Die Schweiz möchte Kriegsmaterial aus den USA importieren, ohne jedoch mit den Amerikanern ein bilaterales Abkommen zu schliessen, welches der schweizerischen Neutralität zuwiderlaufen würde.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 139
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1001#1000/6#93* | |
Old classification | CH-BAR E 1001(-)1000/6 93 | |
Dossier title | Anträge des Eidg. Politischen Departementes Januar - Juni 1952 (1952–1952) | |
File reference archive | 1.2 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1967/59#905* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1967/59 58 | |
Dossier title | Mission technique militaire suisse aux Etats-Unis et achat éventuel de matériel de guerre (1953–1953) | |
File reference archive | 31.02 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#540* |
Old classification | CH-BAR E 1004.1(-)1000/9 539 |
Dossier title | Beschlussprotokolle des Bundesrates März 1952 (1952–1952) |
dodis.ch/8296
Le Département politique au Conseil fédéral1
ECHANGE DE LETTRES ENTRE LA LÉGATION DE SUISSE À WASHINGTON ET LE DÉPARTEMENT D’ETAT AMÉRICAIN CONCERNANT L’ACHAT ÉVENTUEL DE MATÉRIEL DE GUERRE POUR L’ARMÉE SUISSE ET ENVOI D’UNE MISSION TECHNIQUE MILITAIRE AUX ETATS-UNIS POUR SE DOCUMENTER SUR CE MATÉRIEL
Dans le cadre d’exécution de notre programme de réarmement, le Département militaire fédéral a envisagé d’acquérir aux Etats-Unis du matériel de guerre, notamment des chars, des canons, des fusées anti-chars et de défense contre avions, des appareils de radar, etc. Le Ministre de Suisse à Washington2 a été chargé d’approcher, à ce propos, les autorités américaines. La réponse ne put être obtenue qu’après un certain laps de temps, car plusieurs administrations américaines y étaient intéressées. C’est le «National Security Council» qui se prononça en dernier ressort sur cette affaire. Il constitue une sorte de Cabinet restreint sous la direction du Président des Etats-Unis3 et les membres en sont notamment le Secrétaire d’Etat4, le Secrétaire à la Défense5 et les Chefs des Départements militaires (armée6, marine7, aviation8). La décision prise9 confirmait que la Suisse pouvait être admise à recevoir des équipements et des fournitures militaires américaines à condition de se conformer aux dispositions de la loi pour la sécurité mutuelle. Elle impliquait donc la conclusion d’un accord bilatéral entre la Suisse et les Etats-Unis, analogue, sur le fond et dans la forme, à ceux signés à Washington entre les Etats-Unis et les Etats bénéficiaires de l’aide militaire américaine. Nous avons alors invité notre Ministre à Washington à s’efforcer de faire comprendre aux autorités américaines que la Suisse ne pouvait pas conclure un accord semblable à ceux liant les Etats-Unis à ses alliés et surtout contracter des obligations qui seraient incompatibles avec sa neutralité.
Il résulte des conversations que notre Ministre à Washington a eues à ce propos que le Département d’Etat serait prêt à renoncer à la conclusion d’un accord bilatéral dans la forme et dans les termes prévus par la loi et à se contenter d’un engagement de notre part sur la non-réexportation, la sauvegarde du secret de construction et le paiement, engagement donné dans une lettre que M. Bruggmann adresserait au Département d’Etat, qui en a approuvé le texte, et dont voici la traduction:
«En me référant aux conversations que j’ai eues avec le State Department, j’ai l’honneur de vous informer que le Gouvernement suisse a pris note que le Gouvernement des Etats-Unis est d’accord en principe de vendre à la Suisse des équipements militaires, du matériel et d’offrir une aide technique.
Le Gouvernement suisse m’a chargé de vous informer dans les termes suivants qu’il accepte les conditions dans lesquelles ces livraisons auront lieu: Le Gouvernement suisse déclare que les équipements, le matériel et l’aide technique fournis par les Etats-Unis seront uniquement employés aux fins d’assurer sa sécurité intérieure et sa défense légitime, conformément à sa politique traditionnelle qui exclut évidemment tout acte d’agression. Le droit à recevoir ou la possession d’équipements, de matériel, d’informations ou de ‹services› fournis au Gouvernement suisse ne seront pas transférés sans le consentement du Gouvernement des Etats-Unis. Le Gouvernement suisse assurera la sécurité de tout matériel et le secret de l’aide technique et des informations fournies. Il a été pris note qu’avant de transférer le matériel ou de fournir l’aide technique mentionnés ci-dessus, le Gouvernement des Etats-Unis se réserve le droit d’annuler la transaction. En ce qui concerne le paiement du matériel et des ‹services› fournis, la Suisse est prête à accepter les conditions usuelles fixées à ce sujet par le Gouvernement des Etats-Unis.»
Quelle est la signification exacte et la portée politique de cet engagement pour la Suisse?I.
Au lendemain de la dernière guerre, les Etats-Unis avaient mis tous leurs espoirs dans les Nations-Unies. Les événements politiques qui suivirent, principalement les difficultés économiques et financières de la Grande-Bretagne et de la France, l’impossibilité d’un accord avec l’URSS, les engagèrent à réviser leur position dans le sens d’une aide directe à certains pays européens. Ils avaient déjà accordé, à fin 1945, un prêt important à la Grande-Bretagne, de même qu’à la France, en mai 1946. Ces prêts furent rapidement absorbés; la situation économique des pays européens empira, au point que dès juin 1947, le Gouvernement américain lançait, par l’entremise du Général Marshall, l’idée d’un plan, appelé Plan Marshall, qui devait, à partir d’avril 1948, apporter à l’Europe occidentale une aide substantielle et lui permettre de redresser son économie.
Mais avant même que le Plan Marshall ne fût appliqué, les événements avaient marché si vite que l’idée d’un redressement total de l’Europe par une aide strictement économique et financière était dépassée. Le 12 mars 1947 déjà, le Président Truman avait affirmé le principe que les Etats-Unis soutiendraient les peuples libres qui refusaient de se laisser subjuguer par des minorités armées ou par des pressions extérieures. Le 11 juin 1948, le Sénat vota une résolution informant le Président Truman que le Sénat préconisait en outre «le développement progressif d’accords régionaux et autres pour la légitime défense et l’association des Etats-Unis à celle des ententes collectives régionales et autres qui sont basées sur une auto-aide et une aide mutuelle, et dans la mesure où ces ententes intéressent la sécurité nationale des Etats-Unis». Ceci préparait la voie qui devait aboutir à la conclusion du Pacte de l’Atlantique du Nord, qui fut accepté le 2 avril 1949 par toutes les puissances intéressées et signé le 4 avril 1949 par le Président Truman.
Le Pacte Atlantique émettait des principes, créait un cadre de travail etc., mais ne donnait pas à l’Europe les moyens matériels de participer effectivement à sa propre défense. Le réarmement européen supposait une aide financière des Etats-Unis, comme son relèvement économique avait exigé les crédits du Plan Marshall. A peine la signature du Pacte de l’Atlantique Nord était-elle acquise que les cinq puissances signataires du Traité de Bruxelles remettaient un mémorandum aux Etats-Unis dans lequel elles exposaient les grandes lignes de leur programme et demandaient une aide matérielle et financière. Le Gouvernement américain répondit favorablement et déposa, sur le bureau du Congrès, le projet de loi d’aide pour la défense mutuelle qui, après avoir subi quelques amendements, fut approuvé par les deux Chambres le 6 octobre 1949. L’aide prévue pourrait prendre trois formes:
1. Livraison en nature d’armes et de matériel américains, y compris les surplus;
2. aide économique aux pays signataires pour accroître leur propre production d’armes et de matériel pour la fourniture de matières premières et de machines-outils;
3. assistance technique.
L’exportation de matériel de guerre peut également, dans le cadre de cette loi, s’effectuer sur la base de prêts remboursables. Dans ces cas, les Etats-Unis ont aussi exigé des pays bénéficiaires la signature d’accords bilatéraux comportant des clauses comparables à celles qui sont obligatoires pour les pays qui reçoivent l’aide gratuitement. Cette procédure se fonde sur la conviction que toute aide demandée ne doit être fournie que si le bénéficiaire accepte de l’utiliser dans le cadre des principes de la loi sur l’aide pour la défense mutuelle. Les Etats-Unis proposèrent aux puissances demandant l’aide de signer avec eux un accord bilatéral, comme il avait été fait pour le Plan Marshall. En janvier 1951, les accords bilatéraux d’aide pour la défense mutuelle, tous à peu près semblables sur le fond et dans la forme, étaient signés à Washington entre les Etats-Unis d’une part, et, d’autre part, la Belgique, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège et les Pays-Bas.
Le programme d’aide pour la défense mutuelle a fonctionné selon un certain nombre de principes:
1. Il avait un caractère purement militaire;
2. il concernait essentiellement les pays signataires du Pacte de l’Atlantique Nord, mais également, quoique dans une plus faible proportion, la Grèce, la Turquie, l’Iran, la Corée et les Philippines;
3. il impliquait la contribution réciproque des Etats-Unis et des pays bénéficiaires de l’aide.
L’aspect militaire du programme avait été mis en lumière dès le départ. Ainsi, pour les pays européens déjà bénéficiaires, depuis 1948, du Plan Marshall, s’est ajoutée à l’aide purement économique reçue jusqu’alors, une nouvelle sorte d’aide américaine, très différente par sa forme de la première, mais dont les liens avec elle devaient se confirmer par la suite.
Pour l’année fiscale 1951/1952, les fonds alloués à l’Europe occidentale atteignent 4,8 milliards de dollars pour l’aide militaire et 1,2 milliards pour l’aide économique.II.
Il ressort du chapitre précédent que l’aide militaire américaine à l’Europe est la conséquence logique du durcissement de la politique des Etats-Unis à l’égard de l’Union Soviétique et du communisme international. La loi pour la sécurité mutuelle n’est pas la conséquence du Plan Marshall, dont le but était différent. Cependant, dans l’esprit des Américains, il y a entre eux un certain lien, puisque les pays bénéficiaires sont à peu près les mêmes dans les deux cas. En 1948, lors de l’introduction du Plan Marshall, la Suisse a été sollicitée par les Etats-Unis de signer un accord bilatéral au même titre que tous les autres Etats bénéficiaires de l’aide économique. Le Conseil fédéral se souviendra qu’à cette époque le Ministre de Suisse à Washington a été chargé par le Conseil fédéral de faire comprendre aux Américains la situation particulière de la Suisse, particulière en ce sens que la Suisse bien que disposée à faire partie de l’OECE ne saurait accepter l’aide américaine et devenir ainsi un «recipient country». Après des négociations qui durèrent plusieurs mois, Washington reconnut le point de vue suisse et renonça à l’accord bilatéral.
Aujourd’hui, nous nous trouvons en présence d’un problème tout à fait analogue, et il s’agit de ne pas compromettre la reconnaissance du statut particulier de la Suisse obtenu en 1948. C’est la raison pour laquelle, cette fois aussi, nous avons demandé à notre Ministre à Washington d’expliquer encore une fois la situation particulière de la Suisse comme pays ne bénéficiant d’aucune aide américaine et résolu à ne pas se la faire octroyer et de veiller, si le matériel de guerre ne pouvait être obtenu que moyennant un accord bilatéral, que l’engagement ainsi contracté ne nous range pas parmi les pays bénéficiaires de l’aide militaire américaine.
Il nous semble que le texte des lettres à échanger proposé par M. Bruggmann d’entente avec le Département d’Etat tient compte de nos scrupules. En effet, il diffère sensiblement des engagements que les pays du NATO ont dû assumer en vertu de la même loi américaine. Ce que les Américains demandent de nous n’est autre chose que ce que nous demandons aux Etats qui achètent du matériel de guerre suisse, avec la différence que nous le demandons dans chaque cas particulier de livraison tandis que Washington nous demande un engagement couvrant tous nos achats de matériel de guerre aux Etats-Unis. En analysant la lettre proposée, nous relevons trois espèces d’obligations: 1) Non-réexportation du matériel acheté. 2) Garantie du secret de fabrication. 3) Renonciation aux dons et prêts («paiement aux conditions usuelles»).
Un point qui n’est pas encore tout à fait clair est celui concernant l’aide technique. L’expression en anglais est «service», mais il s’agit évidemment de l’explication de la construction et de la manipulation des engins et de l’entraînement des troupes. Il est compréhensible qu’en nous procurant du matériel de guerre le plus moderne, nos militaires doivent connaître les données techniques et le maniement. Il faudra donc préciser à un moment donné que nous ne désirons pas l’envoi en Suisse de spécialistes américains, mais l’envoi de nos techniciens aux Etats-Unis ou dans ceux des pays européens qui pourraient nous démontrer le maniement des engins qui nous intéresseraient. Nous ne croyons pas qu’il faille modifier, à cette fin, le projet de lettre proposé par M. Bruggmann et le Département d’Etat.
On remarquera, par ailleurs, qu’aucune allusion n’est faite dans le projet de lettre à la loi sur la sécurité mutuelle. En revanche, la lettre contient une allusion à «la politique traditionnelle» de la Suisse qui «exclut évidemment tout acte d’agression». Il faut donc reconnaître que rien ne s’opposerait, du point de vue de notre neutralité, à ce que le Ministre de Suisse à Washington y apposât sa signature.III.
Est-il nécessaire que nous procédions incessamment à l’échange de lettres?
Le Département militaire désire s’assurer la possibilité d’acheter du matériel de guerre aux Etats-Unis, mais il n’est pas encore en mesure de procéder aux achats substantiels faute d’indications suffisantes. Il importe donc de pouvoir vérifier dans quelle mesure les différentes sortes de matériel de guerre fabriqué en Amérique peuvent satisfaire aux besoins de notre armée et s’adapter à notre stratégie militaire. En plus, il conviendrait également d’être fixé, d’une part sur les délais de livraison, et de pouvoir se rendre compte, d’autre part, si les prix américains sont acceptables.
Ainsi, il apparaît comme indispensable qu’une mission technique militaire puisse se rendre aux Etats-Unis pour se documenter. Par ailleurs, il serait utile de tirer au clair, à la même occasion, ce que les Américains entendent par aide technique et, le cas échéant, de leur faire comprendre notre manière de voir. La Délégation devrait être composée de quelques personnalités suffisamment importantes pour inspirer confiance aux autorités américaines, de sorte que celles-ci aient moins d’hésitation à dévoiler des secrets militaires.
Selon une communication récente reçue du Ministre de Suisse à Washington, le Département d’Etat semble comprendre que nous ne voudrions envoyer telle lettre que si nous pouvions acheter sûrement les armes et le matériel que nous demandons. En revanche, il n’est pas exclu que nos hésitations n’impatientent pas le Pentagone et n’y créent pas d’atmosphère moins favorable. Le Département d’Etat ajoute que la livraison des 250’000 cartouches pour les avions Moustang, commandés par le Département militaire fédéral ne serait possible qu’après l’échange des lettres dont il s’agit. Quelques commandes de moindre importance sont également en panne pour la même raison.
Le Département militaire est de l’avis qu’il faudrait procéder, aussi rapidement que possible, à l’échange de lettres afin d’obtenir d’une part l’exécution des commandes en suspens et de faciliter d’autre part la tâche de la délégation technique militaire à laquelle les services américains ne sauraient fournir les renseignements désirés à défaut d’un accord entre les gouvernements.
Dès le début, le Département politique a exprimé la crainte que le gouvernement américain ne subordonne la livraison de matériel de guerre à notre pays à des conditions de nature politique inacceptables pour nous.
Le texte de la lettre qui sera remise au Département d’Etat en renferme toutefois aucun engagement qui soit contraire à notre neutralité. Aucun obstacle sérieux ne s’oppose donc à l’échange de lettres prévu.
Le Département politique est d’avis que dans ces conditions il vaut mieux procéder immédiatement à cet échange que d’essayer de l’ajourner au risque d’indisposer le partenaire et de reprendre les mêmes négociations dans des conditions moins favorables.
D’entente avec le Département militaire, le Département politique a l’honneur de proposer:
1. La Légation de Suisse à Washington est chargé d’intervenir auprès des autorités américaines pour qu’elles donnent leur agrément à l’envoi d’une mission technique militaire suisse aux Etats-Unis pour se documenter sur le matériel militaire que ce pays pourrait éventuellement livrer à la Suisse.
2. La Légation est autorisée à procéder immédiatement à l’échange de lettres envisagé pour faciliter tant la tâche de la délégation technique que la livraison du matériel de guerre déjà commandé aux Etats-Unis10.
- 1
- Propositon: E 1001(-)-/1/93. Paraphe: RP.↩
- 4
- D. Acheson.↩
- 8
- Th. K. Finletter.↩
- 9
- Pour la décision du National Security Council, cf. DDS, vol. 18, doc. 131.↩
- 10
- Ces deux propositions sont acceptées par le Conseil fédéral lors de sa séance du 14 mars 1952, cf. PVCF No 484 du même jour, E 1004.1(-)-/1/539 (dodis.ch/8288).↩
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