Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
II. BILATERALE BEZIEHUNGEN
8. Frankreich
8.6. Zonenfrage
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 5, doc. 208
volume linkBern 1983
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2#1000/44#1664* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2(-)1000/44 282 | |
Titolo dossier | BB vom 19.6.1908 betr. die Einfuhr aus den zollfreien Zonen von Hochsavoyen und Gex (1907–1909) | |
Riferimento archivio | B.137.2 |
dodis.ch/43063 Der schweizerische Gesandte in Paris, Ch. Lardy, an den Vorsteher des Handels-, Industrie- und Landwirtschaftsdepartementes, A. Deucher1
Vous m’avez fait l’honneur de me demander, le 25 novembre, un rapport sur l’opportunité d’entrer dans les vues du Gouvernement français, qui a fait demander verbalement au mois de septembre le doublement du crédit d’importation en franchise pour les vins provenant des zones franches, un crédit d’importation en franchise pour le bétail sur pied et la viande abattue et des facilités pour l’importation du miel. Cette demande est formulée sans aucune offre de compensation; on se borne à faire appel en termes généraux aux intérêts réciproques et à l’équité2. [...]3
Aujourd’hui, la France nous demande d’accorder aux zones, en pleine paix douanière, de nouvelles facilités. C’est tout autre chose qu’en 1893. Il s’agit de faire des concessions aux zones sans qu’on nous offre aucune contre-partie. C’est à peu près exactement la procédure suivie par la France, d’Avril 1851 à Octobre 1852, au moment de l’entrée en vigueur du tarif des péages fédéraux de 1851, pour réclamer des facilités en faveur du pays de Gex.
Cette demande française actuelle est quelque peu inattendue, puisque notre arrangement commercial d’octobre 1906 avec la France a statué à nouveau sur la situation du pays de Gex par un Règlement spécial et puisqu’au cours des négociations commerciales de 1905 et 1906, il a été entendu expressément entre les présidents des deux délégations qu’on laisserait de côté la question de la zone de Savoie.
En droit comme en procédure, nous pourrions donc parfaitement répondre aux ouvertures françaises par une fin de non-recevoir. Historiquement, la zone de Gex a été rétablie pour éviter l’annexion de ce pays à la Suisse en 1815; elle a été la rançon payée par la France et consacrée par l’Europe. De même, la grande zone de Savoie a été imaginée par la France en 1860 pour tuer le mouvement d’opinion dans la Savoie du Nord en faveur de l’annexion à la Suisse. Nous ne devions rien, ni à la zone de Gex, ni à la zone de Savoie, et aujourd’hui nous leur devons seulement ce que nous avons volontairement consenti à leur accorder par le Règlement annexé à la convention commerciale franco-suisse de 1906 (Gex) et par la convention spéciale de juin 1881 (Savoie).
La seule question à étudier est donc celle de savoir s’il est opportun, s’il est politique, si c’est notre intérêt de faire droit en tout ou en partie à la demande inattendue et, à première vue, prématurée du Gouvernement français, qui n’a pas attendu l’échéance assez prochaine de la convention trentenaire de 1881 sur la zone de Savoie.
Cette question d’opportunité a deux faces, l’une économique, l’autre politique.
II. Côté économique.[...]
Non seulement les producteurs suisses comme tels, mais aussi le commerce intermédiaire genevois et le fisc fédéral ont un intérêt sérieux au maintien du débouché des zones et surtout au maintien de la grande zone de Savoie.
Or cette zone de 1860 peut être supprimée unilatéralement par la France. Nous avons laissé passer en mai 1860, sans faire semblant de les entendre, les offres que la France nous faisait faire par l’entremise de l’Angleterre d’internationaliser la zone d’annexion en y supprimant les douanes, de nous céder les rives du petit lac jusqu’à Douvaine et les versants occidentaux des Alpes entre le Valais et la Savoie de Meillerie au Mont-Dolent; de ne pas ériger de fortifications dans la Savoie neutralisée etc. Nous avons même expressément reconnu en 1881 le droit de la France de modifier ou de supprimer la zone. Cette suppression serait, sans doute, une iniquité politique de la part de la France, mais il n’y a aucun engagement et aucune instance d’ordre international pour garantir le maintien de la grande zone d’annexion de 1860, qui ne figure même pas dans le senatusconsulte d’annexion du 12/14 juin 1860 et dont la base est seulement un décret impérial rendu en exécution du senatus-consulte. Les seules zones ayant un caractère international sont la petite zone Sarde de 1816 de quelques kilomètres le long de la frontière genevoise, et la zone de Gex; leur importance économique est dix fois moindre que celle de la zone d’annexion, puisqu’elles comptent une vingtaine de mille habitants contre 200,000. Au point de vue économique, c’est donc sur le maintien de la zone de Savoie que doit porter notre effort, puisque ce maintien n’est pas garanti par des actes internationaux.
Depuis 1893, la question du maintien ou plutôt de la suppression de cette zone, que personne n’osait alors sérieusement contester, a été mise fréquemment à l’ordre du jour. Presque chaque année à l’occasion de la loi des finances, qui accompagne en France la présentation du budget, des propositions et des amendements étaient formulés pour porter des atteintes grosses ou petites, soit à la zone en général soit aux relations de la zone avec le territoire douanier français. Il est certain que des abus ont été commis et qu’en particulier des produits français fortement imposés à l’intérieur étaient exportés dans les zones, avec remboursement des taxes intérieures françaises, en quantités dépassant manifestement la capacité d’absorption des zones; ces marchandises, les farines par exemple, rentraient ensuite en franchise sur le territoire douanier de la France; les exportations de France dans les zones étaient souvent quatre à cinq fois supérieures aux exportations de France en Russie! Les meuniers français et, à leur tête, le président de la commission des douanes de la Chambre des Députés, le meunier Debussy (aujourd’hui décédé), ont ouvert une campagne acharnée pour la suppression des zones, ont abouti en ce qui concerne spécialement la question des farines, et n’ont pas été loin d’aboutir à l’établissement d’un double cordon de douanes, l’un à la frontière dirigé contre nous, et l’autre sur la frontière douanière actuelle entre la zone et la France pour le contrôle d’un certain nombre de produits, qui auraient encore bénéficié en zone d’un traitement exceptionnel (tabacs, sucres, allumettes etc.).
En même temps, le Département de la Haute-Savoie se scindait en deux groupes: l’arrondissement d’Annecy, qui est en dehors de la zone et qui, ne pouvant en bénéficier, voudrait la supprimer, et les trois arrondissements zôniers de Bonneville, Thonon et St.-Julien, qui en réclament le maintien.
A côté et au-dessus de ces divisions entre les Savoyards eux-mêmes, qui étaient encore nettement il y a peu d’années et dans la proportion de trois contre un partisans de la zone, les douanes françaises, hostiles par instinct à une population soustraite à leur action et, il faut bien le dire, très disposée à faire la contrebande, les douanes françaises ont refusé toutes facilités quelconques pour l’entrée en France des produits industriels de la zone, lorsque ces produits ne proviennent pas d’une fabrique antérieure à l’annexion. Diverses industries nouvelles sont mortes; d’autres sont tolérées au jour le jour, et surtout les découvertes de l’électro-technique, qui permettraient d’utiliser les forces motrices hydrauliques de la zone et de faire de ce pays sans charbon un pays industriel, sont paralysées. On capte des forces électriques dans la zone, mais un projet de loi va en interdire l’exportation à l’étranger sans la permission de l’Etat; les propriétaires des forces hydrauliques des zones, ne pouvant ni les utiliser sur place ni les vendre en Suisse, sont obligés de chercher des débouchés dans l’intérieur de la France douanière, à Grenoble etc.
Cette question de l’impossibilité de créer de nouvelles fabriques en zone, alors qu’on y dispose de forces motrices imposantes, agite l’opinion publique, travaille les esprits, et constitue un ferment dangereux pouvant contribuer à la destruction du status quo.
Si donc, ce qui semble évident, la Suisse a un intérêt économique au maintien de la zone, notre devoir est de tenir compte des difficultés toujours plus grandes que rencontrent, en France même, les partisans du status quo et, par suite, de faire résolument les sacrifices économiques nécessaires pour soutenir et encourager les partisans des zones dans leur pays. [...]
En résumé, au point de vue économique, le danger de la suppression de la zone n’est pas une éventualité nuageuse; la perte du marché des zones peut survenir d’un jour à l’autre dans un pays aussi fanatique de l’égalité qu’on l’est en France. Il est désirable de parer à ce danger en montrant du bon vouloir, en soutenant de notre mieux les partisans de la zone dans leur pays. Ce bon vouloir, il est désirable de le montrer actuellement, sans attendre l’échéance de la convention trentenaire de 1881, afin que les Français partisans de la zone se sentent soutenus, encouragés par la Suisse, et n’aient pas la crainte d’être pris entre deux feux, entre la douane française et la douane suisse, entre les intransigeants de Paris et les intransigeants fédéraux.
III. Côté politique.[...]4
Si je Vous importune de toutes ces citations, dont je pourrais allonger la liste, c’est pour montrer que chaque année écoulée sans que nous fassions usage de notre droit d’occupation aggrave automatiquement notre situation et profite à ceux qui soutiennent que cette neutralité n’existe plus. - La zone neutre est la base historique de la zone douanière de Savoie, son point d’appui international; c’est pour cela qu’il était nécessaire d’en faire mention.
A toute cette hostilité de la plupart des militaires, des maîtres d’école et des professeurs de droit, s’ajoute l’hostilité déjà mentionnée dans la partie économique du présent rapport, de l’Administration française des Douanes, et l’hostilité sourde de 586 Députés français contre 3 et de 298 Sénateurs contre 2, parce que la France est le pays de l’égalité mathématique et parce que le sentiment français répugne à des différences de traitement fondées sur l’histoire ou la géographie. «Périssent les colonies plutôt qu’un principe.» Cette passion de l’égalité, je l’ai constatée personnellement chez M. Méline, par exemple, avec lequel j’ai dû me battre un soir chez moi jusqu’à minuit pour obtenir un traitement spécial dans les zones contre le phylloxera; M. Méline déclarait qu’il ne peut y avoir en France de privilèges de lieux et qu’il ne consentirait jamais à sauver du phylloxera les vignes de la Champagne par des procédés qui ne seraient pas employés dans le Midi: Il n’a fini par céder sur les vignobles phylloxérés des zones qu’à cause de leur situation extra-douanière.
Il y a dans tout cela un premier et grave motif politique pour nous engager à faire tout ce qui dépendra de nous afin de maintenir, chez les habitants de la zone neutralisée, le sentiment qu’ils sont au bénéfice d’une situation particulière, qu’ils sont des Français jouissant d’un traitement à part. En cas de danger, il est probable que ce sentiment renaîtrait assez facilement, mais il importe de ne pas laisser la tradition se perdre.
Dans un autre ordre d’idées, la question des zones me paraît avoir un second intérêt politique incontestable. Les traités de 1815 ayant créé la zone de neutralité en Savoie et la zone douanière de Gex, et la France, pour n’avoir pas à nous céder un morceau de Savoie en 1860, ayant créé la zone douanière de cette région, il en est résulté que, des deux côtés de la frontière, on a proclamé Genève capitale économique du bassin zônier. Nous désirons que les Savoyards et les Gessiens continuent à se considérer comme des zôniers, comme des Français d’une espèce spéciale. Mais la réciproque commence à se produire. Il y a aussi des Français, et pas des moindres, qui donnent à entendre que les Genevois sont ou doivent être des Suisses d’une espèce particulière, que les intérêts des Genevois ne sont pas les mêmes que ceux du reste des Suisses, qu’ils ont une mentalité à part, il y en a même qui rappellent l’époque où Genève était le cheflieu de l’ancien Département du Léman.
Sans vouloir pousser les choses au tragique, ni donner plus d’importance qu’elles n’en méritent à des paroles qui peuvent être de simples boutades, je me rappelle avoir entendu, dans le salon d’un président de conseil français, un Député qui a été membre du Gouvernement dire, à quelques pas de moi: «D’ici à cinquante ans, les zones seront suisses ou Genève sera française.»
Un personnage français considérable5 m’a répété que, dans une conversation dont il m’a indiqué le lieu et la date, un consul général de France à Genève6 a développé la thèse qu’avec les deux gares françaises de Genève et un chemin de fer de ceinture exploité par les Français, la France mettrait tout doucement la corde au cou des Genevois et préparerait l’avenir, il y ajoutait d’autres considérations ferrugineuses inutiles à rapporter ici.
Au cours des négociations commerciales de 1882, j’ai surpris une conversation entre le Ministre du commerce d’alors et un de ses subordonnés7, relative à la propagande française à faire à Genève par les journaux lyonnais expédiés en ballots par le chemin de fer, et sur l’intérêt qu’il y avait à protester contre la prétention des postes suisses de considérer ces envois par ballots comme contraires à la régale des postes fédérales.
A diverses reprises, dans des entretiens avec des personnalités officielles suisses8, deux hauts personnages officiels français9 se sont servis de l’expression: «Il me faut obtenir quelque chose pour Genève» ou expressions équivalentes!
Il n’y a rien là de tragique, mais il y a là des indices à noter.
Dans les dernières années, il paraît que de nombreux Français, habitant Genève sous permis d’établissement ou de séjour, ont pris l’habitude de se faire néanmoins inscrire dans les zones sur les listes électorales. Naturellement les Députés français sont venus à Genève cultiver ces électeurs; ils ont tenu à Genève des réunions électorales et politiques comme s’ils étaient en France. Avec nos habitudes de grande liberté, les Autorités ont, semble-t-il, accepté cet état de choses; la population paraît avoir suivi et, tout doucement, Genève commence à être la capitale non seulement commerciale mais politique des zones.
La très nombreuse colonie française a non seulement ses associations et ses organes à Genève, mais ces associations font venir des Députés français pour leur tenir des discours et des conférences d’une couleur politique souvent fort accentuée; un Député français a osé y dire, en substance, que les intérêts de Genève étaient en France, que les Genevois devaient regarder du côté de la France et non pas du côté de Berne! Les fêtes françaises ont pris une importance telle que les Autorités genevoises s’y font toujours représenter et que le nombre des drapeaux français dans la ville était si considérable qu’il a fallu, je crois, devant les réclamations d’une partie de l’opinion publique, interdire de les arborer s’ils n’étaient pas accompagnés d’un drapeau suisse.
Dans la vie publique genevoise, dans les restaurants, dans les cafés, on m’assure que les milliers de zôniers résidant à Genève et dont beaucoup y sont nés, prennent part aux conversations politiques avec une connaissance suffisante de la situation pour être pris pour des indigènes et exercent ainsi, par une sorte d’infiltration ou d’endosmose, une certaine influence sur la politique genevoise ou tout au moins sur la partie de la population genevoise dont ils sont séparés seulement par l’épaisseur d’une naturalisation de fraîche date.
Dans les derniers mois, un certain nombre de Français plus ou moins tarés - nomina sunt odiosa10 - ont pris une part active à la direction de la colonie française de Genève et même aux discussions politiques suisses, loi militaire, etc. Dans le journal français de Genève et dans les correspondances adressées à des journaux français, ces individus ne se gênent pas pour déverser l’injure sur le pays qui leur accorde l’hospitalité (voir rapport à M. le Président de la Confédération 10 Octobre 1970)11.
Du côté genevois aussi, tout ne paraît pas se passer très normalement. Des personnages officiels ont pris depuis plusieurs années l’habitude de fréquenter les banquets français à Genève ou dans les zones et d’y parler avec une réserve parfois insuffisante des relations franco-suisses, établissant ainsi une sorte de solidarité régionale qui rend ensuite les conversations de l’Autorité fédérale avec le Gouvernement français moins faciles.
Je n’insiste pas sur ce côté de la question; les intérêts sont parfois plus forts que la prudence diplomatique, mais il est difficile de contester que, là aussi, il y a quelque chose qui n’est pas tout-à-fait dans l’ordre. Si le mal n’est pas toujours spécial à Genève, on ne peut pas dire que Genève en soit exempt.
A la racine du mal, il y a, entre autres et pour une bonne partie, la question des zones, zone de neutralité et zones douanières. Il est de bonne politique de chercher à atténuer la gravité du mal.
Il est certain que plutôt que de perdre Genève, la Suisse mettrait le feu aux quatre coins de l’Europe. Là-dessus, il ne peut pas y avoir deux opinions; mais, avant d’en arriver là, la Confédération doit se demander s’il n’y a rien à essayer; la Confédération doit faire, elle aussi, son examen de conscience et se demander si elle-même n’a pas péché.
[...]12En ce qui concerne les relations politiques et économiques de la Suisse et de Genève avec les zones, nous avons beaucoup péché et que, suivant une parole célèbre, il n’y a presque plus une faute à commettre.
Quelles conclusions faut-il déduire de la situation peu rassurante de notre extrême frontière occidentale, de l’état de choses anormal, quelque peu morbide, qui existe dans les zones et à Genève, de cette sorte de mécontentement, tantôt sourd et vague, tantôt public, qui se manifeste dans les zones et dans le canton de Genève?
Personne ne songe chez nous à une politique de conquête territoriale. Nous acceptons sans arrière-pensée ce qu’on appelait en 1815 le «système restreint», c’est-à-dire des avantages économiques dans le bassin commercial de Genève et la neutralité de la Savoie du Nord. Ce «système restreint», non seulement il ne nous est pas défendu de chercher à le maintenir, mais notre intérêt politique et commercial évident est de tout faire pour le maintenir. Les sacrifices douaniers à consentir sont peu de chose en comparaison du but politique à atteindre dans les zones et à Genève. Ces concessions douanières doivent à mon avis être données par nous unilatéralement, de bonne grâce, dans la plus large mesure possible et immédiatement. Nous devons adopter la voie unilatérale et autonome pour être plus libres de nos mouvements et de nos procédés de contrôle. Nous devons faire vite, afin de créer peut-être à Genève et dans les zones le courant d’opinion qu’il est désirable de voir se produire. Nous ne devons pas attendre l’échéance de la convention trentenaire de 1881 parce que c’est précisément d’ici à cette échéance que les adversaires de la zone de Savoie accumuleront les efforts pour arriver à la suppression de cette zone et qu’il est de notre intérêt de démontrer par des faits aux populations intéressées les avantages de la zone, afin qu’elles se défendent elles-mêmes et qu’elles luttent avec nous contre les forces très puissantes de la France centralisatrice et niveleuse. En faisant les plus larges concessions possibles, nous jouons «à qui perd gagne» politiquement et même économiquement.
Si notre effort est vain, si nous n’atteignons pas le but, si des circonstances de force majeure provoquent finalement la suppression de la zone de Savoie (il s’est produit aussi des circonstances de force majeure en 1600, en 1700, en 1815, et nous ne prétendons pas être plus forts que l’Europe), nous aurons au moins, devant notre conscience et devant la postérité, le sentiment d’avoir fait, aujourd’hui et dans la mesure qui dépendait de nous, le nécessaire pour sauver ce qui peut être sauvé du patrimoine reçu de nos prédécesseurs.
IV. Observations accessoires.
1°) Comme question de tactique et en raison de la résistance à laquelle il faut s’attendre de la part des Vaudois, au patriotisme suisse desquels on peut d’ailleurs faire appel malgré les intérêts viticoles engagés sur les rives du Léman, il conviendrait de se demander en terminant s’il n’y aurait pas lieu de donner à entendre au Gouvernement français que nous attendons depuis trop longtemps le règlement de la question des lignes d’accès au Simplon13 à travers le Jura. Il y a plus d’un tiers de siècle que la question est à l’ordre du jour. L’assemblée nationale de 1874 (rapporteur M. Cézanne) a refusé une subvention française au Simplon. Lors de la négociation des conventions de 1883 entre l’Etat et les grandes Compagnies, on nous avait fait espérer une subvention de 12 millions de la Cie. P.-L.-M.14, qui l’a finalement refusée. En 1902, une fois le Simplon percé en dehors de tout appui français, nous avons approuvé une convention pour le Frasne-Vallorbe et cette convention n’a jamais été présentée au parlement français. Depuis cinq ans, on semble à Paris tenir beaucoup à ce petit jeu consistant à amuser les Vaudois avec le tunnel du Mont-d’Or et à tenir les Genevois au bout du hameçon du tunnel de la Faucille. Il faudrait une bonne fois que le Gouvernement français prît position. Ces retards commencent à devenir ridicules, pour lui encore plus que pour nous. - Il fait appel dans l’affaire des zones «à l’équité et aux intérêts réciproques»: nos déclarations de juillet dernier mettent le Gouvernement français à l’aise pour traiter; il faudrait maintenant le mettre au pied du mur et lui déclarer que pour la traversée du Jura il y a aussi une question d’équité après les sacrifices que nous nous sommes imposés, et qu’il y a aussi des intérêts réciproques.
Je ne veux pas dire par là qu’en fin de compte, si la France continue, comme depuis 35 ans, à ne rien faire pour le Simplon, il ne faille rien faire de notre côté pour les zones; tout le présent rapport démontre au contraire qu’à mon avis, nous devrions, en tout état de cause, faire pour Genève et pour les zones tous les sacrifices raisonnables et possibles; mais je me demande s’il n’y a pas là un levier à utiliser pour tenter de mettre un terme aux sempiternelles hésitations ferrugineuses des ministères successifs à Paris. C’est une simple question de tactique et de procédure qui ne touche pas le fond de la question.
2°) Vous savez que la Douane française se refuse à assimiler les Suisses établis dans les zones aux Français pour l’importation de leurs produits dans le territoire douanier de la France. Je me permets de Vous renvoyer sur cette question au rapport que j’ai eu l’honneur de Vous adresser, en dernier lieu, le 5 mars 190715. Il est possible que la France, par ces difficultés incompatibles avec l’égalité de traitement stipulée dans notre traité d’établissement, poursuive un but politique, celui de décourager le placement de capitaux suisses sur des immeubles dans les zones, et de décourager l’immigration suisse dans les zones. - Il est, d’autre part, incontestable que nous n’avons pas d’intérêt à ce que les produits suisses (fromages, etc.) soient concurrencés sur le marché intérieur français par les produits zôniers admis en franchise. - En 1893, MM. Demôle, Martin et Paccaud insistaient vivement sur la nécessité de refuser des faveurs douanières suisses aux zôniers tant que ce point n’aurait pas été réglé à notre satisfaction. - Je ne crois pas qu’aujourd’hui on soit disposé dans notre pays à attribuer à cette question une importance aussi considérable.
On pourrait peut-être menacer d’exclure les Français établis en Suisse du bénéfice de l’article 7, lettre n, de la loi du 10 octobre 1902 sur le tarif des douanes, c’est-à-dire les priver de la faveur d’importer chez nous en franchise les produits bruts des biens-fonds qu’ils exploitent comme propriétaires, usufruitiers ou fermiers dans le rayon frontière de 10 kilomètres, aussi longtemps que les Suisses établis en zone ne seront pas assimilés aux Français pour l’importation de leurs produits en France. - Seulement on frapperait le plus souvent des gens parfaitement innocents et sans doute très partisans du maintien des zones, puisqu’ils vivent en Suisse et servent de traits d’union entre les deux Pays. -
C’est donc plutôt pour mémoire que je me permets d’appeler sur cette question secondaire Votre attention.
- 1
- Schreiben (Kopie): E 2, Archiv-Nr. 1664.↩
- 2
- Am 10. Dezember 1907 sandte Lardy diesen an Deucher gerichteten Bericht Bundespräsident Müller. Er bat um streng vertrauliche Behandlung der Angaben, denn la moindre indiscrétion pourrait provoquer des incidents regrettables. Deucher unterbreitete das Gutachten auch Bundesrat Comtesse und Nationalrat Frey (E 2200 Paris 1/259).↩
- 3
- Ausführungen zur Zonenfrage in der Zeit des Zollkrieges 1893-95.↩
- 4
- Es folgen eine Reihe von Zitaten, welche belegen sollen, dass in Frankreich seit dem Zollkrieg eine Strömung entstanden sei, welche die Neutralität Hochsavoyens als hinfällig bezeichne oder diese überhaupt ignoriere.↩
- 5
- Im folgenden spielt Lardy auf verschiedene Personen an, deren Namen er im Entwurf am Rand notierte. Siehe auch die nächstfolgenden Anmerkungen; Dervillé, Président du PLM.↩
- 7
- Jules Roche; [Arthur]Fontaine, aujourd’hui Directeur du Travail.↩
- 11
- E 2200 Paris 1/350.↩
- 15
- E 2200 Paris 1/259.↩
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Zona franca dell' Alta Savoia et del Pays de Gex