Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 281
volume linkBern 1982
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7800-03#1000/1119#275* | |
Old classification | CH-BAR E 7800-03(-)1000/119 153b | |
Dossier title | Conférence monétaire et économique à Londres: Correspondence (1933–1933) | |
File reference archive | 14 |
dodis.ch/45823
Président: M. Schulthess, Président de la Confédération. Présents: MM. Motta et Musy, Conseillers fédéraux. MM. Bachmann Dr, Banque Nationale, Zurich; Bindschedler Dr, Crédit suisse, Zurich; Hornberger Dr, Vorort de l’Union suisse du commerce et de l’industrie, Zurich; Jaberg, Union de Banques suisses, Zurich; Laur Dr, Union suisse des paysans, Brougg; Sarasin Dr, Banque Nationale, Bâle; Stucki, Directeur de la Division fédérale du commerce, Berne; Wetter Dr, Vice-président de l’Union suisse du commerce et de l’industrie, Zurich; Rossy, Banque Nationale, Berne; Parodi, Division fédérale du commerce, Berne.
M. le Président: remercie MM. Motta et Musy et les délégués présents d’être venus. Il s’agit de fixer, au cours de cette séance, les instructions devant être données par le Conseil fédéral à la délégation suisse. Il donne lecture de la liste des délégués, suppléants et experts2.
M. Dapples3 s’est excusé de ne pouvoir assister à cette réunion et M. Porchet4 s’est vu dans l’obligation de renoncer à son mandat. Il ne sera pas remplacé.
M. Stuckia préparé pour le Conseil fédéral un projet d’instructions pour la délégation suisse. Il ne lira que les conclusions de ce projet. Il s’est basé pour le rédiger sur les délibérations des deux précédentes conférences préparatoires5. M. Stucki examinera les uns après les autres les différents points de ce projet:
I. Trêve douanière.
La Suisse devra donner son adhésion au projet de trêve douanière6, sans soumettre celle-ci à des réserves. Elle devra déclarer, par contre, qu’elle désire bénéficier des réserves faites par les autres Etats et qu’elle ne se considère comme liée par sa signature que pour aussi longtemps que sa propre situation n’empirera pas par suite de nouvelles mesures prises par les autres puissances.
M. le Président déclare qu’il est préférable de discuter les différents points les uns après les autres. La discussion est ouverte.
M. Wetterest d’accord avec les conclusions présentées par M. Stucki.
M. Laurpropose que l’acceptation de la Suisse au projet de trêve douanière soit soumise à une réserve pour ce qui concerne les mesures que nous devrions éventuellement prendre à l’égard de l’Allemagne.
M. le Président annonce que l’Allemagne déclarera probablement le moratoire des transferts la semaine prochaine7. Cette mesure n’a rien à voir avec l’acceptation de la trêve douanière par la Suisse. Notre pays pourra toujours prendre les mesures qui s’imposent si sa situation venait à empirer par suite de décisions prises par d’autres pays. Le texte de la déclaration d’adhésion de la Suisse à la trêve douanière nous réserve cette possibilité.
M. Stucki. Il ressort du procès-verbal de la réunion du Comité d’organisation tenue à Londres8
que l’Allemagne a aussi soumis son adhésion à des réserves dans le domaine monétaire. Comme nous bénéficierons des réserves faites par les autres Etats, nous pourrons toujours prendre en tout temps les mesures nécessaires lorsque nos intérêts seront en danger.
M. le Président demande si tout le monde est d’accord avec le texte présenté par M. Stucki. Personne ne demandant plus la parole, ce texte est considéré comme accepté.
M. Stuckipasse à l’examen du deuxième point de son projet d’instructions:
II. Attitude que la Suisse devra observer, en général,
à la Conférence.
a) La Suisse est opposée à l’idée de l’autarcie; elle reconnaît la nécessité de parvenir à la plus grande liberté possible dans le domaine du trafic des capitaux et des marchandises. Elle sera très heureuse d’examiner toutes les propositions qui seraient réellement propres à réaliser ce but.
b) La Suisse est d’avis qu’il faut d’abord résoudre les questions monétaires et financières avant de pouvoir procéder avec succès à une diminution des obstacles à la liberté du commerce. Elle ne peut en aucun cas accepter qu’on exige d’elle une réduction des mesures extraordinaires de protection qu’elle a dû prendre dans le domaine de la politique commerciale9, tant que les questions financières et monétaires, dont l’action se fait si fortement sentir sur son industrie d’exportation et ses intérêts financiers, n’auront pas été réglées, pour le moins simultanément.
c) La Suisse ne peut pas concevoir que la méthode plurilatérale, dont on envisage l’application, soit apte à procurer des solutions satisfaisantes à beaucoup des questions inscrites à l’ordre du jour. Elle estime qu’il serait beaucoup plus indiqué de chercher à régler la plupart de ces questions au moyen de la méthode bilatérale. C’est seulement après ce travail bilatéral minutieux et pénible que l’on pourra peutêtre couronner l’ensemble par une construction plurilatérale. La Conférence pourrait entamer de telles négociations bilatérales, avec certaines chances de succès, sur une base générale et selon certaines directives communes. La Suisse reconnaît, néanmoins, la nécessité d’employer la méthode plurilatérale pour résoudre certains problèmes spéciaux.
M. Musy entre en séance et M. le Président prie M. Stucki de relire les considérations qui précèdent.
M. le Président dit que la Suisse devrait aussi déclarer que l’assainissement de la situation économique du monde dépend du règlement des questions politiques.
M. le Dr Laurest en général d’accord avec ce qui a été dit au sujet de la plus grande liberté possible à obtenir dans le domaine des échanges de capitaux et de marchandises. Il trouve néanmoins que les moyens dont on veut faire usage pour réaliser cette liberté sont un peu trop aventurés de l’avis de l’agriculture. M. le Dr Laur estime que la délégation suisse est composée de telle manière que les milieux qui ont le plus d’intérêt à la réalisation d’une entente internationale sont plus fortement représentés que les autres. Cela pourra provoquer certaines divergences d’opinions au sein de la délégation suisse. A son avis, il faudrait observer en général une attitude plus réservée à la Conférence de Londres; nous voulons simplement retourner à la politique économique pratique d’avant la guerre. La Suisse ne devrait accepter une diminution des mesures de protection commerciale qu’elle a prises qu’en ce qui concerne celles qu’elle a été obligée de prendre depuis la guerre. M. le Dr Laur propose de changer le projet d’instructions présenté par M. Stucki dans le sens qu’il vient d’indiquer.
M. Wetterestime que tout est relatif dans ce domaine. Même la résolution en faveur de la plus grande liberté possible du commerce, dont il vient d’être question. Tout le monde serait enchanté si l’on pouvait retourner aux conditions économiques d’avant-guerre; les nations désirent donc que l’on sorte du régime autarcique actuel. Tous les délégués sont sans doute d’avis que la liberté des échanges dont on a parlé ne peut être que relative.
M. Stuckipense que les craintes exprimées par M. Laur ne sont pas justifiées. Ce qu’il a dit de la liberté du commerce ne signifie pas qu’il est partisan du libreéchange. Il est en faveur de la plus grande liberté possible dans le domaine des échanges ainsi qu’il l’a déjà déclaré à la Conférence économique de 192710. Il croit que l’expression: plus grande liberté possible du commerce, ne peut être interprétée par personne comme signifiant que l’on devra conclure des accords vétérinaires par exemple.
M. le Président. L’autarcie est impraticable aujourd’hui et il n’y a pas de doute qu’il faille libérer le commerce de ses entraves. Il discutera ultérieurement avec M. Stucki pour établir la forme rédactionnelle à donner à ce projet d’instruction à la délégation suisse11.
M. Bachmannpropose encore de dire dans ce projet d’instruction, qu’il faut d’abord obtenir le règlement des questions monétaires et ensuite celui des questions financières.
M. le Président déclare qu’on doit d’abord stabiliser les monnaies et régler ensuite la question des dettes.
M. Sarasinne croit pas qu’il faille séparer dans le projet d’instructions les questions monétaires des questions financières. Il voudrait que l’on conservât la rédaction précédemment proposée: «La Suisse est d’avis qu’il faut d’abord résoudre les questions monétaires et financières...». Il est d’ailleurs clair qu’il faudrait résoudre séparément les problèmes monétaires et les problèmes financiers.
M. Stuckidéclare qu’il n’a parlé ici du règlement des problèmes monétaires et financiers qu’en rapport avec celui des questions économiques. Ces problèmes monétaires et financiers seront examinés ultérieurement dans une autre partie des instructions à la délégation.
Il passe ensuite à l’examen du troisième point de son projet d’instructions.
III. Questions générales et conditions sur lesquelles la Suisse
ne peut exercer aucune action directe.
La délégation suisse est rendue attentive au fait que les conditions préalables suivantes doivent être réalisées pour que la Conférence aboutisse à des résultats:
a) retour de la confiance dans le domaine politique en général,
b) règlement définitif des dettes politiques internationales,
c) résultats positifs de la Conférence du désarmement,
d) retour de l’Angleterre et des Etats-Unis à la stabilité monétaire sur la base de rétalon-or.
La Suisse ne peut rien faire pour hâter le règlement de ces questions; elle serait néanmoins très heureuse si elles étaient résolues dans un avenir prochain.
M. Motta. On ignorait encore lors de la dernière séance ce qui allait se passer à la Conférence du désarmement. On sait maintenant que celle-ci reprendra ses travaux au début de juillet. La discussion générale sera probablement terminée à la Conférence de Londres à ce moment. M. Henderson12 croit qu’en recommençant au début de juillet ces négociations, il arrivera à établir une convention sur le désarmement au moment de la réunion de l’Assemblée de la Société des Nations. C’est un espoir qui ne sera probablement pas réalisé. M. Motta lit ensuite un article du Journal de Genève résumant un discours de M. Chamberlain à la Chambre des communes, dans lequel celui-ci a, notamment examiné la question de Pétalon-or.
M. Musy. En ce qui concerne ces questions générales la Suisse ne peut entraîner les autres pays dans son sillage. Il faut que l’Angleterre et l’Amérique arrivent enfin à s’entendre sur la question monétaire. La responsabilité de la reconstruction économique du monde repose sur eux. On espérait que la Conférence du désarmement aboutirait à un résultat avant que la Conférence de Londres ne se réunisse; on est encore loin d’un tel aboutissement. La question des dettes internationales n’a pas non plus encore été réglée et c’est un facteur énorme du rétablissement de la confiance, qui agit si activement sur les bourses. Il faudrait déclarer brutalement que si nous ne sortons pas de la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous ne resterons pas au niveau actuel, mais continuerons à descendre toujours plus bas pour aboutir finalement à la débâcle. -
La trêve douanière ne propose en somme que la cristallisation du niveau actuel mais ce niveau est intenable et il est exclus de le conserver. Il ne faut pas accepter le projet de trêve douanière avant que les Anglais et les Américains ne se soient engagés à fixer un cours stable à leur devise. Tout le monde est d’accord pour conserver Pétalon-or, mais les Anglais ont toujours dit qu’il y avait tout un chemin à parcourir dans le domaine économique avant qu’ils puissent y revenir. Ils ne veulent pas rétablir l’étalon-or avant qu’on ait résolu certains problèmes d’ordre économique. Cette méthode soulève beaucoup de difficultés. Il faut que les Anglais et les Américains cessent de faire peser sur le monde l’insécurité causée par l’instabilité de leurs monnaies. Lorsque ceci aura été obtenu, un grand progrès sera réalisé. M. Musy annonce qu’il a parlé hier soir avec M. Avenol13. Celui-ci a dit que, selon une déclaration du Ministre français des finances14, la France conserverait la parité actuelle du franc et non pas seulement l’étalon-or. La Belgique en fera sûrement autant, bien qu’elle traverse une période assez dangereuse. Il serait utile, qu’avant l’ouverture de la Conférence de Londres, les pays qui ont gardé pratiquement l’étalon-or et sont donc solidaires, s’entendent entre eux. Les Gouverneurs des banques d’émission seraient les organes par l’intermédiaire desques on pourrait arriver à réaliser cette entente. Le Conseil de la Banque des règlements internationaux tient une séance demain, et M. Bachmann pourrait commencer à discuter de cette entente avec les Gouverneurs des banques centrales des autres pays15.
M. le Président. La Suisse devrait faire une déclaration dans le sens indiqué par M. Musy, mais elle ne peut pas toutefois se mêler de la politique intérieure anglaise et américaine. Elle peut uniquement dire: si telle question est résolue, alors on pourra régler tel autre problème. Le règlement des dettes politiques s’impose.
M. Stucki lit encore les commentaires qui accompagnent son projet d’instructions à la délégation. Personne ne demandant plus la parole, il passe à l’examen du quatrième point de ce projet:
IV. Question de l’étalon-or.
Le rapport de la Banque nationale suisse, daté du 10 mai 193316,
contient les instructions à donner à la délégation suisse à cet égard.
La Suisse se prononce contre le système du bimétallisme.
Les conclusions du rapport précité ont été lues lors de la première conférence préparatoire des associations économiques17.
M. Bachmannestime qu’il faudrait faire ressortir plus clairement que le retour de la confiance dépend du règlement des dettes internationales. Dès que ce règlement sera obtenu, la confiance renaîtra. Il faudrait compléter dans ce sens le point III, alinéa a, du projet d’instructions.
En ce qui concerne l’étalon-or, il faudrait déclarer que la Suisse estime que l’Angleterre et l’Amérique peuvent stabiliser, indépendamment du règlement des autres questions. La situation financière de l’Angleterre et de l’Amérique est telle que ces deux pays peuvent stabiliser avant que les autres problèmes ne soient résolus. M. Rist18 est aussi d’accord avec cette manière de voir.
M. le Président. Il faut stabiliser les monnaies; le monde attend cette stabilisation pour avoir de nouveau confiance. La Suisse ne peut entraîner les autres pays dans son sillage, mais il lui est possible de placer l’Angleterre et l’Amérique devant leurs responsabilités.
M. Musy. Au moment où l’Angleterre a abandonné l’étal on-or19 elle ne pouvait faire autrement. La situation a changé depuis lors et ce pays pourrait rétablir maintenant l’étalon-or pratique. Les Américains n’avaient aucune raison d’ordre monétaire d’abandonner l’étalon-or pratique; ils n’ont pris cette mesure que pour des raisons d’ordre économique. On ne peut pas admettre que les Etats-Unis bouleversent le régime économique du monde entier pour des raisons de cet ordre. L’Amérique en a pris à son aise avec les intérêts du monde; elle a abandonné Pétalon-or pour montrer aux Anglais qu’elle aussi pouvait prendre une telle mesure. C’est un point capital sur lequel la délégation suisse devra insister.
M. Mottalit encore une phrase du discours de M. Chamberlain à la Chambre des Communes dans lequel celui-ci déclare qu’il ne sera pas facile de ramener à l’étalonor l’Angleterre et l’Amérique. Il dit: «Nous regrettons l’état de guerre économique qui s’est élevé entre nous et les autres pays. Nous devons le maintenir aussi longtemps que les autres pays ne répareront pas le mal qu’ils nous ont causé».
M. Stuckia intentionnellement évité de dire que l’Angleterre et l’Amérique pouvaient stabiliser leurs devises. C’est la Banque des Règlements Internationaux qui a seule l’autorité suffisante pour dire à un pays qu’il pourrait stabiliser s’il le voulait bien. La Suisse ne peut faire une telle déclaration.
M. Jabergest d’accord avec cette manière de voir. Il semble que l’Amérique veuille adopter le système du bimétallisme. Il ne peut en être question pour la Suisse.
La discussion étant close sur ce point, M. Stucki passe à l’examen du cinquième point de son projet d’instructions à la délégation suisse.
V. Question du règlement des dettes.
La Suisse s’opposera à tout règlement général et schématique de la question des dettes privées internationales. Elle reconnaît la nécessité de régler cette question, mais elle se réserve de chercher avec chacun de ses débiteurs un moyen de règlement adapté aux circonstances. Elle accepte en principe l’idée de l'amortissement des dettes à l’aide de prestations en marchandises ou en services et elle est prête à recevoir des marchandises des Etats débiteurs dans l’intérêt de ses créances, mais non pas de celles des autres Etats créanciers.
Personne ne demande la parole sur ce point, - M. Stucki passe alors à l’examen de la question20 d’une participation de la Suisse à un fonds de stabilisation monétaire:
Au cas où l’on ferait appel à la collaboration des capitaux suisses afin de stabiliser des monnaies étrangères, ou dans n’importe quel autre but, la délégation suisse devrait consulter tout d’abord les représentants de la finance privée et, le cas échéant, présenter un rapport et une proposition au Conseil fédéral.
M. Bachmanndemande si on veut déjà, de prime abord, renoncer à ce que l’Etat participe à un fonds de stabilisation monétaire. Il est d’avis qu’il faudrait déclarer que l’Etat ne pourra fournir une aide financière au cas où un tel fonds serait constitué.
M. Stuckidit que la participation de l’Etat n’est pas exclue dans son projet d’instruction, mais elle est très improbable.
M. Bachmann. Ce sont les banques nationales des différents pays et la B.R.I. qui pourraient participer à un tel fonds.
M. Musydésire atténuer la déclaration de M. Stucki. Lors de la réunion du Comité d’experts21, c’était Francqui22 qui avait soutenu un projet de fonds de normalisation monétaire. Son idée était d’intéresser surtout les Etats à la création d’un tel fonds. L’Italie avait alors déclaré qu’elle s’intéresserait à cette création. Il ne servirait à rien de créer un fonds de stabilisation monétaire avant que l’on n’ait mis un peu d’ordre dans le domaine monétaire. Il faut des garanties avant d’envisager des réalisations pratiques. Il est nécessaire, avant tout, que l’Angleterre et l’Amérique arrivent à une entente. Nous sommes en état de guerre économique et M. Musy ne pense pas qu’on pourra conclure bientôt la paix. Il faudrait au moins arriver à réaliser un armistice.
Aucun paiement en or à un fonds monétaire ne peut entrer en ligne de compte pour notre pays.
M. le Président. Personne ne demandant plus la parole, ces instructions peuvent être considérées comme adoptées.
M. Stuckiexamine maintenant la question des prix:
VII. Question des prix.
La délégation suisse ne se contentera pas seulement de s’abstenir de combattre les efforts qui seraient faits par les pays producteurs afin de faire hausser au moyen d’accords plurilatéraux les prix des matières premières et de relever ainsi le pouvoir d’achat et les possibilités de paiement des Etats participants; elle sera même favorable à de tels efforts à la condition que des garanties complètes lui soient données que les intérêts justifiés des consommateurs ne seront pas atteints.
La baisse des prix est une des causes de la crise, elle a réduit le pouvoir d’achat de beaucoup de pays qui ne sont plus en mesure de ce fait, de rembourser leurs dettes. La Suisse a un grand intérêt à la hausse des prix. On pourra arriver à faire hausser les prix de certains produits, comme le blé, au moyen d’arrangements plurilatéraux.
M. le Dr Laur. L’Argentine et les Etats-Unis recherchent une solution à la question du blé en limitant les surfaces cultivées. Ils proposent que l’Europe en fasse autant. Cette proposition ne peut être acceptée. Il semble, selon les dernières informations, que les Etats-Unis aient mis de côté leur projet de taxe à l’importation et de limitation de la production. Les prix ont d’ailleurs haussé aux Etats-Unis par suite de la dévaluation du dollar. La liquidation des stocks existants ne pourra s’opérer sans beaucoup d’efforts. Il faudrait organiser le commerce international des céréales (Projet Laur)23; on ne sait quelle solution sera trouvée à Londres où la question sera discutée. La Suisse est intéressée directement à ce que la question des céréales soit réglée de façon satisfaisante.
M. le Président. Personne ne demandant plus la parole, ces instructions sont considérées comme adoptées.
M. Stuckipasse à l’examen du huitième point de son projet d’instructions.
VIII. Organisation de la production au moyen de cartels internationaux.
La délégation suisse considérera avec scepticisme et s’opposera en général à toutes les propositions d’organisation de la production au moyen d’arrangements économiques internationaux privés.
C’est la France qui prendra l’initiative de présenter cette question à la Conférence de Londres. -
Personne ne demandant plus la parole, ce point de vue est considéré comme adopté. -
IX. Question des obstacles au commerce.
a) La Suisse est d’avis qu’en temps normal, lorsque les conditions monétaires, économiques et sociales sont à peu près identiques dans les différents pays, il ne faut chercher à protéger la production nationale qu’au moyen de droits de douane. Pour permettre la plus grande liberté possible dans le trafic des marchandises, ces droits doivent être fixés au niveau le plus bas possible au moyen de négociations bilatérales ou plurilatérales et tous les Etats devront pouvoir bénéficier de ces droits réduits par suite du traitement de la nation la plus favorisée.
b) Les conditions monétaires, économiques et sociales étant actuellement très différentes, les principes énoncés plus haut ne peuvent s’appliquer à notre époque. Il vaut mieux se défendre au moyen de mesures temporaires et extraordinaires, qu’à l’aide de droits de douane, car il serait ensuite plus difficile de réduire ces derniers.
c) En ce qui concerne l’application et l’exécution de ces moyens extraordinaires, il faudrait que les Etats qui possèdent des conditions monétaires, économiques et sociales à peu près identiques s’entendent pour conclure des accords plurilatéraux. On ne peut étendre ces accords aux Etats qui ne réalisent pas cette condition, cela causerait de graves injustices et créerait de nouveaux obstacles au commerce international.
d) Il vaut beaucoup mieux chercher une solution au moyen d’accords bilatéraux en se basant sur la mise en équilibre de la balance des paiements bilatéralement et en se rapprochant ainsi de l’idée de réciprocité. -
e) La Suisse ne pourra adhérer à des accords bilatéraux ou plurilatéraux que si des garanties pratiques et certaines lui sont données que son adhésion n’entraînera pas, pour le moins, une aggravation de l’état actuel de sa balance commerciale et de sa balance des paiements. Elle est persuadée qu’il est préférable lorsque l’on veut améliorer sa balance commerciale et sa balance des paiements, d’augmenter son exportation plutôt que de diminuer ses importations. La Suisse se prêterait facilement à la conclusion d’arrangements bilatéraux ou d’accords avec les Etats qui se trouvent dans des conditions identiques aux siennes.
M. Stucki déclare que cette question a déjà été discutée dans les précédentes séances, il n’y a donc pas lieu d’apporter d’autres éclaircissements sur ce point.
M. le Dr Laurest d’accord avec ce qui a été dit par M. Stucki. Il croit que la méthode bilatérale devra être surtout utilisée à l’avenir.
M. le Président relève que l’accord s’est ainsi fait sur le projet d’instructions à la délégation suisse. Il y en aura peut-être d’autres qui seront données ultérieurement. [...]
- 1
- E 7800 3/153b.↩
- 2
- Cette liste avait été arrêtée par le Conseil fédéral lors de sa séance du 30 mai (E 1004 1/340). Sur la composition de la délégation cf. aussi RG, 1933, p. 590. Schulthess avait été désigné comme chef de la délégation suisse à la conférence où il aurait dû prononcer un discours; par la suite, sur proposition de Stucki, il décida de ne pas se rendre à Londres. Cf. Journal de la délégation suisse à la Conférence monétaire et économique de Londres, séance du 13. VI.l933 (E 7800 3/135 b).↩
- 3
- L. Dapples, Président de Nestlé and Anglo-Swiss Condensed Milk Company.↩
- 4
- F. Porchet, Conseiller d’Etat vaudois.↩
- 5
- Ces deux conférences, présidées par Schulthess, avaient eu lieu le 11 et le 19 mai. Pour les procès-verbaux de ces deux réunions cf. E 7800 3/153 b.↩
- 6
- Lors de sa séance du 12 mai, le Comité d’organisation de la conférence de Londres avait décidé, sur demande du représentant des Etats-Unis, de proposer une trêve douanière aux Etats participants à la conférence. Cf. RG, 1933, p. 595. Cf. aussi no 262.↩
- 7
- Cf. no 297.↩
- 8
- Cf. n. 5 ci-dessus.↩
- 9
- Ces mesures de protection avaient été prises à la suite de l’arrêté fédéral du 23 décembre 1931 concernant la limitation des importations (RO, 1931, vol. 47, pp. 799-800).↩
- 10
- Sur la conférence économique de Genève (4-23 mai 1927), cf. DDS vol. 9, nos 249, dodis.ch/45266 et 328, dodis.ch/45345. Cf. aussi RG, 1927, pp. 501-503.↩
- 11
- Les instructions à la délégation suisse, acceptées le 9 juin suivant par le Conseil fédéral, sont identiques aux points a), b) et c) présentés ci-dessus par Stucki. Cf. E 1004 1/340.↩
- 12
- 11. A. Henderson, président de la conférence du désarmement.↩
- 13
- Secrétaire général de la SdN.↩
- 15
- Bachmann avait déjà eu des entretiens à ce sujet avec les Gouverneurs des Banques centrales de quelques pays européens. Cf. no 262, n. 5.↩
- 16
- Cf. no 269.↩
- 17
- Cf. n. 4 ci-dessus.↩
- 19
- Cf. nos 102 et 103.↩
- 20
- Devrait, à l’instar des autres questions, porter le no VI.↩
- 21
- Cf. no 199.↩
- 22
- E. Francqui, Ministre d'Etat belge.↩
Tags
London Monetary and Economic Conference (1933)
Swiss Franc devaluation of 1936 and international abandonment of the gold standard