Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
IV. NIEDERLASSUNGS- UND ASYLPOLITIK
2. Die schweizerische Asylrechtspraxis
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 3, doc. 412
volume linkBern 1986
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#78* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 4 | |
Dossier title | Konflikt mit Deutschland betr. Verhaftung des deutschen Polizeiinspektors August Wohlgemuth in Rheinfelden AG wegen Unruhestiftung und Spionage, sowie Ausweisung aus der Schweiz (Wohlgemuth-Handel) (1889–1892) | |
File reference archive | B.255 |
dodis.ch/42391 Der Vorsteher des Departements des Auswärtigen, N. Droz, an die österreichisch-ungarische Gesandtschaft in Bern1
Je vous remercie ainsi que le comte Kalnoky de la forme très amicale et confidentielle que vous avez donnée à votre démarche.2 J’y vois la preuve des sentiments d’amitié qui animent l’Autriche envers nous et pour lesquels nous lui sommes vivement reconnaissants.
Il est certainement fâcheux que notre traité d’extradition n’ait pu être ratifié dans cette session. Mais les scrupules juridiques qui ont arrêté la commission du Conseil national sont respectables. Ils existent aussi chez bon nombre de juristes de divers pays soit monarchistes, soit républicains. Le Conseil fédéral les a éprouvés longtemps et ce n’est qu’après un examen approfondi de la question qu’il est arrivé à les surmonter et à se convaincre que la nouvelle rédaction du traité présenterait des avantages sur l’autre. Il faut laisser le temps à la Commission d’examiner à son tour la question sous toutes ses faces; elle a demandé au Conseil fédéral de lui fournir de nouveaux éléments pour s’éclairer spécialement quant à la possibilité d’élaborer une loi sur l’extradition pour servir de base à l’appréciation des délits politiques. Le Conseil fédéral a accepté la mission, et il fera tous ses efforts pour assurer le triomphe d’un acte au pied duquel il a mis sa signature avec une entière conviction.
Plus fâcheux encore que ce retard est le fait que plusieurs Gouvernements amis persistent à envisager que les autorités suisses traitent avec une certaine bienveillance les anarchistes et les révolutionnaires, quelque nom qu’ils prennent, et qu’elles ne combattent pas avec assez d’énergie leurs entreprises criminelles. Toute notre histoire des dernières années est là pour prouver le contraire. De nombreuses séries d’expulsions et récemment encore celles qui ont eu lieu à la suite de l’affaire des bombes à Zürich, expulsions en grande partie basées sur le seul fait que les individus qui en ont été frappés faisant partie d’une organisation terroriste, devraient amener les Gouvernements amis à porter un jugement plus juste sur notre compte. Leurs reproches immérités ne contribuent pas à faciliter notre tâche. En ce qui concerne l’affaire des bombes, je puis vous dire que le Gouvernement russe, d’abord très inquiet et défiant à notre égard, a fini par reconnaître que l’enquête avait été menée avec le plus grand soin, et M. de Hamburger nous en a exprimé ses remcerciements.
Quant au cas Wohlgemuth, nous n’aurions pas mieux demandé que de le traiter autrement si nous avions eu l’espoir que l’Allemagne nous donnerait satisfaction pour la conduite certainement répréhensible de son fonctionnaire. Mais, dès le début cet espoir a dû être écarté. Les intérêts vitaux de notre pays ne nous permettaient pas de laisser passer cette nouvelle et grave atteinte à notre sécurité intérieure et extérieure. Nous ne nous sommes en aucune manière dissimulé les conséquences pénibles que notre décision aurait pour nous. Mais il y a des situations qu’un peuple qui veut rester indépendant ne peut se résigner à subir, quoi qu’il puisse lui en coûter. Vous avez pu vous convaincre que ce sentiment est partagé par notre peuple unanime, et si le Conseil fédéral avait agi autrement, il n’aurait plus eu qu’à se retirer.
Le comte Kalnoky nous donne le conseil amical de faire tous nos efforts pour applanir ce différend. Mais comment cela est-il possible alors que des faits si évidents sont appréciés de la sorte à Berlin? Qu’on nous indique une solution acceptable, et nous serons heureux d’y donner les mains, car l’intérêt d’un petit pays comme le nôtre est, à n’en pas douter, de vivre en bonne amitié avec ses voisins. Nous ne pouvons cependant faire des concessions qui ne seraient autre chose que la perte de notre souveraineté et de notre indépendance.
Nous ne demandons rien que de juste et de raisonnable; nous demandons qu’on veuille bien ne pas nous traiter comme un Gouvernement et comme un peuple qui favorisent sciemment les attentats, les crimes et les menées anarchistes et révolutionnaires. L’esprit de justice qui anime les Gouvernements des grandes puissances devrait les amener au contraire à reconnaître les efforts que nous faisons pour débarasser notre territoire des éléments subversifs que d’autres pays y refoulent contre notre gré. La situation qui nous est faite est d’autant plus pénible que nous avons seuls en Europe le triste privilège d’être exposés à des réclamations pareilles tandis qu’on n’en formule pas contre d’autres pays où des faits beaucoup plus graves se passent et qui sont le siège avéré des organisations qui jettent leurs rameaux bien ailleurs qu’en Suisse.
Ce n’est pas à dire que nous estimions n’avoir plus rien à faire pour répondre aux exigences de notre position internationale. Des mesures diverses sont en préparation pour compléter et fortifier toujours davantage nos moyens de lutte contre les anarchistes et les révolutionnaires. Sous ce rapport, vous pouvez assurer le comte Kalnoky que nous prenons nos devoirs très à cœur, et que nous tiendrons compte des indications amicales qu’il veut bien nous donner.
Les mesures que nous avons prises et que nous prendrons ne résultent toutefois pas, à nos yeux, de notre neutralité, mais du devoir qu’a chaque Etat, neutre ou non, de veiller à l’ordre sur son territoire et aux bons rapports avec les autres Etats. Notre droit d’asile n’est pas non plus une conséquence de notre neutralité, mais un attribut de la souveraineté de chaque Etat. A cet égard, nous n’avons jamais admis la conception erronée d’après laquelle la Suisse, à raison de sa neutralité, serait un temple de Delphes où les malfaiteurs sont en sûreté. Quoique neutre, la Suisse a le même droit que tout autre Etat, de se débarasser des gens qui ne lui conviennent pas et d’admettre ceux qu’elle veut recevoir. Elle n’a à se diriger en cette matière, comme tout autre Etat, que d’après ses droits souverains et d’après les égards qu’elle doit aux autres pays. Il est du reste à remarquer que les socialistes et les nihilistes qui sont sur notre territoire ne s’y trouvent pas comme réfugiés politiques, mais en vertu des traités d’établissement. Nous ne les expulsons pas par mesure préventive, mais seulement lorsqu’ils se sont rendus coupables d’actes contraires à nos lois ou de nature à troubler nos bons rapports avec l’étranger.
En résumé, je vous prie de nouveau d’exprimer au comte Kalnoky notre reconnaissance pour l’intérêt qu’il porte à un aplanissement amiable de notre conflit avec l’Allemagne, et de lui dire que nous serions heureux si ce résultat pouvait être obtenu sur le seul terrain où nous puissions nous placer, celui du respect de nos droits de souveraineté.
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