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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 179
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1980/83#669* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1980/83 182 | |
Dossier title | Währungsfragen (1968–1970) | |
File reference archive | C.41.121.0 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1980/83#652* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1980/83 175 | |
Dossier title | Berichte der Schweiz. Nationalbank und Mitteilungen an unsere Vertretungen (1968–1970) | |
File reference archive | C.41.104.0.(1) |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2807#1974/12#576* | |
Old classification | CH-BAR E 2807(-)1974/12 95 | |
Dossier title | Währungsfragen (1964–1969) | |
File reference archive | 17-15 |
dodis.ch/33041
Notice interne du Département politique1
Maintien de la parité du franc suisse après la réévaluation du deutsche mark de 8,5% (ou 9,3%)
Le 6 octobre dernier2, soit quelques jours après la décision du Gouvernement allemand de laisser flotter le cours du mark, le Conseil fédéral déclara dans un communiqué officiel qu’il était décidé à maintenir la parité du franc. Par la suite, le Chef du Département des finances et des douanes3 réaffirma à plusieurs reprises, notamment le 24 octobre, jour de la fixation de la nouvelle parité du mark, que notre monnaie ne serait pas réévaluée.
Nos autorités ont bien accueilli la réévaluation allemande dans la mesure où celle-ci a mis fin à une longue période d’incertitude et où, faisant suite aux dévaluations britannique4 et française5, elle devrait contribuer à un meilleur équilibre du système monétaire international. Toutefois, les responsables de notre politique économique et monétaire ont dû en même temps constater que la réévaluation allemande survenait à un moment peu propice pour notre pays étant donné que notre économie se trouve au seuil d’une période de surchauffe6.
La République fédérale allemande est notre principal partenaire commercial7. En 1968, nos exportations à destination de la RFA ont représenté 14,2% de nos exportations totales tandis que la relation atteignait 29,5% pour les importations. Or, comme on le sait, la réévaluation du mark devrait, d’une part, entraîner une hausse des prix des biens importés de la République fédérale et, d’autre part, donner une nouvelle impulsion à nos exportations vers ce pays ainsi que vers les marchés tiers où nos produits sont en concurrence avec les produits allemands. Aussi est-il à craindre que ces deux facteurs conjugués, auxquels il faut encore ajouter l’effet de rapatriements de fonds, n’accroissent sensiblement la surchauffe économique qui se dessinait déjà, cela d’autant plus que le taux de réévaluation du mark finalement choisi est plus élevé que celui auquel on s’attendait généralement8. A noter que d’éventuelles hausses de salaires dans l’industrie privée pourraient contribuer à aggraver la situation.
Tout en reconnaissant les avantages qu’une réévaluation du franc aurait éventuellement eus du point de vue de la lutte contre l’inflation, les responsables de notre politique économique n’ont pu toutefois ignorer les sérieux inconvénients d’une telle mesure. Ceux-ci peuvent être brièvement présentés comme suit:
1. Rappelons tout d’abord que nos autorités ont déclaré à plusieurs reprises, ces dernières années, que les parités monétaires ne devraient, en principe, pas être modifiées à des fins conjoncturelles. La conjoncture est en effet mouvante par nature et de trop fréquentes manipulations ne manqueraient pas d’entraîner une insécurité dans les relations commerciales et financières. Des modifications de parités ne devraient donc en définitive intervenir que dans des situations extrêmes, par exemple lorsqu’il s’agit de remédier à des déséquilibres fondamentaux.
Contrairement à cette position traditionnelle de nos autorités, certains financiers et économistes défendent la thèse que les gouvernements devraient avoir plus fréquemment recours à des modifications de parités. Il semble que les nouveaux dirigeants allemands9, en particulier le ministre de l’économie, M. Karl Schiller, ne soient pas opposés à cette idée. Il était dès lors indispensable que la Suisse ne donnât pas l’impression de se trouver dans le sillage de la République fédérale et que le sort du franc ne parût pas lié à celui du mark.
2. La situation économique n’est pas la même en Suisse qu’en Allemagne. Si la balance des revenus des deux pays (balance des paiements courants) présente un appréciable excédent, celui-ci est dû essentiellement, en République fédérale, au surplus de la balance commerciale. L’excédent de la balance suisse des revenus résulte en revanche du surplus des recettes provenant des capitaux et des services, alors que notre balance commerciale demeure nettement déficitaire. Or, il n’est pas exclu qu’un changement de parité ait pu, à long terme, mettre en danger la position concurrentielle de nos exportateurs.
En effet, si la République fédérale est notre premier client, ce sont les USA10 qui, du point de vue de nos exportations, viennent en deuxième position. Et l’on ne sait encore si l’administration américaine parviendra à résister aux pressions des milieux protectionnistes.
D’autre part, en ce qui concerne nos exportations vers les pays en voie de développement11 qui représentent environ ⅕ème de nos exportations totales, il faut tenir compte du fait que les prix des produits n’entrent pas seuls en ligne de compte mais que les crédits accordés12 jouent souvent un rôle décisif. Or, les exportateurs allemands offrent à cet égard de meilleures conditions que les exportateurs suisses.
En outre, nos entreprises souffrent d’une certaine discrimination de la part du Marché commun et elles doivent en plus affronter une concurrence accrue à mesure qu’entrent en vigueur les résultats du Kennedy-Round13 (prochain abaissement tarifaire au début de 1970).
On sait enfin que, d’une manière générale, les marchés extérieurs se perdent vite et qu’il est très difficile de les reconquérir une fois qu’ils sont perdus. C’est pourquoi, dans un pays comme le nôtre, dont la croissance économique dépend dans une très forte mesure des exportations, on hésitera plus que dans un autre à prendre une mesure qui aurait pour conséquence de freiner ces exportations même si, du point de vue de la conjoncture présente, un tel ralentissement paraît indiqué.
3. Une réévaluation du franc suisse aurait affecté notre industrie du tourisme14 qui devrait en revanche tirer grand profit de celle du mark. Elle aurait eu en outre des répercussions défavorables en matière de circulation des capitaux ainsi que sur l’activité de nos banques et de nos compagnies d’assurances, activité qui, comme on le sait, est très développée avec l’étranger.
D’une manière plus générale et à plus longue échéance, il y a lieu de rappeler que notre pays a toujours été profondément attaché à la stabilité de sa monnaie. Le franc suisse n’a en fait subi, depuis sa création en 1850, qu’une seule modification de parité, en septembre 193615, après que plusieurs autres monnaies eurent été dévaluées. Cette stabilité explique en grande partie la confiance dont jouit notre monnaie dans le monde ainsi que le développement considérable de notre pays en tant que place financière internationale16. D’ailleurs, s’il n’y a pratiquement pas eu de spéculation sur le franc suisse lors des récents événements monétaires, cela tient sans doute en partie à ce que nous n’avons pas réévalué en 1961 après la réévaluation allemande17, mais aussi au fait que l’on est convaincu à l’étranger que la Suisse, en raison du rôle qu’elle joue sur le plan financier international n’a pas lieu de modifier la parité de sa monnaie. Il est en effet dans notre intérêt de ne pas perturber cette importante activité financière grâce à laquelle nous comblons le déficit de notre balance commerciale ainsi que les sorties de fonds résultant des transferts effectués par les travailleurs étrangers.
4. Une réévaluation aurait dû être soumise à l’approbation du parlement et au référendum facultatif étant donné que la parité du franc est indiquée expressément à l’art. 2 de la loi fédérale du 17 décembre 1952 sur la monnaie18. Afin que la modification ait pu entrer immédiatement en vigueur, il aurait été nécessaire de recourir à un arrêté fédéral urgent au sens de l’art. 89bis de la Constitution fédérale. Toutefois, lorsque le référendum est demandé, les arrêtés fédéraux de ce type perdent leur validité un an après leur adoption s’ils ne sont pas approuvés par le peuple dans ce délai. On saisit immédiatement les difficultés techniques qu’aurait soulevées une telle procédure.
Mais il est de toute manière très peu probable que le parlement, au vu des avantages et des inconvénients respectifs d’une réévaluation, eût donné, cet automne, son accord. On peut penser qu’il aurait été d’autant moins prêt à le faire que, selon certains spécialistes, une telle mesure ne serait guère efficace lorsqu’elle survient à un moment où l’économie du pays est déjà engagée dans une période de surchauffe. La possibilité d’un fléchissement de la conjoncture internationale aurait pu également avoir une influence sur l’issue du vote. A noter d’ailleurs que la Hollande, la Belgique et l’Autriche, pays dont on pensait qu’ils pourraient aussi réévaluer, sont arrivés à la même conclusion que nos autorités.
Ajoutons enfin que ces dernières suivent de très près l’évolution de la situation économique. Elles examinent en particulier quels moyens pourraient être mis en œuvre si les premiers signes d’inflation que se manifestent actuellement devaient s’accentuer. Des mesures ont d’ailleurs déjà été prises dont il faut attendre qu’elles produisent leurs effets: limitation de l’accroissement des crédits, relèvement du taux d’escompte, projet de budget de la Confédération quasiment équilibré pour 197019.
- 1
- Notice: E2001E#1980/83#669* (C.41.121.0). Rédigée par J. Failletaz. Envoyée aux Missions diplomatiques suisses, à la Mission suisse auprès des Communautés européennes à Bruxelles, à la Délégation suisse près l’OCDE à Paris, au Bureau de l’Observateur de la Suisse auprès de l’ONU à New York et au Consulat général de Suisse à New York.↩
- 2
- Communiqué de presse de la Chancellerie fédérale du 6 octobre 1969, E2807#1974/12#576* (17-15). Cf. aussi le PVCF de décision II de la 36ème séance du 29 septembre 1969, dodis.ch/33303, p. 3 et le PVCF de décision II de la 37ème séance du 9 octobre 1969, E1003#1994/26#12*, pp. 1 s.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 23, doc. 128, dodis.ch/31415, et DDS, vol. 24, doc. 116, dodis.ch/33022.↩
- 5
- Sur la dévaluation effective le 8 août 1969, cf. DDS, vol. 24, doc. 142, dodis.ch/33246, note 7.↩
- 6
- Cf. aussi doc. 128, dodis.ch/33024.↩
- 7
- Cf. la lettre de W. Clavadetscher à P. R. Jolles du 28 février 1967, dodis.ch/33484; la lettre de la Banque nationale suisse à H. Marti du 28 août 1968, dodis.ch/33492 et la lettre de W. Sigg à P. R. Jolles du 28 novembre 1969, dodis.ch/33489.↩
- 8
- Annotation dans le texte original: Il faut cependant tenir compte de la décision parallèle du gouvernement allemand de supprimer les mesures correctives du commerce extérieur (taxe de 4% sur les exportations et détaxe du même montant sur les importations) ce qui diminue le taux effectif de la réévaluation.↩
- 9
- Gouvernement de W. Brandt. Sur son élection, cf. aussi doc. 180, dodis.ch/33243.↩
- 10
- Cf. la notice Stand der Handelsbeziehungen Schweiz- USA du 22 juillet 1967, dodis.ch/33929.↩
- 11
- Cf. l’exposé de P. R. Jolles du 2 octobre 1968, dodis.ch/32918.↩
- 12
- Sur la question de la garantie des risques à l’exportation, cf. DDS, vol. 24, doc. 86, dodis.ch/33269; doc. 113, dodis.ch/33260; doc. 122, dodis.ch/33047 et doc. 125, dodis.ch/32843. Sur le crédit de transfert avec le Pakistan, cf. DDS, vol. 24, doc. 144, dodis.ch/32801.↩
- 13
- Sur le Kennedy-Round, cf. DDS, vol. 24, doc. 15, dodis.ch/33250.↩
- 14
- Cf. aussi doc. 128, dodis.ch/33024, note 11.↩
- 15
- Cf. DDS, vol. 11, table méthodique: V. La politique monétaire de la Suisse et la dévaluation du franc.↩
- 16
- Cf. aussi doc. 6, dodis.ch/32245; doc. 23, dodis.ch/33015; doc. 47, dodis.ch/32230; doc. 58, dodis.ch/33138; doc. 88, dodis.ch/33019; doc. 97, dodis.ch/33820 et doc. 175, dodis.ch/33035.↩
- 17
- Sur la réévaluation de 1961 et l’emprunt Yong, cf. le PVCF No 1737 du 22 octobre 1969, dodis.ch/33402 et la lettre de P. A. Nussbaumer à H. Lacher du 18 novembre 1969, dodis.ch/33403.↩
- 18
- Annotation dans le texte original: Signalons toutefois qu’une motion a été déposée (motion Biel) qui tend à conférer à l’exécutif – comme c’est le cas dans les autres pays – la compétence nécessaire pour fixer la parité du franc. Cf. aussi la Loi fédérale sur la monnaie du 17 décembre 1952, FF, 1952, III, pp. 853–857.↩
- 19
- Cf. l’Arrêté fédéral concernant le budget de la Confédération suisse pour l’année 1970 et ouvrant des crédits d’ouvrages du 17 décembre 1969, FF, 1969, II, pp. 1527 s.↩
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Federal Republic of Germany (Economy)
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