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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1993, doc. 23
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E7001C#2001/86#1027* | |
Dossier title | Die Schweiz, EFTA und Osteuropa (1993–1993) | |
File reference archive | 2515-18 |
dodis.ch/64498
Le Chef de la Délégation suisse près l’AELE et le GATT, l’Ambassadeur Rossier, au Bureau de l’intégration1
La Suisse, l’AELE et l’Europe de l’Est
Rapidement mais sûrement, les relations avec les pays de l’Europe centrale et orientale sont en train de devenir un des principaux sujets de préoccupation de l’AELE.2 Pour ce qui est de l’immédiat, ce sujet constituera sans doute l’un des deux points centraux de la Réunion ministérielle de juin, l’autre étant évidemment l’EEE.3
L’importance que paraît prendre ce thème ne résulte visiblement pas d’une réflexion et d’une action des pays membres de l’AELE eux-mêmes. Ces derniers paraissent au contraire particulièrement «absents» sur ce sujet qui, en d’autres temps en d’autres circonstances, eût constitué un champ d’activité privilégié de l’Association. En effet,
– les pays nordiques candidats ne veulent surtout pas entreprendre quoi que ce soit qui puisse gêner l’évolution rapide de la priorité absolue de leur politique extérieure: leur négociation d’adhésion à la Communauté.4 Ils auraient été – dit-on – tancés par la Commission en raison de leurs accords de libre-échange avec les pays baltes, dont la conclusion n’aurait guère été appréciée à Bruxelles. S’ils pouvaient accepter un tel risque pour la région de la Baltique, ils n’ont aucune raison – ni économique ni politique – de renouveler l’expérience avec les pays de l’Europe centrale.
Leur attitude est donc à l’heure actuelle empreinte d’une très forte réserve – pour dire le moins – à l’égard de tout développement des relations de l’AELE avec les pays d’Europe centrale qui aillent au-delà des accords de libre-échange déjà conclus.5 Cette attitude pourrait bien sûr changer si la Communauté elle-même le leur demandait ou leur assurait qu’un tel développement ne gênerait en rien leurs négociations d’adhésion.
– L’Autriche est sujette aux mêmes contraintes, bien qu’elle se trouve dans une situation économique et politique différente à l’égard de l’Europe centrale et orientale. Son attitude est aujourd’hui aussi réservée que celle des Nordiques, même si elle est moins explicite.6
– La Suisse s’est jusqu’ici montrée très discrète sur ce terrain, comme dans les autres nouveaux domaines d’activités possibles de l’AELE d’ailleurs. Conscients du fait que nos quatre partenaires candidats à l’adhésion disposent sur cette question d’une marge de manœuvre quasi nulle, nous nous sommes abstenus de développer des initiatives qui eussent été immédiatement comprises comme une tentative de rompre l’isolement dans lequel nous a placés notre refus de l’EEE.7 Mais surtout, la Suisse s’est abstenue parce qu’elle n’a pas encore clairement arrêté sa politique en cette matière.
– L’Islande – que je mentionne pour mémoire – n’a jamais montré le moindre intérêt au développement des relations de l’AELE avec les pays tiers.
Les impulsions en faveur de la prise en compte de ce dossier au sein de l’AELE proviennent en fait de deux sources extérieures (si l’on fait abstraction d’un certain activisme du Secrétaire général,8 compréhensible peut-être en ces temps de maigre substance pour le Secrétariat):
– il y a d’une part la Communauté européenne – ou certains États membres – qui, a diverses occasions, incite les pays de l’AELE à définir leur position à l’égard de l’Europe centrale et orientale. Ainsi, par exemple, la récente Conférence de Copenhague a-t-elle abordé les thèmes du cumul paneuropéen et du libre-échange paneuropéen.9 Par ailleurs, comme on sait, dans son projet de document «Towards a closer association with the countries of Central and Eastern Europe» préparé en vue du prochain Sommet de Copenhague des 21 et 22 juin, la Commission des Communautés mentionne les pays de l’AELE dans le chapitre «Improving Market Access»;10 elle y propose que le Conseil la charge de lui présenter des directives de négociation en vue de l’élaboration de règles de cumul avec les pays d’Europe centrale et orientale et avec les pays de l’AELE.11
– il y a, d’autre part, certains pays de l’Europe de l’Est qui – comme la Slovénie – envoient les signaux de plus en plus clairs de leur volonté d’adhérer à l’AELE ou comme d’autres qui se renseignent avec plus de prudence, par des détours, mais qui se renseignent tout de même.12
Ainsi, il me paraît que le temps est venu pour la Suisse de définir la ligne politique que nous entendons suivre en ce qui concerne la politique de l’AELE à l’égard des pays de l’Europe centrale et de l’Est. Il se pourrait bien, en effet, que les pays nordiques et l’Autriche obtiennent de la Commission une certaine marge de manœuvre déjà dans le cadre des contacts qu’aura sans doute la Suède – et le Secrétaire général – avec la Commission en relation avec la préparation du Sommet de Copenhague. La voie serait alors ouverte pour un certain mouvement, notamment à l’occasion de la Réunion ministérielle de l’AELE de juin prochain. En tout état de cause, il faut s’attendre à ce que la question des relations de l’AELE avec les pays de l’Europe centrale et de l’Est soit un des grands thèmes de cette Réunion. Le Secrétaire général me dit avoir convaincu le Ministre Dinkelspiel de la nécessité d’avoir une discussion substantielle entre Ministres sur cette question.13
C’est sans doute la position de la Suisse qui sera attendue avec le plus d’intérêt, non seulement par les autres pays de l’AELE, mais aussi et peut-être surtout par les pays de l’Est eux-mêmes. Ces derniers savent en effet que c’est la Suisse qui tient entre ses mains l’avenir de l’AELE et sa politique future, et donc le maintien ou non pour eux d’un instrument possible de leur marche d’approche vers la Communauté.
Pour ce qui est de cette Délégation, le temps presse, en fait, et cela pour trois raisons principales:
– d’une part il convient qu’elle puisse participer en toute connaissance de cause à la préparation de la Réunion ministérielle, et notamment de son communiqué de presse; cette préparation va commencer dans une semaine environ;14
– d’autre part, il devient urgent de munir le Secrétaire général et la Présidence suédoise d’instructions claires sur la position suisse pour éviter tout dérapage dans leurs contacts avec la Communauté;
– enfin, nous devons pouvoir répondre aux diplomates de certains pays de l’Est qui me font savoir que leur pays a l’impression de recevoir de la Suisse des signaux assez contradictoires:
- • certains leur indiquant assez clairement que la Suisse est fortement intéressée à ce que des pays d’Europe centrale et orientale se rapprochent substantiellement ou même adhèrent à l’AELE, de manière à assurer une «nouvelle vie» à l’AELE;
- • d’autres, beaucoup plus réservés – qui sont les miens – qui leur indiquent que le temps n’est pas encore venu d’aborder cette question en raison de la situation complexe et mouvante qui existe aujourd’hui, pour la Suisse comme pour les autres pays de l’AELE, en raison de l’évolution du dossier de l’Espace Économique Européen.
- • Spontanément, sans que j’aie abordé cette question, certains Représentants de pays de l’Est m’ont exprimé leurs doutes quant à un intérêt objectif de la Suisse – et même quant à ses possibilités – de se montrer aujourd’hui déjà ouverte à une participation des pays d’Europe centrale et orientale à l’AELE. L’un d’entre eux remarquait que, à ses yeux, il était évident que la Suisse ne pourrait être éventuellement intéressée à un tel développement que si l’AELE – suite à un refus d’adhérer de certains de ses membres actuels – demeurait pour la Suisse un instrument de politique extérieure vraiment utilisable.
Vous connaissez mon opinion sur cette question du renforcement de l’AELE par l’admission de nouveaux membres de l’Europe centrale et orientale; je l’ai déjà exprimée à plusieurs reprises: dans l’hypothèse où les quatre pays candidats adhèrent à la Communauté, cette approche serait très risquée car en tout état de cause, la Suisse devrait éviter de faire de l’AELE la nouvelle plate-forme de son rapprochement avec la Communauté. Ce ne serait en effet nullement son intérêt de prendre la tête du «tiers–monde européen», même s’il représente un marché potentiel important: si elle le faisait, la Suisse se laisserait alors à nouveau enfermer dans un piège bien plus dangereux pour sa politique européenne que l’handicap représenté par les pays nordiques au cours des dernières années. Une situation que pourrait favoriser une fois de plus la Commission des CE, par Nordiques interposés...
Je vous serais reconnaissant de me faire connaître vos instructions aussi rapidement que possible.15
- 1
- CH-BAR#E7001C#2001/86#1027* (2515-18). Cette notice est rédigée et signée par le Chef de la Délégation suisse près l’AELE et le GATT, l’Ambassadeur William Rossier, à l’attention du Bureau de l’intégration DFAE/DFEP, avec, entre autres, des copies pour les Chefs et les Secrétaires d’État des deux départements en charge du Bureau de l’intégration: le Conseiller fédéral Flavio Cotti et le Secrétaire d’État Jakob Kellenberger, Directeur de la Direction politique du DFAE; le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz et le Secrétaire d’État Franz Blankart, Directeur de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE) du DFEP. Selon l’annotation manuscrite en tête du document, la copie ici éditée est celle reçue par le Conseiller fédéral Delamuraz, cf. le facsimilé dodis.ch/64498.↩
- 2
- Cf. à ce sujet la notice du Secrétaire d’État Kellenberger du 1er mars 1993, dodis.ch/64951.↩
- 3
- Sur la réunion ministérielle de l’AELE à Genève les 15 et 16 juin 1993, cf. la compilation dodis.ch/C2511. La thématique des pays d’Europe centrale et orientale occupe déjà les pays de l’AELE à la fin de l’année 1992, cf. par exemple le PVCF No 2377 du 7 décembre 1992, dodis.ch/60907.↩
- 4
- Cf. à ce propos la compilation thématique Quatrième élargissement de la CE: Autriche, Finlande, Suède (1995), dodis.ch/T1878. Pour un exemple des priorités des pays nordiques, cf. le compte-rendu de la discussion du Chef du DFTCE, le Président de la Confédération Adolf Ogi, avec le Premier ministre suédois Carl Bildt à Davos, DDS 1993, doc. 1, dodis.ch/62483, ainsi que la note d’information du DFAE au Conseil fédéral sur le voyage en Suède et en Finlande du Conseiller fédéral Cotti du 26 novembre 1993, dodis.ch/65469.↩
- 5
- Accord entre les États de l’AELE et la République fédérative tchèque et slovaque du 20 mars 1992, RO, 1993, pp. 1283–1301; Accord entre les États de l’AELE et la République de Pologne du 10 décembre 1992, RO, 1994, pp. 2317–2333; Accord entre les États de l’AELE et la Roumanie du 10 décembre 1992, RO, 1994, pp. 860–875. Cf. également les PVCF correspondant, respectivement No 520 du 16 mars 1992, dodis.ch/60804; No 2284 du 25 novembre 1992, dodis.ch/60702; et No 2375 du 7 décembre 1992, dodis.ch/60949.↩
- 6
- Sur l’Autriche, cf. aussi la notice du Délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, l’Ambassadeur Silvio Arioli, du 1er juillet 1992 sur la rencontre tripartite Suisse–Autriche–Allemagne, dodis.ch/61903.↩
- 7
- Cf. également à ce propos la notice du Chef du Bureau de l’intégration DFAE/DFEP, l’Ambassadeur Bruno Spinner, du 31 mars 1993, dodis.ch/64497.↩
- 9
- Sur la conférence de Copenhague sur l’Europe de l’Est, cf. la note d’information du DFAE au Conseil fédéral du 19 avril 1993, dodis.ch/64736, ainsi que la compilation dodis.ch/C2506.↩
- 10
- Pour le document de la Commission européenne Towards a Closer Association with the Countries of Central and Eastern Europe. Communication by the Commission to the Council, in view of the meeting of the European Council in Copenhagen, 21–22 June 1993, cf. CH-BAR#E2010A#2001/161#6113* (B.75.77). Pour une analyse des conséquences de ces mesures sur la Suisse, cf. la notice de la Section Pays de l’Europe centrale et de l’Est, CEE–ONU du DFEP du 4 juin 1993, dodis.ch/66119.↩
- 11
- Note de bas de page dans le texte original: Dans ce contexte, il n’est pas inintéressant de noter que les autres parties de ce document, et notamment celui intitulé «Towards a European Political Area» ne mentionne pas tous les pays de l’AELE mais seulement ceux d’entre eux qui négocient leur adhésion à la Communauté...↩
- 12
- Sur la Slovénie, cf. le rapport de l’OFAEE sur la visite du Ministre slovène des relations économiques et du développement Davorin Kračun au Chef du DFEP, le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, du 14 mai 1993, dodis.ch/64446. Cf. aussi la notice du Secrétariat politique du DFAE du 2 février 1993, dodis.ch/66227.↩
- 13
- Pour la réunion ministérielle de l’AELE à Genève les 15 et 16 juin 1993, cf. la compilation dodis.ch/C2511.↩
- 14
- Cf. à ce propos la notice de l’Ambassadeur Rossier du 3 juin 1993, dodis.ch/66116.↩
- 15
- Pour la réponse de l’Ambassadeur Spinner à l’Ambassadeur Rossier du 25 mai 1993, cf. dodis.ch/65114. Pour le point de vue de l’Ambassadeur Rossier plus tard dans l’année, cf. dodis.ch/65218.↩
Relations to other documents
http://dodis.ch/65114 | is the answer to | http://dodis.ch/64498 |
http://dodis.ch/65218 | refers to | http://dodis.ch/64498 |
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European Free Trade Association (EFTA)
International coordination of cooperation with Central and Eastern Europe (1989–)