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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 128
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2807#1974/12#416* | |
Old classification | CH-BAR E 2807(-)1974/12 39 | |
Dossier title | OCDE (OECD) - Organisation für wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung (1966–1969) | |
File reference archive | 076 |
dodis.ch/33024 Déclaration sur la politique économique faite par M. le Conseiller fédéral H. Schaffner à l’occasion de la réunion ministérielle du Conseil de l’OCDE le 13 février 19692 à Paris
Dans son rapport, le Secrétaire général3 a constaté que de nombreux pays Membres de notre Organisation ont eu à faire face, depuis la dernière réunion du Conseil au niveau ministériel4, à des difficultés plus ou moins sérieuses pour concilier l’expansion avec la stabilité économique intérieure ou extérieure. Il a relevé que les interventions dans le domaine des échanges commerciaux et des flux financiers sont de plus en plus utilisées par certains pays comme instruments de leur politique économique générale. Cette situation – qui présente des aspects préoccupants – l’a amené à émettre le vœu que les Etats membres parviennent à des vues plus concertées sur un certain nombre de questions touchant la politique économique. C’est à ces questions que j’aimerais m’attacher plus particulièrement ici.
Comment, se demande tout d’abord notre Secrétaire général, faire en sorte que les mesures de régulation de la demande soient prises suffisamment à temps pour prévenir l’apparition d’importants déséquilibres intérieurs et extérieurs? Force est de constater que les excès qui peuvent apparaître du côté de la demande jouent presque toujours le rôle prédominant dans ces déséquilibres. Ces excès peuvent résulter de circonstances accidentelles ou de charges pesant occasionnellement sur les économies de certains pays. Mais, dans de nombreux autres cas, des objectifs de croissance économique ambitieux peuvent conduire les autorités responsables à laisser la demande croître jusqu’à l’extrême limite des possibilités de l’économie nationale. Les mesures que ces autorités sont alors contraintes de prendre en vue de freiner la demande interviennent souvent trop tard, ainsi que certaines expériences de ces dernières années l’ont montré. Indépendamment des obstacles auxquels elle peut se heurter, la régulation de la conjoncture5 par des méthodes ressortissant à la politique fiscale ne produit pas toujours les résultats souhaités dans les délais voulus.
Comme les pays dont les taux de croissance dépassent les capacités voient de ce fait l’équilibre de leur balance des paiements perturbé, les pays Membres de notre Organisation qui peuvent faire état d’une balance des paiements courants excédentaire se voient régulièrement recommander de relancer la demande intérieure. Toutefois, il reste à démontrer qu’il est effectivement possible – en partant des ressources disponibles – de réaliser une croissance plus rapide sans s’exposer à des mouvements inflationnistes.
En ce qui nous concerne, nous avons certains doutes quant au bienfondé – en toutes circonstances et pour tous les pays – de politiques économiques axées sur la primauté d’un taux de croissance rapide. Après avoir connu une période d’emballement de la conjoncture, l’économie suisse est revenue à une situation plus tranquille et plus équilibrée. Les taux de croissance de ces dernières années ont effectivement été assez modérés. Cela nous paraît inévitable pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, notre économie non seulement connaît le plein emploi, mais doit recourir à une nombreuse main-d’œuvre étrangère6. A plusieurs signes importants, on a pu s’apercevoir qu’une nouvelle accélération de la conjoncture aurait rapidement des effets inflationnistes. Nous nous attendons d’ailleurs à une reprise plus marquée de l’activité économique, sous l’impulsion de la demande extérieure. Nous jugeons dans ces conditions qu’il serait dangereux pour la stabilité à terme de précipiter ce mouvement de reprise.
Pour ce qui est de la deuxième question posée par le Secrétaire général, nous sommes d’avis que la formation de l’épargne est conditionnée, au premier chef, par l’existence d’une situation économique et monétaire à la fois saine et stable. L’amélioration des marchés des capitaux, dont nous sommes heureux que l’Organisation s’occupe activement, resterait inopérante s’il n’y avait pas au départ une épargne suffisante. Pour sa part, la Suisse – les besoins en capitaux étant satisfaits à l’intérieur – s’est efforcée de faciliter l’utilisation de l’excès d’épargne en admettent le plus librement possible le placement d’émissions étrangères sur le marché suisse. Au cours de l’année passée, cette politique a pleinement atteint son but, puisque l’excédent de la balance des paiements courants a été compensé par le déficit de la balance des capitaux, de sorte que les réserves sont restées pratiquement sans changement. Dans ces conditions, il est juste d’affirmer que la politique économique et financière de la Suisse n’a pas contribué à accenteur les déséquilibres relevés dans le rapport de M. Kristensen.
Je me contenterai d’être très bref sur le troisième point soulevé par le Secrétaire général. En effet, la question de savoir comment renforcer la politique des revenus et éviter des grèves dangereuses par l’amélioration des relations entre employeurs et salariés ne revêt heureusement pas un caractère d’actualité pour la Suisse, où le régime de la «paix du travail» marque depuis de longues années déjà les relations entre employeurs et salariés. Ce régime est caractérisé par la négociation de contrats entre les représentants des employeurs et ceux des salariés. Les principes dont s’inspirent ces discussions correspondent dans l’ensemble aux vues gouvernementales, notamment quant à la stabilité des prix et, par conséquent, la nécessité de ne pas laisser les augmentations de salaires dépasser l’accroissement de la productivité.
Pour ce qui est, enfin, des nouveaux progrès que les pays Membres de l’OCDE. pourraient accomplir sur la voie de la libéralisation des échanges après les négociations Kennedy7, j’aimerais indiquer d’emblée que la sympathie de notre pays est acquise à toute initiative dans ce sens. Je me plais à espérer que cette attitude est partagée par tous les pays Membres de notre Organisation. Je suis en particulier certain que les Etats-Unis – auxquels ont été dues les grandes initiatives lancées dans ce domaine jusqu’à maintenant – ne renieront pas une tradition dont ils peuvent être justement fiers. Par conséquent, nous devons tous nous atteler à une tâche très importante: celle de préparer soigneusement le terrain, dans le cadre du GATT, pour une négociation future. Sera-ce une entreprise aussi complète que l’était le Kennedy-Round ou s’agira-t-il plutôt de négociations individuelles portant sur des secteurs déterminés et posant des problèmes particulièrement urgents? La suite des travaux décidés à Genève lors de la dernière session annuelle du GATT en novembre 19688 nous l’apprendra. Comme vous le savez, ces travaux portent également sur les restrictions dites «non tarifaires» dont l’importance ne cesse d’augmenter. Vous me permettrez de souligner ici tout le prix que nous attachons à ce qu’une de ces restrictions qui a fait l’objet d’une transaction équilibrée dans la négociation Kennedy soit supprimée dans les meilleurs délais: je pense au système dit de l’«American Selling Price»9. Nos amis américains sont certainement conscients de la grande valeur psychologique qu’aurait une telle décision.
Nul doute qu’il convient à notre Organisation d’apporter son plein appui à tous ces efforts et d’œuvrer en faveur d’une libéralisation toujours plus poussée du commerce mondial. Une élimination complète et aussi rapide que possible des entraves aux échanges qui subsistent encore entre nos pays nous permettra de jouer d’autant plus efficacement un rôle constructif. En particulier, comme M. le Ministre Fayat l’a indiqué, il est essentiel que notre Organisation s’attache à prévenir le recours à des mesures de restriction des échanges. Aux quatre conditions mentionnées par M. Fayat pour le cas où un tel recours est inévitable, je suggère d’en ajouter une cinquième: la condition de non-discrimination10, soit entre les pays, soit entre les secteurs touchés par les mesures restrictives. Cette remarque m’amène d’ailleurs à aborder brièvement, pour terminer, le problème des restrictions imposées par certains pays sur les allocations touristiques. Dans son rapport, notre Secrétaire général a très justement souligné que ces dépenses sont souvent restreintes les premières et libérées les dernières, parce qu’assimilées à des dépenses de luxe. Il a relevé que les pays dont le tourisme est une des activités importantes – et c’est là le cas de la Suisse – sont de ce fait plus fréquemment frappés par les difficultés de paiements des autres pays et subissent ainsi une discrimination injustifiée. Je voudrais ajouter à ce propos que l’effet psychologique de telles restrictions risque d’aggraver les crises de confiance et les perturbations monétaires qui en résultent. Je ne puis dès lors qu’appuyer la suggestion tendant à renforcer, dans l’intérêt général, les règles du Code de la Libération des Opérations Invisibles Courantes11 à ce sujet.
- 1
- Déclaration: E2807#1974/12#416* (076).↩
- 2
- Cf. le PVCF No 250 du 12 février 1969, dodis.ch/33693.↩
- 3
- Rapport de Th. Kristensen du 14 novembre 1968, E7113A#1979/23#19* (753.4.1.1).↩
- 4
- Sur la 7ème session du Conseil de l’OCDE au niveau des ministres les 30 novembre et 1er décembre 1967, cf. le PVCF No 1991 du 28 novembre 1967, E1004.1#1000/9#728*.↩
- 5
- Cf. le rapport Stellungnahme des Eidg. Volkswirtschaftsdepartements zum Länderbericht Schweiz 1967 der OECD du 13 février 1968, dodis.ch/33696.↩
- 6
- Cf. DDS, vol. 24, doc. 10, dodis.ch/32342; doc. 56, dodis.ch/32300; doc. 73, dodis.ch/32304; doc. 85, dodis.ch/32361; doc. 98, dodis.ch/32294; doc. 120, dodis.ch/32837; doc. 129, dodis.ch/32639; doc. 157, dodis.ch/32303 et doc. 166, dodis.ch/32356.↩
- 7
- Sur le Kennedy-Round, cf. DDS, vol. 24, doc. 15, dodis.ch/33250.↩
- 8
- Cf. le PVCF No 2065 du 16 décembre 1968, dodis.ch/33775.↩
- 9
- Cf. le PVCF No 2199 du 22 décembre 1969, dodis.ch/33785 et la notice de A. Weitnauer à H. Schaffner du 22 décembre 1969, dodis.ch/33237.↩
- 10
- Cf. DDS, vol. 24, doc. 24, dodis.ch/33255; la notice de A. Cuendet du 22 mai 1967, dodis.ch/32511 et la notice de E. Moser du 13 novembre 1967, dodis.ch/33695.↩
- 11
- Cf. la notice OCDE: Renforcement du Code de la libération des opérations invisibles courantes dans le domaine du tourisme du 19 mai 1969, dodis.ch/34159.↩
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Organisation for Economic Co-operation and Development (OEEC–OECD)