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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 111
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2807#1974/12#541* | |
Old classification | CH-BAR E 2807(-)1974/12 82 | |
Dossier title | Kantone (1965–1969) | |
File reference archive | 16-11 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR E 2200.41(-)1984/95 36 |
Dossier title | Berne. Autorités cantonales - Quéstions Jura (1966–1967) |
File reference archive | 315.1 |
dodis.ch/32600 Rapport au Chef du Département politique, W. Spühler1 La manifestation jurassienne au siège du Conseil de l’Europe à Strasbourg le 24 septembre 1968
Le 24 septembre dernier, l’Associationféminine pour la défense du Jura, représentée par une cinquantaine de jeunes femmes, auxquelles s’étaient joints quelques membres du «GroupeBélier», a manifesté durant une heure environ à Strasbourg devant l’immeuble où siège l’Assemblée Consultative du conseil de l’Europe. Les manifestants, qui ont observé calme et retenue, étaient munis de drapeaux jurassiens et de banderoles portant la mention «Jura libre». Ils ont également distribué le tract ci-joint2 qui, sous le titre «Un peuple de langue française lutte pour sa liberté», présente le problème jurassien3 en déformant ses antécédents historiques et son état actuel, demande la création d’un état jurassien au sein de la Confédération et revendique «la possibilité de choisir librement la place du Jura dans l’Europe nouvelle, en pleine cohésion avec la communauté française et tous les autres groupes ethniques».
L’Ambassadeur Gagnebin, Représentant permanent de Suisse auprès du Conseil de l’Europe, a fait rapport téléphoniquement sur la démonstration alors qu’elle était en cours. Une délégation des manifestantes a demandé à être reçue par Sir Geoffrey de Freytas, le Président de l’Assemblée consultative. Celui-ci, sur l’avis donné par le Conseiller National Olivier Reverdin, qui était en séance, chargea le chef de son cabinet de recevoir le groupe et de lui exposer que le Conseil de l’Europe n’était pas compétent pour traiter de questions internes intéressant un Etat membre. Les Jurassiennes firent alors remettre au Président la lettre ci-annexée dont la teneur correspond pratiquement au texte du tract.
Ayant trouvé sur son chemin deux parlementaires français de l’Union Démocratique (gaulliste) MM. Radius, Strasbourg, et Nessler, Paris, la délégation obtint de ce dernier qu’il l’a reçoive dans une des salles de commissions. En disposant d’une telle salle sans l’accord du Greffe de l’Assemblée, M. Nessler contrevint au règlement du Conseil de l’Europe. Cette entrevue aurait duré un quart d’heure et M. Nessler aurait engagé ses interlocuteurs à évoquer la Convention européenne des droits de l’homme4. A cela, une des Jurassiennes aurait fait observer au parlementaire français que la Suisse n’avait pas signé cette convention. M. Nessler aurait alors suggéré à ses interlocutrices de saisir le Président de l’Assemblée d’une demande en vue de faire inscrire la question jurassienne pour un débat à l’Assemblée. Sur ce, les manifestantes se sont retirées et, dans le calme, ont regagné la gare de Strasbourg.
Informé de cet incident, le Président du Comité des Délégués à l’Assemblée consultative exprima à notre Représentant permanent ses regrets concernant l’initiative de M. Nessler et tint à ce que celui-ci s’en expliqua devant M. Gagnebin. Le délégué gaulliste chercha à parer aux reproches de notre Ambassadeur en minimisant le rôle l’Assemblée du Conseil de l’Europe qu’il traita «d’Académie».
Le 26 septembre le Conseiller aux Etats Willi Rohner, chef de la délégation parlementaire suisse auprès du Conseil de l’Europe, accompagné des Conseillers nationaux Walther Hofer, Max Weber, Kurt Furgler et Olivier Reverdin, membres de cette délégation, fit part au Secrétaire général du Département politique5 de son intention d’adresser un télégramme de protestation, concernant l’attitude de M. Nessler, au Président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. Le Département Politique ayant approuvé cette manière de faire, le télégramme suivant fut expédié à Strasbourg:
«La délégation suisse proteste contre la réception au siège du Conseil de l’Europe par le représentant français Nessler d’une délégation de femmes séparatistes jurassiennes. Elle considère que les conditions dans lesquelles M. Nessler a obtenu une salle et la nature des conseils qu’en sa qualité de membre de la commission politique il a donnés à ses hôtes ont toutes les apparences d’une ingérence du Conseil de l’Europe dans les affaires intérieures d’un pays membre. Elle demande que la question soit mise à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la commission permanente. Au nom de la délégation suisse Willi Rohner, Président.»
Comme convenu avec la délégation le texte de ce télégramme fut aussi communiqué à l’Ambassade de Suisse à Paris6 en chargeant cette dernière d’en donner connaissance au Ministère des Affaires Etrangères et de souligner que notre pays ne saurait admettre une immixtion étrangère dans une affaire interne suisse. Cette démarche fut faite le 27 septembre auprès de M. Tine, chargé des affaires d’Europe au Quai d’Orsay, qui était au courant de l’incident et attendait le rapport du représentant permanent de la France à Strasbourg. Il promit une réponse pour le lundi 30 septembre en déclarant que, de toute manière, la Quai ne pouvait que déplorer ce qui s’est passé.
Le Ministre Tine convoqua le Chargé d’affaires de Suisse lundi soir pour lui dire que M. Nessler avait agi en son nom personnel et sous sa seule responsabilité, qu’il avait été officiellement rendu attentif au fait que son comportement était contraire à la règle de la non-immixtion dans les affaires internes d’un état étranger, et qu’il en avait été blâmé. Il constata qu’il n’existe donc aucun malentendu sur le plan officiel et que l’incident peut être considéré comme clos.
D’autre part, Sir Geoffrey de Freytas répondit par lettre du 27 septembre (ci-jointe en copie7) à la protestation télégraphique de la délégation parlementaire suisse. Il se déclare d’accord de donner suite à la demande suisse et d’inscrire l’affaire à l’ordre du jour de la Commission permanente, et confirme que M. Nessler n’était pas autorisé à tenir une réunion à titre personnel au siège du Conseil.
- 1
- Rapport: E2807#1974/12#541* (16-11). Signé par M. Gelzer et C. van Muyden. Copie à l’Ambassade de Suisse à Paris.↩
- 2
- Cf. le tract de l’Associationféminine pour la défense du Jura du 25 septembre 1968, doss. comme note 1. Cf. aussi la notice de H. Langenbacher à P. Micheli du 29 novembre 1968, dodis.ch/32605.↩
- 3
- Sur la question d’une éventuelle indépendance du Jura, cf. la compilation thématique dodis.ch/T1021.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 23, doc. 141, dodis.ch/31820; le discours de W. Spühler du 1er février 1968, dodis.ch/34084; le PVCF No 420 du 20 mars 1968, dodis.ch/33645; l’exposé de H. Langenbacher du 15 juin 1968, dodis.ch/34085; le PVCF No 1964 du 9 décembre 1968, dodis.ch/33644 et le PVCF délibératif de la 7ème séance du 27 janvier 1967, E1003#1994/26#8*.↩
- 5
- P. Micheli.↩
- 6
- Cf. le télégramme No 292 du Département politique à l’Ambassade de Suisse à Paris, E 2200.41(-) 1984/95 vol. 36 (315.1).↩
- 7
- Cf. la lettre de G. de Freitas à W. Rohner du 27 septembre 1968, doss. comme note 1.↩