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Documents Diplomatiques Suisses, vol. 27, doc. 104
volume linkZürich/Locarno/Genève 2022
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
Cote d'archives | CH-BAR#E7110#1989/32#2221* | |
Titre du dossier | Handelsbeziehungen (1978–1978) | |
Référence archives | 821 • Composant complémentaire: Japan |
dodis.ch/52262Le Délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, A. Dunkel, au Directeur général de la Banque nationale suisse, F. Leutwiler1
M. le Directeur Jolles me dit que vous partez samedi pour le Japon2. S'agissant d'un des pays dont j'ai la charge au niveau de la Direction, il me prie de vous fournir toutes indications utiles quant à l'état de nos relations commerciales avec ce pays.
Vous trouverez ci-jointe une courte notice préparée par le service compétent de la Division du commerce qui, dans sa sécheresse et sa brièveté, atteste de l'absence de problèmes sérieux dans nos rapports avec ce pays3.
Je joins également une contribution aux publications de l'OSEC, intitulée «Le Japon en 1977»; préparée par l'Ambassade de Suisse à Tokyo4.
Si l'un ou l'autre de ces papiers devait éveiller en vous un besoin d'informations complémentaires ou plus détaillées, l'excellente équipe de M. l'Ambassadeur Cuénoud sera, j'en suis sûr, en mesure de vous donner satisfaction, mieux sans doute encore que nous-mêmes.
Cela étant dit, il me paraît utile de compléter les données factuelles ci-jointes par quelques considérations à la fois plus générales et plus subjectives sur nos rapports avec le Japon dans le domaine commercial.
Pour les Japonais – et ils n'hésitent pas à nous le dire – nous sommes un partenaire «en or» sur le plan commercial5. Contrairement aux États-Unis, à la Communauté ou aux pays en développement, et sous réserve des quelques positions mentionnées dans les notes ci-jointes, nous n'avons pas de grief à formuler à leur égard. Cela tient d'une part à l'efficacité de nos exportateurs qui, grâce à la longue expérience acquise notamment par nos «Welthandelsfirmen» des us et coutumes du marché japonais, ont su trouver les voies de pénétration dans ce marché. Cela tient aussi aux types de produits que notre économie est à même d'offrir. De leur côté, les Japonais trouvent en Suisse des conditions idéales pour leurs industries traditionelles d'exportation. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons en effet (exception faite de l'horlogerie6 et, plus récemment, de l'acier) pas de raison de nous préoccuper de la haute compétitivité des exportations japonaises dans des secteurs tels que ceux de l'automobile, des postes de radio et de télévision, des appareils de photo, etc.
En bref, que ce soit aux niveaux de l'importation ou de l'exportation, les Japonais n'hésitent pas, lorsqu'ils sont attaqués, à citer le cas de la Suisse comme démonstration des excellentes relations qui peuvent s'établir entre deux pays poursuivant des politiques commerciales fondamentalement libérales, ce qui revient en fait à dire, indirectement, qu'il est faux d'accuser le Japon de protectionnisme déguisé, puisqu'un pays comme la Suisse parvient à pénétrer sur le marché japonais, et qu'il est également erroné d'accuser les Japonais de fausser la concurrence, puisque'un pays comme la Suisse n'a jamais eu de grief de ce genre à faire valoir vis-à-vis du Japon.
De tels commentaires sont évidemment un peu «überspitzt» car nous ne produisons pas ou plus dans certains des domaines où le Japon a une position de leader et que, par ailleurs, notre gamme de produits exportables s'adresse à une demande japonaise spécialisée. En d'autres termes, sur le plan commercial, l'économie du Japon et l'économie suisse ont trouvé un degré élevé de complémentarité. Toutefois, il faut bien reconnaître que lorsqu'une telle situation de fait ne se présente pas, les méthodes d'expansion du commerce japonaises et celles de concentration des exportations sur certains marchés peuvent causer de sérieuses difficultés aux économies affectées. Inversément, il est non moins vrai que la pénétration sur le marché japonais de nouveaux venus est une entreprise beaucoup plus difficile que sur tout autre marché de pays industrialisés, ce qui n'est pas seulement une question de langue mais aussi la conséquence du comportement du producteur (organisation verticale des sociétés) et du consommateur japonais.
Compte tenu de ce background, il n'est guère étonnant que, dans les enceintes multilatérales traitant de problèmes du commerce mondial, l'identité des vues défendues par le Japon et par la Suisse soit très grande. À cela s'ajoute – il n'est presque pas nécessaire de le rappeler – que les deux pays – dans des proportions bien sûr différentes – accusent le même degré de dépendance vis-à-vis de l'extérieur du point de vue de leur approvisionnement en énergie et en matières premières, ce qui les conduit à axer leur activité industrielle sur des productions comportant un degré élevé de valeur ajoutée. De plus, le Japon et la Suisse ne peuvent appliquer les principes du libre-échange au domaine agricole puisque, l'un comme l'autre, ont des coûts de production élevés dans ce secteur et pratiquement les mêmes raisons de sauvegarder l'existence d'une agriculture7.
Toutefois, si le Japon appartient, avec les États-Unis et la Communauté, au groupe des trois «Grands» qui assument le leadership dans les négociations commerciales en cours au GATT, il n'en a pas moins adopté jusqu'ici une attitude en définitive plus réservée que la Suisse en la matière. Cela tient aussi bien aux modalités du «decision making process» à Tokyo qu'au souci d'harmonie propre aux Japonais qui se traduit par une hésitation constante à prendre ouvertement des positions de pointe8. Il est possible que la nouvelle équipe gouvernementale9, notamment sous la pression des États-Unis, prenne des positions plus marquées à l'avenir.
Je me suis volontairement limité à aborder les aspects purement commerciaux de nos relations avec le Japon, partant de l'idée que vous connaissez mieux que moi les griefs de nos exportateurs aux évolutions respectives du yen et du franc suisse10. De même, dans l'attente des chiffres du mois de décembre, je renonce à commenter le renversement possible de notre balance commerciale avec le Japon. Toutefois, une thèse prend de plus en plus corps dans certains milieux d'affaires selon laquelle des contrats impliquant la production au Japon sous licences vont progressivement se substituer à certaines exportations. Si cette thèse devait se vérifier, les conséquences d'une telle évolution demanderaient également un examen plus approfondi.
Il ne me reste qu'à vous souhaiter un excellent voyage et un séjour intéressant et fructueux au Japon11. Vous voudrez bien transmettre mes amitiés à M. l'Ambassadeur Cuénoud et à ses collaborateurs.
- 1
- Lettre (copie): CH-BAR#E7110#1989/32#2221* (821).↩
- 2
- À propos de l'invitation de la Banque du Japon, cf. le procès-verbal No 844 de la direction générale de la Banque nationale suisse du 17 novembre 1977, dodis.ch/51757, point 4. Sur le voyage de P. R. Jolles au Japon, cf. le rapport de P. R. Jolles du 13 décembre 1976, dodis.ch/51759.↩
- 3
- Non retrouvé. Sur les relations économiques entre la Suisse et le Japon, cf. la lettre de J. Iselin à la direction de la Ciba-Geigy SA du 8 mars 1978, dodis.ch/51804; le rapport de A. Dunkel du mai 1978, dodis.ch/51803; la lettre de P. Cuénoud à la Division du commerce du Département de l'économie publique du 13 juillet 1978, dodis.ch/51811; la lettre de G. Hentsch à P. R. Jolles du 28 juillet 1978, dodis.ch/51805 et l'exposé de P. Cuénoud du 30 août 1978, dodis.ch/48281.↩
- 4
- Cf. la lettre de G. Hentsch à M. Ludwig du 25 novembre 1977, CH-BAR#E7110#1988/12#2131* (811).↩
- 5
- Pour le développement des relations commerciales, cf. DDS, vol. 24, doc. 25, dodis.ch/32485; DDS, vol. 25, doc. 137, dodis.ch/35508 et DDS, vol. 26, doc. 128, dodis.ch/39647.↩
- 6
- Pour les problèmes avec la concurrence japonaise sur le marché horloger, cf. la notice de O. Bornhauser du 13 décembre 1976, dodis.ch/51760.↩
- 7
- Sur la position de la Suisse concernant la politique agricole, cf. DDS, vol. 27, doc. 187, dodis.ch/48717 et le discours de P. R. Jolles du 23 janvier 1978, dodis.ch/50106.↩
- 8
- Sur les négociations dans le cadre du Tokyo Round, cf. DDS, vol. 26, doc. 134, dodis.ch/38594 et doc. 182, dodis.ch/38602 ainsi que DDS, vol. 27, doc. 74, dodis.ch/50105 et doc. 105, dodis.ch/49332.↩
- 9
- Sur le nouveau cabinet du Premier ministre T. Fukuda, cf. le rapport politique No 22 de P. Cuénoud du 30 décembre 1976, dodis.ch/51761.↩
- 10
- Sur les relations monétaires avec le Japon, cf. DDS, vol. 27, doc. 194, dodis.ch/52263.↩
- 11
- Sur les entretiens de F. Leutwiler au Ministère japonais des finances, cf. les notices de G. Hentsch du 19 janvier 1978, dodis.ch/51801 et dodis.ch/51802.↩
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