Betrachtungen zur internationalen Lage: russische Atombombe und amerikanische Reaktion, Verstärkung militärischer Vorbereitungen, Beziehungen zu Tito und Franco, Abwertung des Pfund Sterling, Rede Lippmanns in Zürich. Keine Ost-West-Entspannung.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 20
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2802#1967/78#200* | |
Old classification | CH-BAR E 2802(-)1967/78 5 | |
Dossier title | Politische Beziehungen (1947–1956) | |
File reference archive | D.1 |
dodis.ch/7702
Le Chef de la Division des Affaires politiques du Département politique, A. Zehnder, au Chef du Département politique, M. Petitpierre1
Depuis bientôt une année les résultats du travail de documentation et de recoupement politiques nous permettaient d’affirmer que Moscou n’envisage pas de guerre d’agression contre l’Europe occidentale ou les Etats-Unis dans un proche avenir. En revanche, la même conclusion quant aux intentions de Washington n’était guère possible. Tout au plus étais-je tenté d’invoquer l’impossibilité, pour un Etat démocratique, notamment les Etats-Unis, de commencer une guerre préventive sans avoir été provoqué très sérieusement.
Ces derniers temps notre attention a été attirée par certains événements aux Etats-Unis que même notre Légation à Washington n’arrivait pas à expliquer raisonnablement. Je pense à
1) la déclaration de Truman au sujet de la bombe atomique russe;
2) le conflit entre militaires, notamment entre l’aviation d’une part, et la marine et l’armée de l’autre;
3) la coquetterie officielle avec Tito et Franco;
4) le renforcement sensible de l’espionnage américain en Europe;
5) la dévaluation de la livre sterling sous forte pression américaine;
6) le renforcement considérable de la pression américaine aux fins d’alignement des économies européennes;
7) une certaine hâte de voir se réaliser la constitution d’organes de coordination dans le cadre des pactes de l’Atlantique, de Bruxelles, etc.
J’ai saisi l’occasion de la présence de M. Walter Lippmann en Suisse pour voir ce qu’il en pensait2. J’ai profité également de la présence à Berne de M. Dimitroff, Chef du gouvernement bulgare en exil, que j’ai consulté3. Voici les résultats:
Si jusqu’en septembre 1949 la politique américaine à l’égard de l’URSS ne suivait pas une ligne droite, elle s’est nettement alignée à partir de ce moment. Bien que la dévaluation de la livre anglaise en fasse partie, il faut considérer comme point de départ la déclaration de Truman sur la bombe atomique russe. C’est le début de la préparation de l’opinion publique américaine à l’éventualité d’un conflit armé prochain et d’une guerre préventive (Dimitroff). Une provocation sérieuse est désirable. Dans son récent discours Acheson a déclaré que Tito aurait «tout l’appui des Etats-Unis en cas de conflit avec l’URSS sauf l’entrée des Etats-Unis en guerre». Lippmann, dans son discours à Zurich, a dit que toute agression soviétique contre la Yougoslavie constituerait, pour les Etats-Unis, un «casus belli». Rendu attentif à cette contradiction, Lippmann m’a confirmé qu’il avait dit ce que Acheson ne pouvait pas encore proposer à l’opinion publique américaine. Le discours de Lippmann à Zurich a été fait à la demande de Acheson et les termes ont été convenus au préalable (Morrison, du New-York Herald).
Le conflit entre militaires est dû au fait que le Président Truman aurait décidé de consacrer tous les crédits disponibles à l’aviation et à la bombe atomique, d’où la nécessité de réduire l’importance et les effectifs des autres forces armées (Lippmann, Dimitroff). Cette mesure est en train d’être énergiquement réalisée. La preuve en est la décision du gouvernement américain de mettre hors service avec effet immédiat un nombre considérable de bâtiments de guerre, 78 si je ne me trompe pas. Le chef de la marine, un amiral, vient d’être congédié et remplacé par un vice-amiral, commandant de l’escadre américaine dans la Méditerranée orientale.
L’Amérique désirerait qu’un conflit fût provoqué, mais que ce conflit pût être liquidé en 10–15 jours moyennant la mise en action de grands effectifs aériens et des bombes atomiques. Si la tension entre Tito et les Russes ne provoquait pas ce conflit, les Américains essaieraient de mettre les Russes au pied du mur d’une autre manière (Dimitroff). Ils ouvriraient des négociations directes avec les Russes. Le but de ces négociations directes serait d’aboutir au retrait des forces armées russes au-delà des frontières occidentales soviétiques et à la renonciation à toute expansion et à toutes zones d’influence en Europe. Sinon c’est la guerre! Cette procédure présente, cependant, l’inconvénient majeur de passer outre les désirs et les craintes de la Grande-Bretagne et de la France qui ne sont pas précisément des partisans de la méthode brutale. Des éléments de cette nouvelle politique se trouvent affirmés tant dans le télégramme du State Department à M. le Ministre Vincent que dans les idées que Lippmann et Dimitroff se font des nécessités de l’heure.
Pour réaliser ce plan, les Américains ont besoin de bases militaires en Angleterre et dans le Proche-Orient. Ils doivent donc s’entendre avec les Anglais. Cette question a été un des thèmes de conversation de Washington au début de septembre dernier entre les Américains, les Canadiens et les Anglais. Les Anglais auraient consenti à mettre leur aviation à la disposition des Etats-Unis, à condition que ceux-ci leur dévoilassent le secret de la production en série du plus récent modèle de la bombe atomique. La dévaluation de la livre sterling et les achats massifs de matières premières de grande importance stratégique contre paiement en dollars constitueraient l’autre partie importante de cet accord (Dimitroff).
Le pacte de l’Atlantique doit entrer dans le stade de réalisation aussi vite que possible. Les Américains ne s’intéressent qu’au commandement supérieur des forces aériennes. Ils désirent que ce commandement leur soit confié. L’organisation doit être mise sur pied de façon à pouvoir être actionnée dès le printemps 1950 (Dimitroff).
Si cette thèse est juste, nous assisterons cet automne et cet hiver à une série de mesures préparatoires et à une campagne de mobilisation de l’opinion publique américaine.
Quel que soit le degré de méfiance que j’oppose à cette nouvelle théorie, il y a des faits qui la confirment et qui me frappent. Par ailleurs, Dimitroff m’a donné quelques preuves de l’efficacité de ses sources de renseignements, notamment le plan des bureaux de notre Légation à Sofia, la disposition intérieure des coffres-forts, leur contenu, y compris les chiffres, plusieurs télégrammes déchiffrés de Jenner, Feisst et Ganz etc.
La conclusion que nous pourrions tirer de cet état de choses est qu’il n’est pas permis de parler de détente dans les relations est-ouest, mais qu’il faut bien relever une tension accrue et même un danger de guerre plus accentué que jusqu’à présent.
- 1
- (Copie): E 2802(-)1967/78/5. Paraphe: CR.↩
- 2
- Sur le séjour de W. Lippmann en Suisse, cf. E 2001(E)1970/217/31.↩
- 3
- Sur la présence de G. Dimitrov en Suisse, cf. E 2001(E)1969/121/153.↩
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