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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 27, doc. 61
volume linkZürich/Locarno/Genève 2022
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2003A#1990/3#171* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2003(A)1990/3 86 | |
Titolo dossier | Convention europ. des droits de l'homme, Vol. 1-4 (1976–1978) | |
Riferimento archivio | o.121.314.1 |
dodis.ch/48720Notice pour le Chef du Département politique, P. Graber1
Note sur la Convention européenne des droits de l'homme et le droit disciplinaire militaire (à propos du projet d'arrêté fédéral modifiant d'urgence le Code pénal militaire)
1. Le 8 juin 1976, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt dans l'affaire Engel et autres, qui concernait le droit disciplinaire militaire aux Pays-Bas2. Elle a admis notamment que les arrêts infligés à titre de mesure disciplinaire constituent, lorsque certaines conditions sont remplies, une privation de liberté au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et ne sont donc licites qu'après une «condamnation par un tribunal compétent» (lettre a de la disposition précitée).
En réponse aux questions ordinaires Morf et Grobet, des 11 et 23 juin 19763, le Conseil fédéral a relevé que la Suisse avait considéré jusqu'ici que la Convention européenne des droits de l'homme ne pouvait s'appliquer intégralement au domaine militaire, notamment en ce qui concerne le droit disciplinaire. Et il ajoutait:
«L'arrêt du 8 juin ne touche directement que les Pays-Bas. C'est pourquoi il n'a pas d'effet immédiat sur le droit suisse. L'arrêt du 8 juin ne rend donc pas caduques les dispositions du droit militaire suisse relatives aux fautes de discipline. En revanche, les Parties Contractantes – dont la Suisse – sont tenues par le droit international public d'adapter les règles de leur législation nationale aux dispositions de la Convention, compte tenu de l'interprétation qu'en donnent les organes de Strasbourg. Dans notre pays, ces travaux d'harmonisation ont déjà été entrepris ...»
Le Conseil fédéral prévoyait que cette adaptation aux dispositions de la Convention se ferait dans le cadre de la révision du Code pénal militaire et de la procédure pénale militaire.
2. À la suite d'un arrêt rendu, le 12 novembre 19764, par la Chambre de droit administratif du Tribunal fédéral, le Conseil fédéral a été amené à revoir sa position en ce qui concerne la procédure à suivre pour adapter le droit disciplinaire militaire aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Tenant compte, d'une part, des opinions exprimées au cours des débats oraux et publics de ladite Chambre au sujet de la portée de l'arrêt précité de la Cour européenne des droits de l'homme, et, d'autre part, de l'attitude adoptée par l'auditeur en chef de l'armée5, qui estimait ne plus pouvoir exercer ses fonctions en matière de recours disciplinaires, le Conseil fédéral décida, le 23 février 19776, de charger le Département militaire de préparer un projet d'arrêté fédéral modifiant d'urgence le Code pénal militaire. Le message à l'appui de ce projet a été adressé le 2 mars 1977 aux Chambres fédérales7.
L'examen du projet d'arrêté fédéral a révélé des sentiments de malaise. Le Conseil des États, tout d'abord, n'accepta les propositions du Conseil fédéral, le 16 mars8, qu'avec de grandes réticences. Le Conseil national, de son côté, suivant la recommandation unanime de sa commission9, décida, le 3 mai10, de suspendre la discussion de ce projet jusqu'à droit connu sur la révision générale du Code pénal militaire et de la procédure pénale militaire, qui fait l'objet d'un message du Conseil fédéral en date du 7 mars 197711. Le Conseil des États, enfin, s'est rallié le 5 mai12 à cette décision.
3. Les principales objections formulées au cours des débats peuvent être résumées de la manière suivante:
Plusieurs députés ont critiqué la procédure d'urgence proposée par le Conseil fédéral pour adapter le droit disciplinaire aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. De l'avis de certains, il n'était pas admissible de devoir légiférer sous la pression d'un jugement rendu par un tribunal composé de juges représentant des conceptions juridiques contraires à nos traditions (allusion aux «juges étrangers»). D'autres membres du Parlement ont contesté l'opportunité d'examiner la question des voies de recours en matière disciplinaire avant de connaître la décision que prendront les Chambres fédérales au sujet de la position de l'auditeur en chef dans le cadre de la révision générale du Code pénal militaire et de la loi sur l'organisation judiciaire et la procédure pénale pour l'armée fédérale.
Le problème des relations entre le droit international et le droit interne a retenu l'attention d'un certain nombre de députés. Plusieurs d'entre eux ont déclaré avoir été surpris d'apprendre que la Convention européenne des droits de l'homme contient des normes immédiatement applicables («self executing»), qui l'emportent sur les dispositions de droit interne qui ne sont pas en harmonie avec elles. Ils n'avaient pas saisi la portée exacte des engagements assumés par la Suisse en ratifiant ladite Convention13. Le sentiment général a été qu'il fallait à l'avenir faire preuve d'une plus grande réserve en ce qui concerne l'acceptation de nouveaux traités internationaux, surtout lorsque ceux-ci exercent une influence directe sur notre législation interne. En outre la crainte a été exprimée par certains parlementaires que la procédure d'urgence proposée par le Conseil fédéral puisse être considérée comme un précédent lorsque se posera de nouveau la question de l'adaptation de notre législation à des règles de droit international.
Enfin, la remarque a été faite qu'un arrêté fédéral de portée générale, même s'il a été déclaré urgent par une décision des Chambres fédérales, reste soumis au référendum facultatif conformément à l'article 89 bis, 2e alinéa, de la constitution fédérale. Que se passerait-il si le référendum était demandé et que l'arrêté fédéral soit rejeté en votation populaire? Une décision négative pourrait être interprétée comme un vote contre la Convention européenne des droits de l'homme, laquelle n'a pas été soumise au référendum. Il a été dès lors jugé préférable que la question de l'adaptation du droit disciplinaire militaire aux exigences de la Convention soit traitée dans le cadre de la révision générale du droit pénal militaire.
4. Certaines observations peuvent être formulées à la suite de ces discussions:
- a. Dans son rapport à l'Assemblée fédérale du 28 janvier 197614 concernant les Grandes lignes de la politique gouvernementale pendant la législature 1975-1979, le Conseil fédéral a annoncé qu'il soumettra aux Chambres un message concernant l'approbation du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que des propositions touchant le protocole No 4 à ladite Convention15. Il paraît opportun d'attendre l'année prochaine avant de rédiger le message et de formuler les propositions en question. Il convient notamment d'éviter une discussion aux Chambres fédérales sur l'acceptation de nouveaux droits fondamentaux au moment où le Conseil fédéral devra se prononcer sur le renouvellement de la déclaration reconnaissant la compétence de la Commission européenne des droits de l'homme à être saisie de requêtes individuelles. Cette déclaration, qui a été faite le 28 novembre 197416, arrivera à échéance le 28 novembre prochain. Le Conseil fédéral est compétent pour la renouveler17.
- b. Il existe actuellement des idées confuses en ce qui concerne les relations entre les traités internationaux et le droit interne. Il est important que les messages adressés aux Chambres au sujet de l'approbation de traités internationaux examinent ce problème avec un soin tout particulier et se déterminent de manière aussi précise que possible sur les conséquences de la ratification sur notre droit interne. Cette exigence vaut surtout pour les traités qui contiennent des normes directement applicables ou qui prévoient un mécanisme de contrôle de l'application du traité par des organismes internationaux (Charte sociale européenne18, Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme19, par exemple).
- c. Les débats qui ont eu lieu ont confirmé l'importance du référendum en matière de traités internationaux. La nouvelle réglementation constitutionnelle prévoit notamment que les traités entraînant une unification multilatérale du droit sont soumis au référendum facultatif (art. 89, 3e alinéa, lettre c). Cette disposition vise des traités contenant des règles de droit directement applicables («self executing»). En examinant, dans les messages qu'il adresse aux Chambres fédérales, la question du référendum, le Conseil fédéral sera ainsi amené, le cas échéant, à préciser la portée des engagements résultant des traités internationaux qu'il désire ratifier.
- 1
- Notice: CH-BAR#E2003A#1990/3#171* (o.121.314.1). Remise à P. Graber avec une notice rédigée par M. Krafft et signée par J. Monnier du 12 mai 1977, cf. dodis.ch/48720.↩
- 2
- Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 6 juin 1976, CH-BAR#E5001G#1992/271#1222* (88.02). Sur l'arrêt et ses répercussions sur la Suisse, cf. la lettre de M. Virot à J. Voyame du 16 janvier 1976, dodis.ch/48588 et la lettre de J. Voyame à A. Kaech du 27 février 1976, dodis.ch/48590.↩
- 3
- Cf. le PVCF No 1231 du 7 juillet 1976, dodis.ch/52630.↩
- 4
- Arrêt du tribunal fédéral du 12 novembre 1976, dodis.ch/52631. Sur la suite de cette affaire, cf. aussi le PVCF No 1122 du 5 juillet 1978, dodis.ch/48606 et le PVCF No 57 du 17 janvier 1979, dodis.ch/48607.↩
- 5
- E. Lohner. Sur ce sujet, cf. la notice de R. Gnägi au Conseil fédéral du 2 février 1977, dodis.ch/48591 et la lettre de R. Gnägi à K. Furgler du 6 février 1976, dodis.ch/48589.↩
- 6
- PVCF No 324 du 23 février 1977, dodis.ch/52629.↩
- 7
- Message à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral modifiant d'urgence le code pénal militaire du 2 mars 1977, dodis.ch/52632.↩
- 8
- Cf. Bull. of. CE, 1977, pp. 74–84. Cf. aussi le procès-verbal de M. Krauer de la séance de la commission du Conseil des États du 9 mars 1977, dodis.ch/48592.↩
- 9
- Cf. le procès-verbal M. Krauer de la séance de la commission du Conseil national du 18 avril 1977, dodis.ch/48593.↩
- 10
- Cf. Bull. of. CN, 1977, pp. 498 s.↩
- 11
- Le message date du 2 mars 1977, cf. note 7. La décision du Conseil fédéral sur le message est du 7 mars 1977, cf. le PVCF No 423 du 7 mars 1977, CH-BAR#E1004.1#1000/9#841*.↩
- 12
- Cf. Bull. of. CE, 1977, pp. 233 s.↩
- 13
- Cf. DDS, vol. 26, doc. 25, dodis.ch/39375 et doc. 107, dodis.ch/39382.↩
- 14
- Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les Grandes lignes de la politique gouvernementale pendant la législature 1975–1979, FF, 1976, I, pp. 413–520.↩
- 15
- Cf. le PVCF No 818 du 12 mai 1976, dodis.ch/48582.↩
- 16
- Déclaration du Conseil fédéral du 28 novembre 1974, dodis.ch/39383.↩
- 17
- PVCF No 1894 du 16 novembre 1977, dodis.ch/48585.↩
- 18
- Cf. DDS, vol. 27, doc. 12, dodis.ch/48718; doc. 54, dodis.ch/48719 et doc. 66, dodis.ch/48458.↩
- 19
- Cf. DDS, vol. 27, doc. 114, dodis.ch/49960.↩
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Diritti umani Questioni di diritto internazionale