Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.1. ALLEMAGNE
2.1.4 PRESSES ET CENSURE
Également: Commentaire de l’incident de presse provoqué par le Chef de la Division de Presse de l’Auswärtige Amt. Le Conseil fédéral estime que les journaux suisses n’ont pas violé les devoirs de neutralité. Communiqué à cet effet pour clore l’incident. Annexe de 4.11.1942 (CH-BAR#E2001D#1000/1552#535*).
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 14, doc. 252
volume linkBern 1997
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2809#1000/723#61* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2809(-)1000/723 4 | |
Titre du dossier | Sous-chemise avec divers documents détachés provenant des Handakten Pilet-Golaz (1940–1944) | |
Référence archives | 4 |
dodis.ch/47438
Schéma pour mon entretien avec le Ministre d’Allemagne, ce matin à 10 heures, concernant les déclarations du Ministre Schmidt2.
1) Renseignements demandés et attendus. Donc, nouvel entretien en perspective.
2) En attendant, ne puis cacher Pétonnement, la surprise et les regrets du Conseil fédéral3.
3) Sans doute la presse suisse - plus exactement certains journaux - n’adoptent-ils pas toujours une attitude aussi réservée et prudente que le Conseil fédéral le désirerait. C’est inévitable dans un pays habitué à la liberté de la presse, où les divers courants d’opinion s’expriment et où les tendances sont diverses.
Mais le Conseil fédéral veille à ce que l’on ne dépasse pas certaines limites. La Division Presse et Radio intervient lorsque tel lui paraît être le cas. Des sanctions sont prises.
Les autorités fédérales sont toujours disposées à examiner les réclamations qui leur sont présentées. Elles le font avec sérieux et objectivité.
Sans doute les critères d’appréciation ne sont-ils pas exactement les mêmes pour un pays en guerre et un pays neutre. La neutralité implique que les points de vue des belligérants soient également exposés. Cela explique que certaines de nos décisions ne paraissent pas justifiées ou suffisantes à certaines autorités étrangères. Mais il faut tenir compte aussi du point de vue suisse, et non pas seulement du point de vue de l’un ou de l’autre des groupes de belligérants. Si l’on se laissait inspirer uniquement par ce que l’un ou l’autre de ces groupes considère comme neutre, on serait certainement en dehors de la neutralité.
4) Ceci dit, le Conseil fédéral ne peut pas cacher qu’il considère les critiques du Dr Schmidt, dans leur généralité et dans leur acuité, comme injustifiées. Dans l’ensemble, pour un peuple placé comme le peuple suisse et constitué comme lui, sa presse est soucieuse d’objectivité, de réserve et de prudence. Elle ne fait d’ailleurs que refléter l’opinion profonde du peuple, qui, lui aussi, n’entend pas se mêler et se passionner pour les querelles des autres. Ce qui prouve combien il est maître de lui, ce peuple, et loin de tout esprit partisan violent, c’est la circonstance que des manifestations comme la fête des récoltes à Oerlikon4 et le match de football à Berne5 peuvent se dérouler sans incident et avec un appareil de police qui paraîtrait dangereusement minime partout ailleurs. Ça, ce sont des faits qui donnent la température d’un peuple et mesurent sa maturité politique. On sait combien, avec le consentement de ce peuple, le Conseil fédéral veille à éviter tout avantage pour l’un des belligérants. Que n’a-t-il pas fait dans le domaine de l’obscurcissement6, par exemple, des communications radiotéléphoniques, etc.? Quand on pense à tout le travail fourni pour l’Axe, on se poserait bien davantage la question de savoir si ce ne sont pas les autres qui pourraient se plaindre d’un manquement à la neutralité.
5) C’est pourquoi le Conseil fédéral regrette ce qui a été dit. Si M. Schmidt a voulu lui venir en aide pour que la presse soit plus réservée, c’est exactement le contraire qui se produira, parce que les conseils et les instructions de prudence qu’on pourrait donner risqueront maintenant de paraître dictés, non pas par un souci de neutralité, mais par une influence, une pression étrangère. Or, dès qu’il a le sentiment d’une pression, le peuple suisse, de toutes ses forces et unanime, se met sur la défensive.
6) Le Dr Schmidt a-t-il voulu davantage? Voudrait-il pousser la Suisse, ainsi, à collaborer dès maintenant à ce qu’on appelle, dans les pays de l’Axe, la nouvelle Europe? Alors le moyen choisi n’est certainement pas efficace. Le Suisse veut être persuadé. Dès qu’il a l’impression qu’on ne parle plus avec lui comme avec un homme libre, il se soucie avant tout de sa souveraineté: c’est son bien le plus précieux.
D’ailleurs, on ne connaît pas encore la nouvelle Europe. On ne sait pas ce qu’elle sera. La guerre n’est pas finie. Aussi longtemps que la guerre dure, la Suisse, conformément à sa politique traditionnelle, à ses obligations internationales et à ses déclarations solennelles, ne peut que rester neutre, veut rester neutre et restera neutre. Elle ne peut prendre parti, ni pour la nouvelle Europe, ni pour la charte de l’Atlantique. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que sa situation lui permettra de se déterminer. Avant, dans son propre intérêt mais aussi dans l’intérêt de tous, elle doit rester en dehors7.
7) J’ai parlé du Dr Schmidt, supposant que c’est spontanément qu’il s’est exprimé comme il semble l’avoir fait. Je l’espère tout au moins.
- 1
- E 2809/1/4.↩
- 2
- Sur ces déclarations faites à Berlin les 14 et 15 octobre, cf. la circulaire publiée en annexe au présent document. Cf. aussi E 2001 (D) 3/303 et 328, E 4450/6152 et E 4001 (C) 1/219.Dès le 14 septembre 1942, le DPFÉcrit au DJPpour lui communiquer un aide-mémoire remis par le Ministre d’Allemagne à Berne, O. Köcher, au sujet de la presse suisse. Nous tenons à vous mettre au courant de cette démarche, étant donné que nous avons de sévères raisons de penser que si un frein n’était pas mis à ces écarts, même isolés, de notre presse, nous devons nous attendre, tôt ou tard, à voir une polémique se déchaîner contre la Suisse dans la presse allemande. (Lettre du DPF du 14 septembre 1942, signée par P. Bonna, E 4450/7076/ A vec sa réponse du 30 septembre, von Steiger transmet un choix d’articles contre la Suisse publiés en Allemagne au cours des mois d’août et de septembre 1942. Ein Vergleich dieser wenigen Beispiele zeigt den grossen Unterschied im Ton, in der Heftigkeit und in der Art der Angriffe der deutschen Presse gegenüber den beanstandeten Stellen Schweizerzeitungen (E 4450/7076). Dès le 15 octobre, les déclarations de Schmidt ayant été publiées dans la Neue Zürcher Zeitung, von Steiger écrit à Pilet-Golaz: Wir bitten Sie, auf diplomatischem Wege in Berlin abklä- ren zu lassen, weshalb diese Aussetzungen erfolgen. Die Schweizerpresse hält dafür, dass sie einen durchaus neutralen Kurs beobachtet, einzelne Ausnahmen, die durch die Abteilung] Presse und Funkspruch sogleich geahndet werden, Vorbehalten. Umgekehrt müssen wir darauf aufmerksam machen, wie sehr die Angriffe der ausländischen Presse gegenüber der Schweiz verletzend wirken.[...] Wir haben uns nicht veranlasst gesehen, Kommentare zu den Auslassungen an der Pressekonferenz in Berlin zu verbieten. Dagegen wird die Abt [eilung]Presse und Funkspruch darauf achten, dass diese Kommentare sich in einem würdigen und angemessenen Rahmen halten. Eine entsprechende Weisung ist heute Herrn Hptm. Ernst mündlich zuhanden der Abt[eilung]Presse und Funkspruch erteilt worden (E 2809/1/2).Pilet-Golaz transmet le jour même cette lettre au Président de la Confédération, Ph. Etter: Je ne ferai pas cette démarche - aussi vaine que celle que le Général voulait nous faire faire quand des troupes étaient à nos frontières, sans une décision du Conseil fédéral, contre ma proposition, décision dont je tirerai les conséquences. La politique de force que l’on suit depuis bientôt un an - à l’instigation ou à l’exemple de certains journalistes et de certains démocrates ultra - n’a rien à voir avec une politique de dignité et de fermeté, mais de prudence aussi que les circonstances imposent. J’ai vu cette évolution avec inquiétude s’aggraver ces mois derniers. Je ne l’approuve pas, ne l’appuierai pas et ne la pratiquerai pas, ni personnellement ni solidairement (E 2809/1/2). (La proposition de Guisan à laquelle Pilet-Golaz fait allusion est publiée dans le vol. 13 des DDS, No 331.)↩
- 3
- Lors de la séance du Conseil fédéral qui a lieu le même jour, le Conseil fédéral est informé de ces déclarations par le Président Etter, en discute, puis publie un communiqué de presse qui précise notamment: Er erwartet die vollständigen und genauen, durch das Politische Departement einverlangten Angaben, um die Schwere und Tragweite der gefallenen Vorhalte genau festzustellen, und behält sich vor, auf die Angelegenheit in einer künftigen Sitzung zurückzukommen (PVCF 0 1702, E 1004.1 1/426/ Cf. aussi E 4001 (C) 1/219.↩
- 4
- Cf. ci-dessus No 248, note 2.↩
- 5
- Cf. ci-dessus No 248.↩
- 6
- Cf. ci-dessus No 239, note 20.↩
- 7
- Cette conception des relations de la Suisse avec la «nouvelle Europe» est aussi exposée par C. Rezzonico le 12 décembre 1941 (cf. ci-dessus No 152, note 10) et dans une lettre du 28 octobre 1942 du DPF reproduisant la déclaration de Pilet-Golaz à Köcher(E 2001 (D) 2/130).↩
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