- 3
- A propos de la Guerre d’Indochine cf. le rapport sur la Situation des Etats associés de J. Studer du 1er décembre 1953, E 2300(-)-/-/415 (dodis.ch/9500).↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 107, ainsi que l’aide-mémoire du DPF du 7 mai 1954, E 2001(E)1988/16/662/12 (dodis.ch/9636).↩
- 5
- Cf. PVCF No 968 du 9 juin 1953, E 1004.1(-)-/1/554 (dodis.ch/9442).↩
- 6
- W. Bedell-Smith.↩
- 7
- Cf. note 3.↩
- 8
- R. Rubattel.↩
- 9
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 114.↩
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Korea (General) Vietnam (General) Indochina (Politics)