Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
1. Allemagne
1.2. Relations financières
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 289
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#3614* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 147 | |
Dossier title | Verhandlungen u. Erörterungen betr. ein Kreditabkommen zwischen deutschen Schuldnern u. deren Gläubigern, Transfermoratorium I, II (1932–1933) | |
File reference archive | C.42.45.a • Additional component: Deutschland |
dodis.ch/45831
Echange de vues entre la délégation suisse à la Conférence de Londres
et les représentants des intérêts financiers suisses aux négociations relatives au moratoire allemand
Présidence: M. Stucki.
Sont présents: de la délégation suisse3: MM. Bachmann, Sarasin, Laur, Wetter, Bindschedler.
Des représentants financiers: MM. Jaberg4, Jöhr5, Meyer6, Vischer7, Bär8, König9, Stein10.
M. Stucki: [...]
Les représentants suisses aux négociations connaissent l’opinion du Conseil fédéral en matière de moratoire des transferts11. Le Conseil fédéral espère que l’Allemagne satisfaira aux intérêts de toutes les catégories de créances suisses; dans ce cas, il n’aurait pas à prendre des mesures spéciales. Par contre, si les intérêts des créanciers suisses ou d’un groupe de créanciers suisses étaient lésés, le Conseil fédéral envisagerait si et dans quelle mesure il y aurait lieu de mettre la politique commerciale au service de la politique financière pour la défense de ces intérêts. Le déficit élevé de notre balance commerciale à l’égard de l’Allemagne nous confère une forte position. En 1932, ce déficit était de 390 millions de francs. Ce solde en faveur de l’Allemagne est loin d’être absorbé par les prestations de ce pays pour assurer le service de ses engagements financiers envers la Suisse, service qui exige quelque 150 millions de francs, et par les dépenses des touristes allemands, qui s’élèvent à quelque 40 millions de francs. Le solde passif de notre balance des paiements avec l’Allemagne est de l’ordre de 200 millions de francs. Il va sans dire que ces chiffres reposent sur des estimations parfois assez grossières. Dans les cinq premiers mois de 1933, la balance commerciale vis-à-vis de l’Allemagne a laissé un solde proportionnellement moins fort qu’en 1932. Mais, d’autre part, de l’aveu même des négociateurs allemands, les touristes allemands ont moins dépensé en Suisse cette année que l’an dernier. Le solde net en faveur de l’Allemagne a donc diminué, mais il reste cependant très élevé; la Suisse continue ainsi à fournir à l’Allemagne un gros contingent de devises pour l’achat de ses matières premières sur les marchés étrangers et pour le service de ses engagements financiers envers les autres pays créanciers.
Cette situation confère à la Suisse une position spéciale. L’Allemagne paraît le comprendre, mais fait valoir les difficultés d’une réglementation différentielle de ces questions.
M. le Président Schulthess a fait part aujourd’hui, par téléphone, de la nervosité grandissante en Suisse au sujet du moratoire allemand et de la défense des intérêts suisses. Les requêtes succèdent aux requêtes, et divers milieux dénient aux représentants de la finance la compétence ou le droit de s’engager à Londres dans des accords qui prétériteraient les droits de l’un ou l’autre des groupes de créanciers. Les petites caisses d’épargne et diverses sociétés de forces motrices laissent entrevoir qu’elles provoqueront des interpellations aux Chambres fédérales.
M. Stuckifait remarquer que dans les négociations avec l’Allemagne, il faut bien distinguer entre les négociations relatives à la prorogation des crédits bancaires (Stillhalte) et les négociations relatives aux créances à long terme.
En ce qui concerne les premières de ces créances, le Conseil fédéral peut se désintéresser de leur sort si les groupes intéressés arrivent à un accord avec les Allemands. Pour ce qui est des créances à long terme, le problème se pose tout à fait différemment étant donné la différence profonde de nature des créances elles-mêmes et surtout leur répartition sur un très grand nombre d’intéressés. M. Stucki se demande si les négociateurs présents à Londres peuvent se considérer comme étant les représentants des intérêts de tous les groupes de créanciers suisses. M. Stucki n’a pas de mandat spécial pour se prononcer dans ce domaine, la défense des intérêts financiers suisses ayant été soumise, jusqu’ici au Département politique, au Département des finances et à la Banque nationale. La délégation suisse à la Conférence de Londres ne peut pourtant se désintéresser des négociations avec l’Allemagne et doit avoir un contact avec les représentants financiers à ces négociations. La délégation suisse ne peut toutefois qu’observer une attitude d’attente. Elle est l’organe naturel par lequel les représentants financiers peuvent établir le contact avec le Gouvernement.
On peut se demander quelle sera la meilleure tactique à suivre par les délégués financiers. Une action commune avec d’autres Etats ne paraît guère possible. La Grande-Bretagne et la France par exemple ne défendront pas les mêmes intérêts que la Suisse. Nos alliés naturels devraient être les Pays-Bas, mais on peut se demander si les représentants de ce pays défendront jusqu’au bout les mêmes intérêts que les nôtres. Les représentants suisses ne doivent pas craindre de rester isolés, si cela devient nécessaire, car le Gouvernement est décidé à défendre les intérêts financiers du pays. M. le Président Schulthess considère cette question comme plus importante que la Conférence de Londres elle-même. Si les négociations n’aboutissent pas à un résultat satisfaisant pour la Suisse, il faudra recourir à des négociations officielles et M. Stucki a expressément réservé vis-à-vis de l’Allemagne la liberté d’action du Gouvernement suisse, qui n’est nullement engagé par les négociations suisses. [...]
M. Jöhrexprime la reconnaissance des représentants financiers à M. le Président Schulthess pour l’attitude prise par le Gouvernement fédéral dans cette question de moratoire12. Il est heureux que le Gouvernement se soit fait autoriser à prendre des mesures unilatérales de paiement par un clearing dans les relations communes avec d’autres pays. Cette possibilité offre des perspectives intéressantes précisément dans le cas du moratoire allemand. Il renforce la position des négociations suisses.
M. Stucki a parlé d’une certaine nervosité dans les milieux fédéraux par suite de nombreuses requêtes relatives à la représentation des intérêts suisses aux négociations de Londres. M. Stucki nous a fait part également des doutes concernant la valeur du mandat des négociateurs. Ces doutes ne visent naturellement que la représentation des créances à long terme.
L’orateur relève le fait que, depuis quinze ans, le Comité Allemagne de l’Association des banquiers a toujours pris en mains les intérêts des créanciers suisses à long terme et les a, dès lors, toujours défendus à l’entière satisfaction de ces créanciers. Au moment de la conférence de Berlin13, ce printemps, la Banque nationale a désiré prendre part aux travaux et le Comité Allemagne en a été très heureux. Il s’est d’ailleurs complété en s’adjoignant deux délégués de chacune des Bourses de Zurich, de Bâle et de Genève. Des représentants des groupes créanciers hypothécaires et des sociétés d’assurances ont été accueillis dans le Comité élargi.
Le Comité Allemagne de l’Association des banquiers a toujours été l’organe de défense des intérêts suisses à long terme et a toujours traité à ce titre non seulement avec le Département politique, mais aussi avec la Banque nationale. Le Comité Allemagne défend les intérêts de tous les groupes de créanciers à long terme et sa compétence pour le faire n’aurait pas été mise en doute, si la maison Schoop-Reiff14 n’avait lancé une circulaire semant la méfiance contre l’Association des banquiers et le Comité Allemagne, en cherchant à éveiller l’impression que ce Comité subirait l’influence des grandes banques. M. Jöhr tient à faire remarquer que les grandes banques sont en minorité au sein de l’Association des banquiers et qu’elles n’ont qu’un tiers des voix dans les organes directeurs de cette association, un autre tiers étant réservé aux banques cantonales et aux banques locales, et le reste aux banquiers privés. Indépendamment de cela, les grandes banques ont un intérêt majeur à défendre les intérêts des créanciers à long terme, ne serait-ce déjà qu’en considération de forts montants de titres qu’elles ont placés dans le public. La circulaire de la maison Schoop-Reiff est une basse calomnie contre l’Association des banquiers15. [...]
M. Bindschedlera entretenu hier M. Stucki, en présence de M. Laur, des progrès réalisés dans les négociations relatives aux accords de Stillhalte. Ces négociations prendront fin probablement demain.
Les banques suisses ont consenti des sacrifices sur les taux d’intérêt et ces sacrifices sont définitifs, car en dehors des intérêts dont le transfert sera permis, il ne sera versé aucun autre intérêt dans une caisse commune. Ce sacrifice de x h % doit permettre un traitement plus favorable des créances à long terme.[...]
En ce qui concerne les crédits à long terme, il s’agit de déterminer la tactique à suivre. L’orateur est d’avis que les représentants de la Suisse devront exiger le paiement complet des intérêts sur toutes les catégories de ces créances. Une coopération étroite est nécessaire avec les autorités, car, en dernière fin, il appartiendra au Gouvernement de décider si l’accord à réaliser est acceptable ou non.
Pour la première journée des négociations, les représentants suisses se borneront à prendre connaissance des propositions allemandes et ils feront valoir le principe du paiement intégral des intérêts sur toutes les créances et du transfert du plus haut montant possible de ces intérêts. Le solde devra être versé à la caisse commune.
Les représentants tiendront M. Stucki au courant des négociations. [...]
M. Bachmannvoudrait attirer l’attention sur une question de droit. La Maison Schoop-Reiff est en possession d’un mandat des porteurs suisses, alors que ce n’est pas le cas du Comité Allemagne. L’orateur pense que si le Comité Allemagne est reconnu par les pouvoirs publics, une action dans le genre de celle de la maison Schoop-Reiff ne peut prendre une grande extension. Il constate ensuite que dès le moment où les intérêts de tous les groupes de créanciers par le Comité Allemagne sont représentés [sic], la Banque nationale n’a pas à intervenir; elle se bornera à son rôle habituel de conseillère du Département politique, en ce sens qu’elle donnera son avis à ce Département au sujet de propositions du Comité Allemagne. [...]
M. Stuckia été l’un des premiers à souhaiter une liaison plus étroite entre la politique commerciale et la politique financière qui doivent être conduites parallèlement. Il est heureux de la voir se réaliser en principe, mais il convient de ne pas pousser jusque dans les détails. Il n’appartient pas au Chef de la Division du commerce de trancher la question de savoir si le Comité Allemagne est l’instance toute désignée pour défendre des intérêts de tous les créanciers suisses à long terme. Les questions de ce genre dépendent d’autres instances fédérales16.
Il résume la situation comme suit: La Délégation suisse à la Conférence de Londres fera son rapport à Berne. Elle communiquera qu’un accord est en voie de réalisation pour ce qui concerne les créances de Stillhalte, que cet accord n’est pas en tous points satisfaisant, mais que les intéressés l’approuvent. Elle fera part aussi de ce que les négociations pour les créances à long terme commenceront demain et que les représentants des créanciers ne s’engageront pas sans en référer au préalable aux autorités fédérales par le canal de la délégation suisse à Londres. L’orateur insiste sur le fait que ces communications seront faites à M. le Conseiller fédéral Schulthess, non en sa qualité de Chef du Département de l’économie publique, mais en sa qualité de Président de la Confédération.
La situation ne s’éclaircira guère avant lundi ou mardi. Les résultats des négociations préliminaires seront soumis au Conseil fédéral, qui pourra décider si elles sont acceptables ou non. Si ces résultats ne sont pas acceptables, le Conseil fédéral avisera. M. Stucki a réservé expressément la liberté d’action de notre Gouvernement vis-à-vis de l’Allemagne. [...]
M. Jöhrfait remarquer que Schacht désire régler le sort des créances par voie bilatérale ou multilatérale et non sur la base de décisions prises par l’Allemagne seulement. La Suisse ne pourrait accepter les versements dans une caisse commune de conversion, si l’Allemagne le décidait en application du moratoire. Il est essentiel que cette caisse commune de conversion et la Reichsbank s’engagent à verser en devises un montant de 4 à 5% de l’ensemble des créances; seul le solde est acceptable sous forme d’un versement à la caisse de conversion.
Un point très important est aussi celui du remboursement de créances échues. Il importe que ce remboursement ne puisse être fait à la caisse de conversion sans l’agrément exprès du créancier, car ce remboursement signifie la conversion d’une créance en francs en une créance en reichsmarks. Ce qu’il faut donc atteindre est une prorogation des créances échues.
En résumé, notre but ultime est d’obtenir le plus grand paiement possible en francs suisses. Alors que dans les négociations sur les crédits de Stillhalte l’intérêt au taux réduit sera entièrement transféré en francs ou en devises, on envisage dans les négociations sur les crédits à long terme de ne pas modifier les taux contractuels et d’exiger le paiement de la plus grande partie possible des intérêts en francs et de consentir au versement du solde dans la caisse commune de conversion.
[...]
- 1
- Non signé.↩
- 2
- E 2001 (C) 3/147.↩
- 4
- Directeur de l’Union de Banques suisses.↩
- 5
- Directeur général du Crédit suisse.↩
- 6
- Peut-être F. Meyer, membre du Conseil d Administration de la Lebensversicherung et Rentenanstalt de Zurich.↩
- 7
- Secrétaire de l’Association suisse des banquiers.↩
- 10
- De La Bâloise, Société d’assurance sur la vie.↩
- 11
- Décrété par la loi du 9 juin, il devait entrer en vigueur le 1er juillet 1933. Cf. no 286, n. 6. L’opinion du Conseil fédéral avait été exprimée par Schulthess devant le Conseil des Etats, lors de la séance du 9 juin. Schulthess était intervenu à cette occasion pour recommander l’adoption de la déclaration préparée par la Commission des douanes après l’annonce du moratoire allemand des transferts. Voici le texte de cette déclaration, acceptée par le Conseil des Etats: Nach Art. 4 des Bundesbeschlusses vom 23. Dezember 1931 1RO 1931, vol. 47, pp. 799-8001 über die Beschränkung der Einfuhr ist der Bundesrat ermächtigt, gegenüber Staaten, die den freien Zahlungsverkehr einschränken, die schweizerischen Interessen auch durch den Abschluss kurzfristiger Abkommen zu wahren. Es hat sich nun die Frage gestellt, ob der Bundesrat gegenüber solchen Staaten, die zwar den freien Zahlungsverkehr beschränken, aber sich weigern, durch Abschluss kurzfristiger Abkommen den schweizerischen Interessen Rechnung zu tragen, die nötigen Massnahmen zu deren Schutz treffen kann. Die Zollkommissionen stehen auf dem Standpunkt, dass diese Frage zu bejahen ist und der Bundesrat gestützt auf Art. 4 des erwähnten Bundesbeschlusses die Ermächtigung besitzt, in solchen Fällen nicht nur durch Beschränkung der Wareneinfuhr, sondern auch durch jede andere geeignete wirtschaftliche oder finanzpolitische Massnahme, insbesondere durch Beschränkung des Zahlungsverkehrs nach solchen Ländern, die schweizerischen Interessen zu vertreten. Sie beantra gen den Räten, von dieser Interpretation in zustimmendem Sinne Kenntnis zu nehmen (E 1001 (D) d 1/220). Cf. PVCF u 9 juin (E 1004 1/340).↩
- 12
- Cf. n. 10 ci-dessus.↩
- 13
- Cf. nos 271 et 283.↩
- 14
- Cf. no 283, n. 15. Le texte de la circulaire diffusée par cette banque se trouve in E 2001 (C) 3/147.↩
- 16
- Lors de sa séance du 19 juin suivant, le Conseil fédéral, prenant en considération les critiques adressées à l’égard du comité financier suisse à Londres, décide en principe: d’élargir le comité financier pour y assurer la représentation des créances à long terme et, le cas échéant, de donner à ce comité un caractère officieux en y déléguant une personnalité autorisée.[...] (E 1004 1/340).↩
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