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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1994, doc. 7
volume linkBern 2025
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| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
| Archival classification | CH-BAR#E7001C#2001/86#768* | |
| Dossier title | Elfenbeinküste (1993–1993) | |
| File reference archive | 2310-1 |
| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
| Archival classification | CH-BAR#E2200.5#2002/76#52* | |
| Dossier title | Chef de l'état de Côte d'Ivoire (1989–1996) | |
| File reference archive | 341.0 |
| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
| Archival classification | CH-BAR#E4801.2#2004/5#278* | |
| Dossier title | Bundesratssitzung vom 16.2.1994 (1994–1994) | |
| File reference archive | 5 |
| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
| Archival classification | CH-BAR#E8812#1998/341#197* | |
| Dossier title | BR-Sitzung vom 16. Februar Alpentransit: SKK-Mitglieder Geschäftsbericht EVED (1994–1994) | |
| File reference archive | 1 |
| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7115B#2003/35#2181* | |
| Old classification | CH-BAR 241 | |
| Dossier title | Besuche Ausland (1994–1998) | |
| File reference archive | 3/072-CI • Additional component: Elfenbeinküste |
dodis.ch/64508Entretiens du Chef du DFEP, le Conseiller fédéral Delamuraz, avec le Premier ministre ivoirien Duncan le 5 février 1994 à Abidjan1
Rapport sur mon voyage en Côte d’Ivoire à l’occasion des funérailles nationales du Président Félix Houphouët-Boigny
Félix Houphouët-Boigny a incarné et porté le mouvement africain noir à l’Indépendance.
Né en 1905 (officiellement), médecin, formé à la philosophie, à l’école et à la pensée françaises, il fut le rassembleur de la Côte d’Ivoire et de ses tribus avant d’être leur député à l’Assemblée nationale française, puis ministre et ministre d’État de la IVe République puis de la Ve République.
Au-delà de la Côte d’Ivoire, il saisit et défend le génie africain – celui de l’Afrique noire francophone, d’abord, mais aussi celui de l’Afrique subsaharienne tout entière face aux États colonisateurs.
C’est dire que la phase de la décolonisation et de l’avènement de la Côte d’Ivoire à l’Indépendance se firent, sous sa maîtrise, dans la joie et la sérénité.2
Dès l’Indépendance gagnée, il est le chef de l’État en permanence, au gré de septennats successifs dont le dernier eût dû s’achever en 1995. La mort aura raison de lui le 7 décembre 1993, en Côte d’Ivoire, après un bref séjour dans sa chère Genève qui fit suite à une ultime opération pratiquée à Paris par le Prof. Debré.
Son profond attachement pour la Suisse est ancien.3 Il passe par l’amitié de nombreux de nos compatriotes, à qui le soussigné est lié d’estime. Je cite Paul Chaudet, Nello Celio, Hansruedi Schmalz,4 Yves Piaget.
Ces compatriotes ont honoré la Suisse en trouvant la «longueur d’ondes» du Président Félix Houphouët-Boigny et en créant, de facto, une résonance ivoiro-suisse non seulement économique mais aussi culturelle – du moins en ce qui concerne les francophones –, humaine et humanitaire.
La dimension politique de la considération de la Suisse pour la Côte d’Ivoire fut particulièrement le fait de notre ancien collègue Pierre Aubert. Son ouverture à l’Afrique noire et, notamment, le voyage qu’il y a fait, sont pierres milliaires dans l’histoire contemporaine de la Suisse avec le continent africain.5 Cela me fut rappelé avec gratitude à Abidjan par les dignitaires ivoiriens.
Après deux mois de deuil national et de nombreuses célébrations de la douleur populaire née de la perte du «Vieux» (le terme est privé de toute connotation péjorative), les obsèques officielles ont eu lieu lundi 7 février 1994.
Les lieux: bien sûr, la Basilique de Yamoussoukro, œuvre du défunt. Monumentale, la plus grande du monde, en dehors de tous lieux habités, mais d’une grande harmonie intérieure et extérieure. À part cela, on pourra disserter à perte de vue sur le caractère surréaliste – ou kafkaïen – de la conception qu’a eue le défunt de cette basilique et de la «capitale» Yamoussoukro...6
Les participants: les chefs d’État des États africains (quasi la trentaine), des chefs de gouvernements ou d’institutions nationales (par ex. Spadolini pour l’Italie), des ministres (une petite vingtaine, dont les États-Unis d’Amérique et Douglas-Home), toutes les institutions internationales ou supranationales (par ex.: Jacques Delors)... et la France: le Président de la République François Mitterrand et son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing; le Premier Ministre Edouard Balladur et ses prédécesseurs Pierre Messmer, Jacques Chirac, Michel Rocard, Edith Cresson, Raymond Barre entre autres; des ministres et anciens ministres (Roland Dumas en tête); l’Amiral Philippe de Gaulle. Cette très large présence française était démonstrative de la reconnaissance hexagonale à Félix-le-Francophile plus que créatrice d’un renouveau fondamental des rapports afro-français.
La cérémonie: belle, considérable, à certains égards génialement inspirée, à d’autres égards mal maîtrisée quant à l’organisation: elle a réellement commencé avec deux heures de retard... Et elle a duré le double du temps prévu!
Le représentant de la Suisse, respectant les servitudes helvético-suisses, qui lui commandaient de rentrer au Pays pour connaître les états d’âme de la commission du Conseil national pour les «affaires extérieures»,7 n’a pas été à même de cultiver les après-funérailles. Ni, par conséquent, de vérifier l’affirmation de C.-F. Ramuz selon laquelle «il n’y a rien de plus joyeux qu’un enterrement».8
La Côte d’Ivoire a donc connu, dans les années 60, une décolonisation que j’ai qualifiée de «joyeuse et sereine» ci-dessus. Elle n’a pas subi les soubresauts sanglants de tant et tant de pays africains en révolutions: première grande différence d’avec beaucoup! Puis elle a connu des années de grâce et d’exceptionnel développement – les années 60 et 70 – nées tout à la fois de la tranquillité politique du Président et du cours mondial des plus favorables du café et, surtout, du cacao dont elle est la première productrice du globe.9
Vinrent ensuite les années de la désillusion. Le chemin – des plus ardus – vers le pluripartisme, l’effondrement des cours du cacao et du café et l’incapacité d’imaginer de nouvelles stratégies économiques nationales et internationales créèrent des tensions politiques et, surtout, sociales dont le pays n’est pas remis.10
Après la trêve des funérailles, comment va-t-il se retrouver dès aujourd’hui 8 février 1994? Et comment va-t-il digérer l’événement de la dévaluation de 50% qui lui a été imposée à mi-janvier (comme aux 14 autres pays membres de la zone franc)?11
La rencontre du soussigné avec le Premier Ministre (cf. § 5), ses deux rencontres avec le Ministre des Affaires étrangères, ses nombreux contacts avec les représentants de l’économie laissent à penser:
1o que les responsables politiques désormais en place (nouveaux pour une part) engagent bien l’avenir;
2o que les interlocuteurs supranationaux de la Côte d’Ivoire sont favorablement disposés (ex.: FMI) car l’engagement à réformes des dirigeants de la Côte d’Ivoire est manifeste;
3o que la Côte d’Ivoire, cependant, n’est nullement à l’abri de manifestations populaires de revendications sociales à court terme.
La participation d’une délégation suisse aux obsèques du Président Houphouët-Boigny a été l’occasion pour son chef, le soussigné, de s’entretenir longuement avec le Premier Ministre, M. David12 Kablan Duncan, en présence notamment de M. Amara Essy, Ministre des Affaires étrangères, Niamien N’Goran, nouveau Ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, ainsi que de l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire en Suisse, M. Koffi Kouamé.
Quasi inespérée en cette période de très fortes sollicitations diplomatiques et surtout protocolaires, l’audience chez M. Kablan Duncan fut, quoique informelle, suffisamment substantielle pour donner lieu à un utile dialogue. S’étant particulièrement félicité de cette participation d’un membre du Gouvernement suisse, le Premier Ministre ivoirien a d’emblée exprimé le vœu de voir s’intensifier la présence en Côte d’Ivoire de représentants de l’économie privée suisse. Et de leur lancer un véritable appel à contribuer à la relance prévue des échanges entre nos deux pays, le cas échéant par chambres de commerce interposées. Pour sa part, ont annoncé mes interlocuteurs, la Côte d’Ivoire poursuit activement son opération de privatisations d’entreprises d’État. Une dizaine ont été jusqu’ici réalisées avec succès. L’objectif essentiel est d’aboutir à une croissance positive de 2% cette année déjà, puis de 4% en 95, enfin de 6% dès 1996, à mettre en relation avec une croissance démographique de 3,8%. L’objectif est formellement trop ambitieux, selon nos appréciations. Mais la tendance est vraisemblable.
Dans cette perspective, et sitôt qu’il aura maîtrisé l’ensemble de ses dossiers, le nouveau Ministre ivoirien des Finances, ancien directeur général de la Banque ivoirienne de l’Afrique occidentale en voie de privatisation, prévoit de s’engager personnellement auprès des milieux d’affaires suisses, le plus tôt possible. Je lui ai souhaité la bienvenue en l’assurant de nos encouragements car ses espoirs sont aussi ceux de la Suisse.13
Les conditions pourraient être ainsi données pour l’ouverture prochaine de négociations bilatérales sur le désendettement de la Côte d’Ivoire (320 mios, intérêts courus), les préalables passant évidemment par une bonne mise en œuvre des règles de comportement posées par les institutions de Bretton Woods. Le soussigné a émis l’espoir que cette réduction (-1,2%) de la dette extérieure de la Côte d’Ivoire, laquelle représente plus de la moitié des engagements de la Suisse en Afrique subsaharienne, pourrait se faire avant la fin de l’année.14 Le Premier Ministre s’en est montré fort réjoui et a réitéré sa volonté de remettre en place de nouvelles structures financières. Des «nettoyages» ont été entrepris avant même la récente dévaluation du CFA; ils seront poursuivis sur la base d’expertises poussées, notamment dans le secteur bancaire où les opérations de privatisation ont déjà eu pour effet d’engager l’intérêt d’instituts bancaires suisses (deux grandes banques).
Le soussigné tient à dire ici au Conseil fédéral et au Département fédéral des affaires étrangères la haute qualité des prestations de l’Ambassadeur de Suisse à Abidjan.
Non seulement dans l’organisation pratique de la participation gouvernementale helvétique aux funérailles nationales du «Vieux» (organisation liée à toutes sortes d’imprévus et de flous «artistiques»!) mais encore dans l’excellente inscription de notre Ambassade dans le tissu national ivoirien, Peter von Graffenried, notre chef de mission, Mme von Graffenried, assistés entre autres de M. Giancarlo Fenini (M. Maurice Darier était absent pour cause de maladie) ont permis les meilleurs contacts au soussigné avec le Gouvernement et l’Administration publique ivoiriens et avec les responsables des entreprises suisses établies dans le pays: Swissair, BAD, Nestlé, ABB, Ciba-Geigy, Hoffmann-la-Roche.15
- 1
- CH-BAR#E7001C#2001/86#768* (2310.1). Cette note d’information au Conseil fédéral est signée par le Chef du DFEP, le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz. Le Conseil fédéral décide dans sa séance du 2 février 1994 de déléguer le Conseiller fédéral Delamuraz comme représentant suisse aux funérailles nationales du Président ivorien Félix Houphouët-Boigny, cf. le PVCF No 147 du 2 février 1994, dodis.ch/67165.↩
- 2
- Pour la perception suisse des années 1960 en Côte d’Ivoire, cf. la compilation dodis.ch/C2648.↩
- 3
- Cf. le rapport final de l’Ambassadeur de Suisse à Abidjan, Claudio Caratsch, du 18 juillet 1988, dodis.ch/68867, ainsi que la lettre de son successeur, l’Ambassadeur Peter von Graffenried, au Chef du DFAE, le Conseiller fédéral René Felber, du 16 septembre 1992, dodis.ch/67954.↩
- 4
- Cf. à ce propos le PVCF No 314 du 22 février 1978, dodis.ch/54075.↩
- 5
- Cf. à ce propos la compilation Voyage en Afrique occidentale de Pierre Aubert (1979), dodis.ch/T1449. Pour un résumé de la visite du Chef du DPF, le Conseiller fédéral Pierre Aubert, en Côte d’Ivoire, cf. dodis.ch/50400.↩
- 6
- Yamoussoukro devient la capitale de la Côte d’Ivoire en 1983. À propos de la construction de la basilique Notre-Dame-de-la-Paix, cf. le rapport politique No 10 de l’Ambassadeur de Suisse à Abidjan, Jacques Reverdin, du 12 septembre 1990, dodis.ch/69679.↩
- 7
- Pour le procès-verbal particulier 4 du 11 février 1994 de la séance de la Commission de politique extérieure du Conseil national du 7 février 1994, où le Conseiller fédéral Delamuraz est invité pour parler de la stratégie des négociations bilatérales avec l’UE, cf. dodis.ch/67322.↩
- 8
- Le Conseiller fédéral Delamuraz fait probablement référence au vers de Paul Verlaine «Je ne sais rien de gai comme un enterrement!» issu du poème L’enterrement.↩
- 9
- Cf. à ce propos la compilation dodis.ch/C2648, ainsi que le rapport de fin de mission de l’Ambassadeur de Suisse à Abidjan, Étienne Suter, du 2 avril 1975, dodis.ch/69678.↩
- 10
- Cf. le rapport de fin de mission de l’Ambassadeur de Suisse à Abidjan, Jacques Reverdin, du 21 octobre 1991, dodis.ch/58360.↩
- 11
- Pour une rétrospective de l’année 1994, cf. le rapport politique No 1 de l’Ambassadeur von Graffenried du 13 janvier 1995, dodis.ch/69673.↩
- 12
- Il s’agit en réalité de Daniel Kablan Duncan.↩
- 13
- Le Directeur de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE) du DFEP, le Secrétaire d’État Franz Blankart, visite la Côte d’Ivoire du 13 au 15 juin 1994 à la tête d’une délégation mixte, cf. dodis.ch/64507. Pour la visite du Chef du DFAE, le Conseiller fédéral Flavio Cotti, en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso du 12 au 17 septembre 1994, cf. la compilation dodis.ch/C2586.↩
- 14
- Lors de la visite du Secrétaire d’État Blankart, l’Accord entre le gouvernement de la Confédération suisse et le gouvernement de la République de Côte d’Ivoire sur la réduction de la dette extérieure et la création d’un fonds de développement économique et social est signé le 14 juin 1994, cf. CH-BAR#K1#1000/1480#552* (K1.4486).↩
- 15
- Pour un aperçu des relations économiques avec la Côte d’Ivoire cf. la notice de l’OFAEE du 23 août 1994, dodis.ch/67878.↩
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