Guinand, Advokat und schweizerischer Nationalrat, interveniert bei René Mayer, um die Frage der in Frankreich wegen wirtschaftlicher Kollaboration mit den Deutschen verurteilten Schweizer zu erledigen.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 28
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1967/113#4447* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1967/113 226 | |
Dossier title | Strafverfolgung von Schweizern in Frankreich wegen Kollaborationismus mit dem Feind (1949–1951) | |
File reference archive | B.32.16 • Additional component: Frankreich |
dodis.ch/8635
Je me réfère à votre lettre du 8 décembre2 et ai l’honneur de vous faire savoir que j’ai reçu le mardi 13 de ce mois la visite de M. Guinand, Conseiller national, venu m’entretenir de la question des Suisses poursuivis ou condamnés en France pour commerce avec l’occupant3.
Mon interlocuteur m’a fait part de son projet d’interpellation et m’a confirmé qu’il en avait parlé avec le Chef du Département politique.
Introduit par Me Martinaud-Déplat, Me Guinand a été reçu par le Garde des Sceaux, M. René Mayer, qui lui a, m’a-t-il dit, réservé le meilleur accueil et avec lequel il s’est entretenu très franchement du problème qui le préoccupe. Il lui a exposé son point de vue qui est d’ailleurs celui des Autorités suisses et selon lequel la Justice française ne saurait être fondée à rechercher des ressortissants suisses pour l’activité économique qu’ils auraient déployée avec les Allemands durant l’occupation puisque cette activité non seulement n’était pas interdite par le Gouvernement français, alors officiellement reconnu par la majorité des Etats, et notamment par la Suisse, mais était bien plutôt encouragée par ce Gouvernement. Il a souligné auprès du Garde des Sceaux que beaucoup de nos compatriotes n’en avaient pas moins été frappés par les Tribunaux français et que c’est contre de telles sentences qu’il entendait s’élever. Me Guinand a spécifié qu’en adoptant une telle attitude il n’était nullement dans son intention de s’entremettre pour les Suisses qui se seraient rendus coupables de dénonciation, de délation, d’espionnage, ou d’autres délits du même ordre qui ne pouvaient que justifier les sanctions prises à l’encontre de leurs auteurs. Quant aux bénéfices exagérés qu’en raison des circonstances exceptionnelles de l’occupation, certains de nos compatriotes auraient pu réaliser en déployant leur activité économique, il était évident que les Autorités françaises restaient fondées à les ramener à leur juste proportion en imposant aux intéressés le paiement de montants objectivement calculés.
Le Garde des Sceaux n’était nullement au courant du problème qui lui était soumis4. Il déclara qu’il se ferait aussitôt apporter le dossier, mais qu’il ne pouvait faire aucune promesse à son visiteur. Me Guinand eut néanmoins une excellente impression de cet entretien. M. Mayer, beaucoup plus que ses prédécesseurs MM. Teitgen et Marie, semble un homme d’action prêt à assumer ses responsabilités.
Me Guinand a exprimé le vœu qu’une amélioration sensible de la question des Suisses condamnés en France pour collaboration économique puisse intervenir avant le début du printemps, ceci dans l’intérêt des bonnes relations entre nos deux pays. Il a ajouté qu’il voudrait pouvoir éviter de dire à la tribune du Conseil national «des choses peu agréables».
Cette démarche auprès du Ministre de la Justice d’un avocat et député suisse qui entretenait déjà avec celui-ci des relations amicales, peut n’être pas sans une influence heureuse sur un problème dont la solution satisfaisante est vivement souhaitable. Je voudrais toutefois relever que les mesures de répression prises contre nos compatriotes coupables de collaboration économique ne représentent, à mon avis, qu’une partie du problème. Outre que les cas de condamnations de Suisses pour commerce avec l’ennemi sont l’exception, puisque le plus souvent ils ont été, en définitive et par le moyen d’un artifice juridique, frappés pour intelligence avec l’ennemi (art. 75 du C. P.), il existe les cas nombreux de ceux qui ont été condamnés par des Cours de Justice ou des Tribunaux militaires sur la base d’accusations calomnieuses, de dénonciation, d’espionnage, de délation, etc.5 Le sort de ceux-ci n’est pas moins digne d’intérêt et j’estime qu’il faut éviter, en ne parlant que des condamnés pour collaboration économique, de sacrifier ces derniers6.
Il me paraît assez peu douteux que les efforts entrepris par Me Guinand qui n’a abordé avec le Garde des Sceaux que les lignes générales du problème dont il était venu l’entretenir, soient déterminés par l’intérêt qu’il porte au cas qui vous est connu du ressortissant suisse Marcel Aubert. Je n’ignore pas qu’il a pris en mains la défense de ce compatriote dont le dossier en France est assez lourdement chargé et auquel les Autorités françaises n’ont été, jusqu’ici, pas du tout favorables. Aubert n’en a pas pour autant renoncé à provoquer d’incessantes interventions en sa faveur par l’entremise de nombreux avocats ou de politiciens suisses et français.
Comme l’un de mes collaborateurs doit voir le 16 de ce mois le Directeur des Affaires criminelles et des Grâces pour tenter d’obtenir le règlement de divers cas en suspens de compatriotes condamnés par des Cours de Justice, il saisira cette occasion pour faire état auprès de ce haut fonctionnaire de l’entretien qu’ont eu Me Guinand et le Garde des Sceaux. Je l’ai prié d’examiner avec M. Turquey les moyens d’obtenir une solution satisfaisante et efficace du problème des Suisses condamnés en France pour collaboration, éventuellement par l’adjonction au projet de loi d’amnistie d’une disposition visant le cas des neutres.
En me réservant de vous tenir au courant du résultat de cette entrevue7, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma haute considération8.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1967/113/226.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 78, dodis.ch/4184, cf. aussi la Note chronologique sur les démarches entreprises dans la question des citoyens suisses condamnés en France pour collaborationisme de Y. Berthoud du 9 juillet 1947, E 2001(E)-/1/59 (dodis.ch/6440).↩
- 5
- Note marginale de J.- A. Cuttat: Nous avions demandé la liste de ces «cas nombreux», le 11 décembre et 12 janvier.↩
- 7
- Selon la lettre de P. A. von Salis du 6 janvier 1950, un collaborateur de la Légation a rencontré le Directeur de Cabinet du Garde des Sceaux, le 22 décembre, cf. E 2001(E)1967/ 113/226 (dodis.ch/8636).↩
- 8
- En marge, J.- A. Cuttat note à l’adresse de S. Campiche: 1. à répondre en approuvant et en exprimant l’espoir que d’ici au mois de mars, la situation sera meilleure. 2. Informer Justice et Police (Fremdenpolizei et Min. Publ.) du dernier alinéa de ma notice du 16 XII (Scapini). 22 XII 49.↩