Äusserungen Churchills. Vorbereitungen zum Besuch Churchills in der Schweiz. Verschiebung der Reise Petitpierres nach Paris. Projekt von Denis de Rougemont.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 16, doc. 81
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2800#1990/106#80* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2800(-)1990/106 16 | |
Titre du dossier | Correspondance avec Carl J. Burckhardt (ministre de Suisse à Paris) : volume II (1945–1949) | |
Référence archives | 321.31 |
dodis.ch/146
J’apprends par Bauer que vous êtes à Chaumont et j’en suis ravi2. Je suis certain que quelques semaines de repos complet dans cette contrée incomparable et qui vous est familière vous permettront de reprendre les forces dont vous avez besoin pour affronter une tâche toujours plus difficile.
Ici, nous subissons une vague de chaleur et, en même temps, les débuts de la conférence3, l’arrivée d’une quantité de délégations, chargent encore nos journées qui débordent déjà comme un tableau de Rubens.
J’ai dîné l’autre jour avec M. Winston Churchill et M. Léon Blum. Le premier attaquait d’une façon assez courageuse les alcools disponibles et je dois considérer la seconde partie de la conversation, de ce fait, comme nulle et non avenue. En effet, l’ancien Premier prononçait des mots, mais il était difficile d’en détacher un sens précis. Cependant, à table, au début de ces libations, il a tenu quelques propos qui valent la peine d’être retenus. Il dit, entre autres, à M. Blum: «Comment voulez-vous faire un Ministère convenable dans un pays où tous les gens bien sont ou en prison, ou déchus de la nationalité, ou fusillés?» Il a déclaré qu’il fallait créer une Allemagne saine et qu’une entente étroite et un rapprochement des points de vue entre l’Angleterre et la France à ce sujet s’imposaient.
Puis il me dit que, pour le moment, il n’avait plus de souci pour la Suisse: «Nous ne permettrons pas qu’on touche à votre pays. Les Américains se sont maintenant ralliés entièrement à notre point de vue et mes amis russes n’avanceront plus».
Je le note, parce que ces paroles diffèrent des propos pessimistes qu’il avait tenus l’hiver dernier.
M. Churchill se réjouit beaucoup de son séjour en Suisse. Il m’a dit vouloir avant tout nager. Ayant le choix entre une villa appartenant à M. de Schulthess, sur les bords du Lac de Zoug, et la villa du banquier Fred Kern à Genève, il semblait donner la préférence à cette dernière, pensant que l’eau du Lac Léman serait plus chaude après le 22 août que celle d’un lac situé dans les montagnes.
Il se fait un plaisir d’aller à Berne et il est très désireux de voir un spectacle militaire. Je pense que l’idée du Général Guisan de faire un voyage avec lui à travers le réduit, est excellente.
En ce qui concerne la réception, M. Cuttat me dit que vous avez l’intention d’inviter des peintres et des écrivains4. M. Barbey correspondra directement avec Cuttat5. Quant à moi, je prends contact avec notre compatriote Montag6. Ce dernier m’a raconté l’autre jour qu’en quelques jours, à Zurich et à Bâle, on avait réuni, pour les frais somptuaires de ce séjour du grand Anglais, la somme de 60’000 francs suisses, ce qui n’est pas rien, même s’il arrive avec une grande partie de sa famille et pas seulement avec sa fille, comme il l’avait prévu d’abord.
Montag avait sondé l’Universitéde Zurich pour voir si on serait prêt éventuellement, à conférer un doctorat honoris causa à notre hôte. La réponse a été négative7, comme celle, d’ailleurs, que j’ai reçue de M. Denis van Berchem que j’avais approché au sujet d’un geste analogue de la part de l’Universitéde Lausanne. Van Berchem rappelle avec raison le fameux doctorat conféré par cette Université à Mussolini8 et il est d’avis que la Faculté n’obtiendrait pas les voix nécessaires pour donner suite à une telle proposition.
Il est évident que cette visite aura un aspect politique. Il y aura des commentaires et certaines répercussions dans la presse. J’espère qu’aucun mouvement intempestif ne se produira autour de cette résidence de Nyon.
J’ai beaucoup regretté que vous n’ayez pu exécuter votre plan de voyage. M. B.9 m’a dit qu’il s’était infiniment réjoui de vous recevoir, que tout avait été préparé et que votre visite tombait sur la seule semaine au cours de l’année où il aurait eu à disposer de certains loisirs. Sa femme m’a dit la même chose. Il est évident cependant que les jours reviendront, plus calmes, et si la situation et les personnes n’ont pas changé après les événements d’octobre, ce sera à reprendre à un moment où la température sera moins torride qu’à l’heure actuelle10.
Je compte rester à Paris, après les fêtes du 1er août, jusqu’au retour de Rezzonico11, puis j’irai rejoindre ma famille qui se trouve déjà en partie au Pyla.
J’ai eu le grand plaisir de déjeuner l’autre jour en tête à tête avec votre beau-frère12. Il m’a parlé de son projet de se rendre en Allemagne occupée comme représentant de quelques grands journaux et je pense que nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir là-bas un homme tel que lui, doué d’un sens d’observation juste et si profond.
Dès que je me serai un peu reposé et que je disposerai de quelques journées de tranquillité, je vais essayer de résumer pour vous certaines impressions que j’ai retirées de la conférence des quatre et de la situation extérieure et intérieure du pays, mais j’avoue qu’actuellement, je ne trouve pas une minute pour entreprendre un tel travail de rédaction, car je suis aussi arrivé à un degré de fatigue qu’il me paraît sage de ne pas outrepasser13.
Puis-je vous prier, Monsieur le Conseiller Fédéral et cher Monsieur, de bien vouloir faire agréer mes très respectueux hommages à Madame Petitpierre que je remercie encore une fois du charmant accueil qu’elle a bien voulu me réserver à Neuchâtel.
- 1
- Lettre: E 2800/1990/106/16.↩
- 2
- Fin juillet 1946, M. Petitpierre séjourne à Chaumont (près de Neuchâtel) dans sa résidence secondaire.↩
- 3
- La Conférence de la Paix commence à Paris le 29 juillet 1946. Elle aboutit le 10 février 1947 à la conclusion des traités de paix entre les Alliés et l’Italie, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et la Finlande.↩
- 4
- Cf. la lettre de J.- A. Cuttat à C. J. Burckhardt du 23 juillet 1946, E 2001 (E) 1/26.↩
- 5
- Cette correspondance annoncée n’a pas été retrouvée.↩
- 6
- Cf. la lettre de C. J. Burckhardt à la Division des Affaires étrangères du DPF du 21 juillet 1946, ibid.↩
- 7
- Cf. la notice de E. Thalmann à G. Keel du 2 juillet 1946, ibid.↩
- 9
- Il s’agit vraisemblablement de G. Bidault, Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères.↩
- 10
- La visite de M. Petitpierre à Paris a eu lieu plus tard, c’est-à-dire entre le 7 et le 15 octobre 1946, cf. E 2800/1990/106/18.↩
- 11
- C. Rezzonico était le Chargé d’Affaires de la Légation de Suisse à Paris pendant les absences de C. J. Burckhardt.↩
- 12
- Il s’agit de Denis de Rougemont.↩
- 13
- Pour l’analyse de la Conférence des Quatre et de la Conférence de Paris, cf. les rapports politiques de C. J. Burckhardt No 4 du 9 août 1946, No 5 du 19 août 1946 et No 6 du 25 août 1946, E 2300Paris/100.↩
Tags
Alliés (Deuxième Guerre mondiale) France (Politique) Russie (Politique)