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Documents Diplomatiques Suisses, vol. 26, doc. 32
volume linkZürich/Locarno/Genève 2018
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| Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E1050.12#1995/511#16* | |
| Ancienne cote | CH-BAR E 1050.12(-)1995/511 8 | |
| Titre du dossier | Protokolle und Kommissionsakten (1973–1973) | |
| Référence archives | 1 |
| Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2814#1993/210#2* | |
| Ancienne cote | CH-BAR E 2814(-)1993/210 1 | |
| Titre du dossier | Correspondance, vol. II (1973–1975) | |
| Référence archives | 1 |
dodis.ch/38816Rapport de la Délégation suisse aux consultations préliminaires de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe à Helsinki1
LA SUISSE ET LA CONFÉRENCE SUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE2 ÉTAT DE LA QUESTION à LA VEILLE DE LA 2ème PHASE DE LA CONFÉRENCE
I. Bilan des Consultations préliminaires
Tant en raison de leur objet que du cercle des États participants, les Consultations d’Helsinki ont constitué une nouveauté dans l’histoire des relations internationales de l’après-guerre et dans le contexte européen actuel. Pour cette raison, elles méritent d’être appréciées non seulement en fonction du résultat de leurs travaux, mais aussi en fonction de la manière dont elles se sont déroulées et de l’atmosphère qui les a caractérisées. Par ailleurs, la convocation des Consultations préliminaires3 est la résultante d’une évolution du climat politique international et européen, marquée principalement par le rapprochement américano-soviétique et celui entre la République fédérale allemande et ses voisins de l’Est. D’autre part, de toutes les négociations atlantiques et européennes (SALT, MFR4), le forum de la CSCE est le seul à réunir l’ensemble des protagonistes.
A) Climat des Consultations préliminaires
Deux règles essentielles ont été fixées dès le début des consultations5 et ont dominé celles-ci tout au long: la participation de tous les États dans des conditions d’égalité et l’adoption des décisions par voie de consensus. S’agissant de l’égalité dans la participation, la preuve a été faite que les États ont eu l’occasion et la possibilité de jouer le rôle qu’ils souhaitaient jouer, et que même les plus petits d’entre eux ont pu faire entendre leur voix. Du côté des Occidentaux, la délégation américaine s’est imposé une certaine retenue, reflet assez fidèle de l’application de la «doctrine Nixon» à l’Europe. Pour leur part, les Neuf de la Communauté européenne ont développé avec succès leur coopération politique à la faveur des Consultations. Des tentatives de négociation directe sur les points les plus controversés de l’ordre du jour de la CSCE ont eu lieu entre certains groupes de pays; elles ont été dénoncées, souvent avec vigueur, par les Neutres et les Non-alignés. Ces réactions n’ont nullement troublé l’atmosphère des discussions; au contraire, elles ont même eu pour effet d’associer tous les pays qui le souhaitaient, dont le nôtre, aux discussions les plus délicates sur l’ordre du jour, surtout dans la phase finale des Consultations. Tout autre fut l’attitude, prévisible d’ailleurs, de la plupart des alliés de l’URSS; alignés et silencieux dans les séances, plus ouverts toutefois dans les coulisses; la République démocratique allemande a même surpris par une certaine liberté de ton. Quant à l’URSS, promotrice de la CSCE et soucieuse d’arriver le plus rapidement possible au but, soit la réunion des Ministres des Affaires étrangères, elle a «joué le jeu» avec patience et accepté bon gré mal gré que des petits États, en particulier les Neutres, affirment leur présence et leurs préoccupations tout au long des Consultations. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que ces concessions sur le rythme et le style des Consultations étaient acceptables pour les Soviétiques dans la mesure où ils ont pu avoir très tôt la certitude que la CSCE se tiendrait dans les délais souhaités.
Par ailleurs, toutes les délégations, surtout celles des grandes puissances, ont dû s’astreindre à la règle du consensus, la seule possible pour parvenir6 à des décisions entre États souverains. Cette règle a prévalu durant toutes les Consultations, tant pour les questions d’organisation et de procédure que lorsqu’il s’est agi de négocier le mot à mot du projet d’ordre du jour de la CSCE. Comme il s’agit d’un instrument à double tranchant – l’État qui bloquerait le consensus risquant d’être bloqué à son tour sur ses propres propositions –, les délégations ont été condamnées à la recherche de compromis satisfaisants aussi bien pour l’ensemble des 34 États que pour les participants pris isolément. On aurait pu craindre que des décisions prises de cette manière n’aboutissent à des textes incolores et anonymes, privés de tout apport original attribuable à tel ou tel participant. Il n’en a rien été. Plusieurs États ont pu au contraire faire inscrire dans le document final7 des Consultations les thèmes auxquels ils tenaient tout particulièrement: la Suisse et le règlement pacifique des différends8, la Roumanie et le refus de négocier dans le cadre des alliances militaires, pour ne citer que deux exemples.
B. Résultats des travaux
Les Recommandations finales des Consultations, approuvées le 8 juin 1973 par les ambassadeurs à Helsinki, se composent des sept chapitres suivants: 1. Organisation de la Conférence 2. Ordre du jour et instructions afférentes 3. Participation, Contributions, Invités 4. Date 5. Lieu 6. Dispositions de procédure 7. Arrangements financiers.
Ordre du jour et instructions afférentes
Ce chapitre – le plus important du document – se subdivise en quatre sections principales (cf. texte en annexe9) a) Questions relatives à la sécurité en Europe b) Coopération dans les domaines de l’économie, de la science, de la technique et de l’environnement c) Coopération dans les domaines humanitaires et autres d) Suites de la Conférence Les mandats spécifiques contenus dans ces quatre sections sont les suivants:
a) La première section (sécurité) débute par un rappel des principes fondamentaux qui doivent gouverner les relations entre États et en dresse une liste complète et dans l’ensemble assez bien balancée puisqu’elle tient compte aussi bien des principes sur lesquels insistaient les pays de l’Est (inviolabilité des frontières) que de ceux chers aux Occidentaux (respect des droits de l’homme et auto-détermination). Le catalogue des principes est suivi d’un paragraphe sur les mesures d’application de ceux-ci, parmi lesquelles figure le règlement pacifique des différends.
Cette même section sur la sécurité contient également un volet militaire qui prévoit notamment l’étude de mesures destinées à renforcer la confiance, telles l’annonce préalable de manœuvres militaires et de mouvements de troupes d’envergure et l’échange d’observateurs aux manœuvres.
Sans créer de lien direct avec les pourparlers de Vienne sur la réduction des troupes (MBFR), le document final d’Helsinki offre aux États participants à la CSCE la possibilité de présenter leurs vues sur ces questions et leur donne la possibilité de s’informer sur les développements dans ce domaine. Un lien plus étroit entre les deux négociations se heurtait à l’opposition des deux super-puissances ainsi qu’à celle de la France.
b) La deuxième section (coopération économique10) est le résultat d’un compromis assez bien équilibré entre les propositions des pays de la Communauté européenne et les exigences des pays de l’Est, chaque côté ayant réussi à y faire admettre des notions particulièrement importantes à ses yeux. Ainsi, la notion de réciprocité des avantages et des obligations, proposée par les pays à économie de marché, a été retenue en échange de la référence au traitement de la nation la plus favorisée que souhaitaient les pays à commerce d’État. En revanche, la référence au principe de non-discrimination, lancée par l’URSS, a pu être évitée, en échange de quoi il a fallu renoncer à mentionner la notion de l’accès aux marchés, avancée entre autres par notre pays. La porte a été cependant entrouverte, puisque l’ordre du jour comprend notamment l’examen de «mesures tendant à réduire ou à éliminer progressivement les obstacles de toute nature qui s’opposent au commerce»11.
La section économique contient, à part le préambule, les sous-chapitres suivants: échanges commerciaux, coopération industrielle et projets d’intérêt commun, science et technique, environnement, coopération dans d’autres secteurs.
Dans tous ces domaines, la Commission est chargée de faciliter les échanges, l’information et la coopération, en se basant également sur les formes existantes de coopération, notamment les travaux de la Commission économiques des Nations Unies pour l’Europe. Dans le sous-chapitre «autres secteurs» figure entre autres l’examen des aspects économiques et sociaux du travail migrant, étude proposée par plusieurs pays fournisseurs de main-d’œuvre12. Ceux-ci, toutefois, ne s’attendent guère à une discussion approfondie de ces problèmes lors de la deuxième phase de la CSCE.
c) La troisième section (coopération dans les domaines humanitaires et autres) engage la Commission compétente à examiner toutes les possibilités de coopération permettant de créer de meilleures conditions pour l’accroissement des échanges dans les domaines de la culture et de l’éducation, pour une plus large diffusion de l’information, pour l’extension des contacts entre les personnes et pour la solution des problèmes humanitaires.
Il est prévu: 1. de faciliter, sur le plan individuel ou collectif, privé ou officiel, un mouvement et des contacts plus libres entre personnes, institutions et organisations des
États participants, 2. de faciliter une diffusion plus libre et plus large des informations de toute nature (parlées, écrites, filmées, radiodiffusées et télévisées) et d’améliorer les conditions de travail des journalistes à l’étranger, 3. d’élargir et d’améliorer la coopération et les échanges dans les divers domaines de la culture, de l’éducation et de la science.
Dans ce domaine et notamment sur le plan des relations humaines et de l’information, les affrontements furent particulièrement durs, en raison des conceptions radicalement opposées des États socialistes, désireux de soumettre tout contact au contrôle de l’État, et celles des Occidentaux, partisans comme nous d’une attitude libérale.
Le compromis réalisé, bien que rédigé en termes vagues, constitue un cadre qui permettra à la Commission d’examiner des propositions concrètes et précises. Dans les secteurs de la culture et de l’éducation, les formules retenues sont volontairement très générales, car on a voulu éviter des doubles-emplois avec des organisations internationales spécialisées.
d) La quatrième section (suites de la Conférence) résout d’une manière élégante un problème majeur qui a plané longtemps sur les Consultations, celui d’une institution permanente à créer à la suite de la première CSCE. Ce projet, à l’origine un des objectifs principaux de l’URSS, a été fortement dilué par les pays non-communistes. Selon le mandat des Consultations, il appartiendra au comité de coordination de la 2 ème phase de la CSCE de déterminer, compte tenu des résultats de la Conférence, si une suite se justifie ou non. Rien n’est donc préjugé en cette matière.
Appréciation générale du résultat des Consultations:
Le document final des Consultations est dans son ensemble un texte équilibré, résultat de longs mois de négociations serrées sur presque chaque mot, de sorte qu’il est impossible de dire lesquels, parmi les participants, sont gagnants ou perdants. Cette vue s’impose surtout en ce qui concerne la section a) (sécurité). En jugeant les sections b) (économie) et c) (contacts humains) il faut garder à l’esprit que la première a été souhaitée surtout par les pays de l’Est, tandis que la deuxième correspond à une exigence des pays occidentaux. Les deux côtés ont atteint chacun leurs objectifs au moins dans une mesure qui leur permet de continuer la discussion sur la base du texte présent. La vraie négociation ne se fera toutefois qu’à la deuxième phase de la Conférence, lorsqu’il s’agira d’élaborer, sur la base des recommandations d’Helsinki, des projets concrets dans tous les domaines de l’ordre du jour. C’est alors seulement qu’une appréciation finale sera possible13.
C) Activité de la délégation suisse
Notre délégation a été en mesure de représenter la Suisse sur un double plan: celui d’un État participant soucieux de faire valoir sa conception de la CSCE et celui d’un État neutre prêt à mettre à disposition ses bons offices pour faciliter le déroulement des Consultations préliminaires.
1. Attitude en tant qu’État participant
S’agissant des questions de procédure et d’organisation, notre délégation a joué, surtout durant les premières semaines des Consultations, un rôle actif pour assurer la fixation de règles destinées à préserver les droits des petits États: consensus, rotation des présidences, etc… Ces règles, valables pour les Consultations, ont été reprises à peu près telles quelles pour la CSCE proprement dite.
Lors de l’élaboration d’un ordre du jour de la CSCE – tâche principale des Consultations –, la délégation suisse avait pour instruction prioritaire d’obtenir l’inscription d’une formule concernant le règlement pacifique des différends. Le texte finalement retenu après une négociation en plusieurs séances et qui figure dans le «Projet des recommandations» ci-joint14 se lit comme suit:
«La Commission étudiera des propositions ayant pour objet une méthode de règlement pacifique des différends entre États participants et entreprendra l’élaboration de celle-ci».
Cette formule peut être considérée comme satisfaisante, car elle nous permettra, d’une part, de soumettre une proposition spécifiquement suisse lors de la 2 ème phase de la CSCE et, d’autre part, d’examiner la mise sur pied d’une méthode de règlement pacifique des différends communément agréée. Il s’agit du mandat le plus concret de tout le chapitre «sécurité» de l’ordre du jour élaboré pendant les Consultations.
L’objectif secondaire de notre délégation était d’obtenir un ordre du jour aussi substantiel que possible, en dépit de la résistance des pays de l’Est, à propos des contacts humains et de la circulation de l’information15. Nos délégués ont été associés de près à une négociation ardue sur les textes en question, au cours de laquelle ils ont suivi une ligne constante et fidèle à notre tradition libérale en matière de circulation des personnes et de l’infor mation.
Les autres domaines sur lesquels la délégation suisse a eu l’occasion de présenter ses vues figurent, dans l’ensemble, d’une manière satisfaisante dans l’ordre du jour. Ce sont en particulier le volet militaire, certes modeste, mais qui nous permettra le cas échéant de faire connaître notre position sur les aspects militaires de la sécurité en Europe16; la référence au lien entre les problèmes de l’Europe et ceux de la Méditerranée. Enfin, dans le domaine de la coopération économique, les propositions formulées en vue de l’ordre du jour sont assez souples pour ménager notre approche essentiellement bilatérale des relations Est-Ouest17.
2. Bons offices de la délégation suisse
Les Neutres en général et notre pays en particulier ont eu plusieurs occa sions de rendre des services de nature à faciliter la bonne marche des Consultations. C’est ainsi qu’au cours de la 2 ème session des Consultations, à un moment où celles-ci menaçaient de piétiner parce qu’aucune délégation ne voulait engager une véritable discussion sur les propositions nombreuses et souvent divergentes concernant l’ordre du jour de la CSCE, la délégation suisse a été chargée18 de réunir et de classer toutes les propositions en question dans un document unique19. Ce travail a rencontré l’approbation générale et facilité le démarrage de la discussion détaillée et concrète des textes en présence.
Peu de temps après, lorsque s’est constitué le groupe de rédaction chargé d’élaborer le chapitre «sécurité» de l’ordre du jour, la Suisse a de nouveau été sollicitée, de pair avec l’Autriche et la Suède, afin que des membres des trois délégations coordonnent les séances du groupe en question20.
Si celui-ci s’était donné un président, plusieurs délégations auraient exigé la rotation quotidienne de la présidence, avec les inconvénients pratiques que cela eût comporté; en désignant nommément un Suisse, un Autrichien et un Suédois21 comme coordinateurs, les participants assuraient la continuité dans la conduite des travaux. De l’avis général des délégations, la formule ainsi adoptée et mise en pratique pendant plus de trois mois a été pleinement satisfaisante.
Dans le même ordre d’idées, mais sans que la délégation suisse n’ait agi en quoi que ce soit dans ce sens, une campagne s’est organisée au cours de la dernière session des Consultations en faveur de Genève comme siège de la deuxième phase de la CSCE22. Les initiateurs de ce mouvement, notamment la République fédérale allemande, la Roumanie, l’Italie, le Portugal, inspirés par des motifs divers, sont parvenus à réunir en quelques semaines un consensus autour de Genève; ce ne sont pas seulement les avantages traditionnels de Genève qui leur ont facilité la tâche: leur initiative a coïncidé en effet avec, d’une part, une série de déclarations du Président23 de la République finlandaise qui étaient de nature à semer des doutes sur la pratique actuelle de la politique de neutralité de la Finlande; d’autre part, avec des grèves en chaîne dont les effets se sont fait sentir directement sur les délégations présentes à Helsinki. À ces circonstances s’ajoutait le souci de nombreuses délégations occidentales de ne pas laisser à Helsinki le monopole de la CSCE, ce qui aurait pu avoir pour effet d’ériger en modèle la neutralité finlandaise. Enfin, Vienne étant bloquée par les MBRF et Stockholm inacceptable pour les États-Unis, Genève était, en définitive, la seule alternative à Helsinki.
II. Bilan de la première phase
La CSCE s’est réunie à Helsinki du 3 au 7 juillet au niveau des ministres des Affaires étrangères des 34 pays ayant participé aux Consultations préliminaires avec Monaco en plus. Cette première phase fut une étape indispensable entre la pré-négociation des Consultations préliminaires d’Helsinki et la négociation proprement dite qui va s’ouvrir à Genève24. En effet, il s’agissait d’une part d’entériner le résultat des Consultations préliminaires, soit des Recommandations finales d’Helsinki, d’autre part d’ouvrir la voie à la seconde phase, en permettant aux ministres des Affaires étrangères de faire connaître les orientations générales de leurs gouvernements sur le contenu et le déroulement de cette deuxième phase25.
L’essentiel était que personne ne cherchât à mettre en question le consensus laborieusement acquis sur le document final des Consultations préliminaires. Personne ne l’a fait, ce qui permettra à chacun de rouvrir la discussion à Genève sur les points qui l’intéressent en particulier. Certaines délégations ont d’ailleurs déjà présenté des propositions écrites en vue de la deuxième phase. C’est ainsi que les pays du Pacte de Varsovie (sans la Roumanie) ont soumis un ensemble de textes26 qui recouvre d’une manière égale les quatre sections de l’ordre du jour et qui, du point de vue formel, se présente comme un simple agrandissement photographique du document final des Consultations préliminaires; sur le fond, les Soviétiques et leurs alliés ont cherché à regagner une partie du terrain perdu à Helsinki, en adoptant des positions qu’ils défendaient encore au début des Consultations. Ce repli tactique n’a rien de surprenant et correspond à leur conception générale statique de la CSCE. La réplique a été donnée à ces propositions par une série de textes27, émanant principalement des délégations britannique, française, italienne ainsi que de la RFA, qui se concentrent sur divers aspects concrets de la libre circulation des personnes et des informations: regroupement des familles, facilités pour les journalistes exerçant leur profession à l’étranger, création d’un magazine européen, etc… Bref, comme l’on pouvait s’y attendre, les prises de position lors de la première phase de la CSCE ont confirmé l’existence des deux conceptions divergentes de la détente qui se sont affrontées lors des Consultations préliminaires, et qui sans doute s’affronteront encore plus vigoureusement lors des négociations de Genève. Cette divergence porte non seulement sur la substance, mais aussi sur la forme que prendra le résultat final des travaux de la deuxième phase. Les uns, pays de l’Est en tête, souhaitent des recommandations et des déclarations d’intention générale sans aucun caractère contraignant. Les autres seraient prêts sans doute à aller un peu plus loin, encore que l’on ne sache guère jusqu’où.
III. Suite des opérations: attitude de la Suisse
La manière dont nous entendons aborder la deuxième phase de la CSCE a été exposée dans les grandes lignes dans le discours présenté par le Chef28 du Département à Helsinki (texte joint au présent rapport29). En substance, la négociation de Genève devra servir à approfondir et à concrétiser les possibilités offertes par l’ordre du jour approuvé à Helsinki. Il est clair que nous ne pouvons pas escompter des progrès substantiels dans tous les domaines envisagés, ne serait-ce que parce que l’ordre du jour de la CSCE couvre presque la totalité des aspects des relations entre États. Il s’agira donc à nos yeux de rechercher des résultats pratiques et immédiats, donc nécessairement modestes, dans certains domaines bien délimités et, pour le reste, de créer les bases susceptibles de faciliter le cas échéant la poursuite du dialogue au-delà de la Conférence. Il paraît raisonnable de vouloir attribuer à la CSCE des objectifs à la fois à court terme et à long terme, car, si l’on renonce d’avance aux premiers, on admet du même coup que la Conférence ne sert à rien de plus qu’à illustrer un climat de détente.
Maintenant que le principe de l’élaboration d’une méthode de règlement pacifique des différends a été retenu dans l’ordre du jour de la CSCE, notre délégation30 aura pour tâche de défendre une proposition spécifiquement suisse. À cet effet, le Département politique a préparé un projet31 de convention détaillé en 60 articles, qui a d’ores et déjà été distribué à tous les États participants, afin qu’ils aient le temps de l’examiner avant le 18 septembre et d’en commencer la discussion dès cette date. Nous veillerons également à ce que notre proposition soit examinée dans un groupe de travail ad hoc. Il n’y a aucun changement particulier à signaler quant aux chances de ce projet d’être bien accueilli. L’écho que lui ont rendu les discours32 des 34 ministres des Affaires étrangères à Helsinki a été un peu plus favorable que nous l’attendions: près des deux tiers d’entre eux y ont fait allusion, dont plusieurs dans des termes qui constituent un soutien vigoureux. Par ailleurs, les toutes premières impressions recueillies depuis la distribution du projet de convention semblent indiquer que nous avons eu raison de soumettre à l’avance un document fouillé et complet, assorti d’un commentaire, qui devrait inciter à un examen plus attentif et plus sérieux que ne l’aurait fait une simple esquisse de nos idées.
Ce projet sur le règlement pacifique des différends reste notre initiative majeure, à laquelle la délégation suisse devra se consacrer en priorité. Toutefois nous continuerons à suivre de très près comme l’a fait notre délégation à Helsinki durant les Consultations préliminaires, toutes les questions relatives aux contacts humains et à la diffusion des informations. Nous n’envisageons pas de soumettre des initiatives dans ces domaines dès l’ouverture de la seconde phase, mais nous nous réservons la possibilité de le faire au cours des négociations, et en tenant compte de ce qu’auront déjà fait d’autres pays plus directement intéressés. Il en va de même pour les autres domaines de la coopération: économique, culturelle, scientifique. Au cours du mois écoulé, le Département politique a organisé une série de consultations33 avec tous les services intéressés de l’Administration fédérale, afin de préciser les lignes directrices34 qui devront guider notre délégation sur les sujets les plus divers de l’ordre du jour et également pour déterminer dans quels domaines et sous quelle forme de nouvelles initiatives suisses pourraient être envisagées.
- 1
- Rapport: CH-BAR#E1050.12#1995/511#16* (1). Ce rapport a été distribué aux membres de la Commission des affaires étrangères du Conseil national et discuté en sa séance du 27 août 1973, cf. le procès-verbal de M. Moser et M.-L. Gachet du 19 septembre 1973, dodis.ch/38842, pp. 31–42. Pour la version du rapport du 18 juin 1973 adressée par le Département politique au Conseil fédéral, cf. le PVCF No 1063 du 25 juin 1973, dodis.ch/38843. À ladite séance, la Commission a notamment discuté de l’exposé de P. Graber du 10 août 1973, dodis.ch/40488 ainsi que des rapports de J. J. Vischer du 1er décembre 1972, dodis.ch/34577 et d’août 1973, dodis.ch/38897. La délégation à Helsinki se composait de S. F. Campiche (dirigeant), E. Brunner, B. Schenk, H. Renk et P. Friederich.↩
- 2
- Cf. le protocole de la séance du 17 février 1973 du groupe de travail «Historische Standortbestimmung», dodis.ch/34213.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 25, doc. 173, dodis.ch/34487.↩
- 4
- Sur le SALT et le MBFR, cf. DDS, vol. 25, doc. 92, dodis.ch/34573; doc. 155, dodis.ch/35513 et DDS, vol. 26, doc. 79, dodis.ch/38884.↩
- 5
- Sur les consultations préliminaires, cf. DDS, vol. 25, doc. 173, dodis.ch/34487, note 17.↩
- 6
- Annotation dans le texte original: dans cette enceinte.↩
- 7
- Recommandations finales des consulations de Helsinki du 8 juin 1973, CH-BAR#E2001E-01#1987/78#673* (B.72.09.15.1).↩
- 8
- Sur le SRPD, cf. DDS, vol. 25, doc. 173, dodis.ch/34487, en particulier note 15.↩
- 10
- Sur la position de la Division du commerce du Département de l’économie publique à l’égard du volet économique de la CSCE, cf. DDS, vol. 25, doc. 174, dodis.ch/34571, en particulier note 4 et la notice de R. Probst à R. Bindschedler du 15 juin 1973, dodis.ch/38845.↩
- 11
- Cf. note 9, chiffre 31.↩
- 12
- Cf. DDS, vol. 26, doc. 57, dodis.ch/38848, point II a).↩
- 13
- Cf. DDS, vol. 26, doc. 158, dodis.ch/38867.↩
- 14
- Cf. note 9, chiffre 21.↩
- 15
- Cf. DDS, vol. 25, doc. 173, dodis.ch/34487, point II b).↩
- 16
- Cf. les rapports de J. J. Vischer du 1er décembre 1972, dodis.ch/34577 et d’août 1973, dodis.ch/38897.↩
- 17
- Pour la politique du commerce Est- Ouest du Conseil fédéral, cf. DDS, vol. 25, doc. 176, dodis.ch/35755.↩
- 18
- Cf. le télégramme No 46 de l’Ambassade de Suisse à Helsinki au Département politique du 25 janvier 1973, CH-BAR#E2001E-01#1987/78#668* (B.72.09.15.1).↩
- 20
- Pour la première réunion du comité de rédaction, cf. les télégrammes Nos 106 et 110 de l’Am - bassade de Suisse à Helsinki des 9 et 13 mars 1973, ibid.↩
- 21
- E. Brunner, H. Liedermann et A. Edelstam.↩
- 22
- Cf. doss. comme note 20; CH-BAR#E2001E-01#1987/78#671* (B.72.09.15.1) et CH-BAR#E2001E-01#1987/78#672* (B.72.09.15.1).↩
- 23
- U. Kekkonen.↩
- 24
- Sur l’état des travaux pendant la deuxième phase de la CSCE à Genève, cf. DDS, vol. 26, doc. 57, dodis.ch/38848.↩
- 25
- Sur les pourparlers bilatéraux pendant la Conférence, cf. le procès-verbal de H. Renk du 13 juillet 1973, dodis.ch/38844.↩
- 26
- Proposition présentée par la délégation de l’URSS du 4 juillet 1973, doc. CSCE/I/3; proposition présentée par la délégation tchécoslovaque du 4 juillet 1973, doc. CSCE/I/5; proposition présentée par la délégation de la République démocratique allemande et de la République populaire hongroise du 5 juillet 1973, doc. CSCE/I/7 et proposition présentée par les délégations bulgare et polonaise du 5 juillet 1973, doc. CSCE/I/8, CH-BAR#E2814#1993/210#4* (1).↩
- 27
- Proposition présentée par la délégation de la République fédérale d’Allemagne du 4 juillet 1973, doc. CSCE/I/4; proposition présentée par la délégation danoise du 5 juillet 1973, doc. CSCE/I/6; propositions présentées par la délégation italienne du 5 juillet 1973, doc. CSCE/I/9–13; propositions présentées par la délégation britannique du 5 juillet 1973, doc. CSCE/I/14–18; proposition présentée par la délégation canadienne du 5 juillet 1973, CSCE/I/19 et propositions présentées par la délégation française du 5 juillet 1973, CSCE/I/23–26, ibid.↩
- 29
- Discours de P. Graber du 5 juillet 1973, dodis.ch/38846. Cf. aussi le procès-verbal de la Conférence des ambassadeurs du 29–31 août 1973, dodis.ch/35117, p. 38 ss. et l’exposé de S. F. Campiche du 30 août 1973, dodis.ch/35119.↩
- 30
- Sur la nomination de la délégation suisse pour la deuxième phase de la CSCE à Genève, cf. DDS, vol. 26, doc. 28, dodis.ch/38389, point 4.↩
- 31
- Projet de convention instituant un système européen de règlement pacifique des différends internationaux de juillet 1973, CH-BAR#E2001E-01#1987/78#674* (B.72.09.15.1).↩
- 32
- Pour un récapitulatif des principaux thèmes abordés par les Ministres des Affaires étrangères, cf. le tableau de P. Thévenaz du 25 juillet 1973, ibid.↩
- 33
- Cf. doss. CH-BAR#E2001E-01#1987/78#675* (B.72.09.15.1).↩
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