Beschreibung der Debatte über Triest in der italienischen Abgeordnetenkammer und Bilanz des Schweizer Gesandten in Rom über die Konferenz des Professors Colonetti betreffend die Gründung des Zentrums für Kernforschung in Genf (CERN).
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 77
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#936* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 409 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 60 (1953–1953) |
dodis.ch/8929 GLOSES SUR LES DISCUSSIONS SUR TRIESTE À LA CHAMBRE ITALIENNE
Personne ne pouvait prétendre que M. Pella fît hier à la Chambre des déclarations importantes et qui l’engageaient sur le développement du problème de Trieste; personne, toutefois, n’eût supposé qu’après son discours on en aurait moins su qu’avant. Et cependant, si l’on y pense, il ne pouvait en être autrement.
La seule raison qui eût pu justifier un débat sur Trieste était les faits sanglants qui, ces jours passés, ont endeuillé la ville2. Mais le gouvernement Pella devait bien prévoir que les nationalistes et les représentants à la Chambre des divers partis de l’extrême gauche et de l’extrême droite – missiniens3, communistes et aussi monarchistes – auraient saisi cette occasion pour donner libre cours à leurs rancœurs, vieilles et récentes, contre l’Angleterre. Le gouvernement devait prévoir aussi qu’en l’état actuel des choses il n’aurait pas été en mesure de fournir sur Trieste les informations que l’opinion publique et le Parlement attendaient anxieusement. Si Pella avait prévu tout cela, le nouvel ambassadeur de Gde Bretagne à Rome, Sir Ashley Clarke (qui, pour la première fois, se trouvait dans la tribune réservée au corps diplomatique) n’aurait pas eu à en entendre de vertes sur le compte et à l’adresse de son pays. En sa présence, en effet, les orateurs missiniens, monarchistes et communistes se laissèrent aller à dire des choses désagréables et laides, comme les suivantes par exemple: que l’on ne pouvait tolérer davantage que l’Angleterre et l’Amérique se partagent le monde en zones d’influence respectives et qu’à l’Italie soit échu le sort d’être sous la domination anglaise; que les temps de la domination anglaise sur les mers étaient révolus, et pour toujours; que l’Asie est pratiquement perdue pour l’influence politique et l’expansion commerciale anglaises; mais que l’orgueil de la classe dirigeante d’outre-Manche n’a pas changé et que cette classe cherche aujourd’hui à affirmer la supériorité qu’elle a perdue ailleurs en imposant à l’Europe des hommes de la stature de Winterton, ce qui doit prendre fin. L’Italie restera fidèle au Pacte atlantique – ce ne sont, naturellement, pas les communistes qui l’ont dit –, mais à cette condition seulement: qu’il n’y ait, entre alliés, ni hiérarchie ni sujétion. Et de la bouche de l’orateur monarchiste Viola (président de la grande association des anciens combattants qui compte plus de 5 millions d’inscrits) est même sortie cette phrase: «On peut se demander s’il ne faut pas faire confiance plus à Tito qu’à M. Eden.» A ce moment, l’ambassadeur de Grande-Bretagne quitta sur la pointe des pieds la tribune…
Et les communistes de renchérir: la politique atlantique et l’adhésion de l’Italie au Pacte ont rendu Tito et les Alliés crâneurs, au détriment de l’Italie. Si l’on avait appliqué le traité de paix4 et créé par conséquent le T. L. T.5 avec un gouverneur suisse – n’est-ce pas l’Angleterre qui, la première, avait proposé le colonel Flückiger comme gouverneur de Trieste6? Ou les Alliés et l’Italie craignent-ils déjà le neutre Flückiger? – nous ne nous trouverions pas aujourd’hui dans cette impasse. Vous ne voulez pas le T. L. T.? Alors, M. Pella, persistez à demander le plébiscite et, s’il est nécessaire, allez jusqu’au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais ne vous prêtez pas au jeu de Tito et des Alliés qui, en échange de la proposition tripartite7, maintiennent ce territoire séparé en deux zones8 et, en échange de la décision du 8 octobre9, veulent partager en deux aussi la zone A. Le T. L. T. est inséparable. Ainsi s’exprima M. Pajetta, habituellement fort agité, hier très calme, persistant et complétant ce que, peu auparavant, les missiniens avaient formulé en termes moins précis.
Seuls les libéraux et les démo-chrétiens – les républicains et les nenniens restèrent silencieux – manifestèrent – tout en désapprouvant le comportement de la police de Winterton – leur confiance dans les efforts actuels du gouvernement pour dénouer l’écheveau compliqué de Trieste.
C’est après ces interventions que M. Pella prit la parole. Et ce fut une désillusion. Même pas: ce fut la conclusion logique d’une situation. Qu’eût pu dire, en effet, l’honnête président du Conseil, l’intelligent mais trop frais chef de la politique étrangère de l’Italie, qui avait beaucoup trop laissé espérer en une solution satisfaisante et rapide de la question de Trieste? S’il avait pu parler à cœur ouvert de la tribune, il aurait dû avouer que la dernière solution envisagée par les Alliés comportera de nouvelles mutilations à la décision qu’ils ont prise il y a un peu plus d’un mois. Mais ceci, M. Pella n’eut pas le courage de le dire explicitement; il le laissa entrevoir, et bien timidement encore. Il se borna donc à répéter, sous une forme nouvelle, ce qu’il avait déjà proclamé auparavant: qu’une enquête objective devait être faite sur les tristes événements de Trieste et que, pour le reste, les diplomaties étaient en train de travailler. Il n’osa pas davantage parler de la «conférence préventive des seuls techniciens». Et pourtant ce n’est un mystère pour personne que l’on en parle à Washington, à Londres, à Paris et même à Rome. Il est vrai qu’aucune proposition écrite dans ce sens n’est parvenue jusqu’à présent au Palais Chigi. M. Pella dit bien que la conférence à cinq est assujettie au maintien de la décision alliée du 8 octobre10, mais chacun sait désormais que cette décision, même si elle a été deux fois confirmée par qui l’avait prise, est, elle aussi, en train d’être rectifiée, réduite, écorchée, et ceci aux seuls dépens de la zone A, c’est-à-dire de l’Italie. La prudence a imposé à M. Pella un langage qui a eu pour effet de ne satisfaire personne. C’était fatal. J’ignore, au moment où je vous écris, quels seront les commentaires de la presse aulique ou de l’opposition. Un fait est certain, malgré les circonlocutions qui accompagneront tous commentaires: c’est que la question de Trieste est non seulement en haute, mais en très haute mer. A moins que le gouvernement italien n’ait le courage d’aller à contre-sens, en acceptant une solution qui donne à l’Italie Trieste seulement, ou guère plus. Un repliement sur le territoire libre prévu par le traité de paix et à temps déterminé? Peut-être, si Tito ne se refusait pas à restituer la zone B au Territoire libre.
Bref! M. Pella, à mon avis et à celui de beaucoup de mes collègues, a commis une grave erreur en acceptant un débat à la Chambre italienne en ce moment incertain et crucial.
Le triangle adriatique
Un grand relief a été donné ici à la visite de Pella, la semaine passée, à Ankara. Ce qui est bien compréhensible, étant donné que les rapports entre l’Italie et la Yougoslavie intéressent énormément la Turquie et la Grèce. On souligne à Rome, dans les milieux officiels, que ces deux Etats comprennent que sans l’Italie – qui fonctionne comme suture du triangle adriatique – l’avantmuraille balkanique vers l’Orient serait gravement lésée. On ne s’explique pas autrement pourquoi, dans la controverse pour Trieste, la Turquie a cherché à maintenir, et maintient, une position qui soit à égale distance entre Rome et Belgrade. En effet, le ton du langage adopté par Koproulou et De Gasperi à Rome en décembre 1952, et plus encore par Koproulou et Pella à Ankara, était et est celui de deux partenaires dont les relations sont basées sur des intérêts communs et sur une confiance réciproque. On a même, à Ankara, adopté l’expression euphorique d’«amitiés perpétuelles»!!!
La Suisse et la science nucléaire
Sous ce titre, le professeur Colonnetti, président du Conseil National des Recherches, a tenu à Rome, à Palazzetto Venezia, sous les auspices de l’«Association italo-suisse de culture», une conférence11 à laquelle a fait l’honneur d’assister le président de la République italienne, M. Einaudi. L’insigne orateur, après avoir rendu hommage à la Suisse, toujours à l’avant lorsqu’il s’agit de faire progresser les recherches scientifiques, a illustré l’initiative de l’UNESCO de laquelle est sortie la Convention stipulée par la Belgique, le Danemark, la France, l’Allemagne, la Grèce, la Gde Bretagne, les Pays-Bas et la Suisse pour la création d’un Conseil européen de recherches nucléaires ayant son siège dans les environs de Genève12.
Les recherches nucléaires – a dit le professeur Colonnetti – ne sont pas toujours synonymes de bombes atomiques et moins que jamais le seront dans le cas du Centre de physique nucléaire de Genève. La coopération européenne en matière de physique nucléaire est née et se développera par l’œuvre d’hommes qui ont uniquement pour but la recherche pure. Ces hommes sont fermement décidés à exclure de leur programme de travail les applications de nature belliqueuse. Dans les statuts du Centre européen de recherches nucléaires, ils ont, en effet, inclus l’engagement de publier tous les résultats de leurs études, de les mettre, c’est-à-dire, à la disposition de tous. L’idée du secret est donc explicitement exclue.
Les contributions des divers Etats participants se montent déjà à un million de francs suisses; mais de plus fortes sommes seront encore versées par la suite, afin de permettre la réalisation d’un Centre de recherches qui puisse être de pair [sic] et rivaliser avec ceux d’outre-Océan. Le Conseil, en effet, construira deux grandes machines accélératrices, dont un synchrocyclotron de 600 mille électrovolts et un synchrotron pour protons capable d’accélérer les parcelles élémentaires jusqu’à des énergies de l’ordre de 30 milliards d’électrovolts.
Le professeur Colonnetti a donné d’intéressantes et suggestives informations sur cette deuxième machine gigantesque qui, a-t-il dit, représentera une nouvelle étape dans la construction des accélérateurs.
Dans la dernière partie de sa conférence, l’orateur a choisi du message du Conseil fédéral13 les arguments les plus décisifs tendant à démontrer que la création du Centre de physique nucléaire à Genève n’est pas en contradiction avec [la conception et la pratique de la neutralité helvétique.
- 1
- E 2300(-)-/9001/409.↩
- 2
- Les 5 et 6 novembre 1953 à Trieste, la répression policière d’une manifestation estudiantine de la part des autorités d’occupation alliées provoque la mort de 10 jeunes Italiens. Cf. le rapport politique No 32 de E. Celio à M. Petitpierre du 7 novembre 1953, non reproduit.↩
- 5
- Territoire libre de Trieste. Il s’agit d’un territoire neutre et démilitarisé placé sous la protection de l’ONU.↩
- 6
- Sur la candidature de H. Flückiger, cf. E 2001(E)1969/121/249.↩
- 7
- Il s’agit de la Déclaration tripartite du 20 mars 1948 émise par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique. En vertu de cette déclaration, les gouvernements italien et soviétique doivent s’entendre sur la restitution à l’Italie du territoire libre de Trieste. Pour plus de détails concernant le problème de Trieste, cf. la lettre de H. de Torrenté à M. Petitpierre du 6 novembre 1952, ibid. (dodis.ch/9622).↩
- 8
- Une zone A est attribuée à l’Italie, une zone B à la Yougoslavie. Sur les problèmes liés à l’attribution des zones, cf. la lettre de Ch. Masset à M. Petitpierre du 11 juin 1953, ibid.↩
- 9
- Il s’agit de la déclaration du 8 octobre 1953 prévoyant le retrait des troupes alliées pour le passage de l’administration de la zone A à l’Italie.↩
- 10
- Cf. note 6.↩
- 11
- Sur cette conférence, cf. E 2200.19(-)1969/46/24.↩
- 12
- Sur le Conseil européen de recherches nucléaires (CERN), cf. le DDS, vol. 19, doc. 35.↩
- 13
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 35, note 3.↩
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