Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 27, doc. 84
volume linkZürich/Locarno/Genève 2022
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E-01#1988/16#3094* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)-01/1988/16 723 | |
Dossier title | Besuch BR Graber in Madrid 1977 (1976–1978) | |
File reference archive | B.15.21.(2) • Additional component: Spanien |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001E-01#1991/17#6375* | |
Dossier title | Offizieller Empfang des Königs Juan Carlos I von Spanien, Band I (1976–1979) | |
File reference archive | B.15.51.E.1 • Additional component: Spanien |
dodis.ch/48486Notice de l'Ambassadeur de Suisse à Madrid, S. F. Campiche1
Le Chef du Département3, accompagné des deux Ambassadeurs4, est reçu par le Roi avec sa cordialité et sa simplicité habituelles.
Le Conseiller fédéral dit au Roi combien sa personne est devenue une image populaire et amie en Suisse, combien le Gouvernement et le public tout entier reconnaissent en lui le réalisateur de la réforme qui a réussi ce tour de force de passer d'un régime autoritaire à un régime de multiples partis sans qu'une goutte de sang soit versée5. Que cette grande réalisation utile aussi bien à toute l'Europe qu'à l'Espagne est suivie avec attention et sympathie par la Suisse et que la Suisse dans une modeste part fera tout son possible pour appuyer l'Espagne politiquement6 et économiquement7 dans cette grande œuvre.
Le Roi admet que seules les garanties attachées à sa personne ont permis à la droite et surtout à l'armée, principalement au début de la réforme, d'accepter l'enclenchement des mesures de réforme. On ne voit pas, dans un pays aussi diversifié et personnalisé que l'Espagne, ce qui pourrait remplacer la couronne comme symbole de la nation et de l'unité nationale. Maintenant que la première phase de la réforme politique est réalisée, le Roi conçoit son rôle surtout comme celui d'arbitre au-dessus de la mêlée8.
Il souligne les difficultés économiques9 qui tombent à un moment bien délicat alors que toutes les institutions sont en pleine transition.
Par ailleurs, le Roi a souligné une fois de plus comme il le fait à chaque occasion l'attachement personnel et sentimental et les souvenirs qui le lient à notre pays et il regrette de ne pas pouvoir y faire des séjours comme par le passé10. Le Conseiller fédéral répond aux questions du souverain, expose les grandes lignes de notre système constitutionnel et de nos habitudes politiques, sujets qui intéressent toujours le Roi.
Pour terminer, le Chef du Département invite le Roi à faire une visite officielle en Suisse11 aussi tôt que son programme si chargé le lui permettra. Juan Carlos accepte cette idée avec plaisir et nous prie d'en informer le Ministre Oreja12.
J'ajouterai qu'à part les signes d'une fatigue bien compréhensible à la suite d'un voyage dans six pays d'Amérique centrale d'où il est revenu hier seulement, on observe sur le visage du souverain une plus grande assurance et une plus grande autorité.
Le président Suárez a reçu le Chef du Département en compagnie des deux Ambassadeurs. Ce qui frappe à première vue chez M. Suárez, c'est le regard appuyé et intense qu'il pose sur son interlocuteur et son attention et la concentration extrême qu'il met au dialogue, sa facilité d'élocution, son intuition politique combinée avec un pouvoir de calcul et d'analyse. Le Conseiller fédéral dit pour commencer combien l'image de M. Suárez est connue en Suisse et combien le public aussi bien que le gouvernement admirent la manière dont il sait mener à bien la tâche si difficile de passage d'un gouvernement autoritaire à un gouvernement démocratique13 et l'assure du soutien, aussi modeste puisse-t-il être, de la Suisse dans cette entreprise, également au plan économique.
Il parle des difficultés sérieuses auxquelles son gouvernement doit actuellement faire face. Il met toutefois l'accent sur le peuple espagnol en disant combien il est frappé par la modération et le bon sens qui se sont exprimés tout au long de la période passée. Il faut éviter que les partis fassent une politique de partis mais au contraire s'efforcent chacun de participer à la consolidation nationale. Les difficultés économiques sont d'autant plus difficiles à résoudre que le pays est encore en pleine transition, certains règlements et lois de l'ancien régime étant encore en vigueur, un parlement pas rodé qui n'a même pas encore un règlement intérieur mais qui se lance dans des débats sur des questions de fond.
Il convient donc de consolider, d'assurer le processus démocratique jusqu'à ce qu'une fois la constitution et les nouvelles institutions soient en place. À cette fin, M. Suárez cherche une entente avec les partis. Le parti communiste a déjà donné son accord à un projet économique de M. Suárez, ce n'est pas encore le cas de Felipe Gonzalez qui se trouve dans une situation de contrôle difficile avec son parti alors que Carrillo, le plus habile homme politique en Espagne actuellement, domine son parti entièrement. Si une entente avec les partis n'est pas possible alors Suárez s'adressera directement au peuple dont il est sûr qu'il obtiendra l'accord, mais il veut éviter cela car il préférerait que les partis assument la responsabilité des grandes décisions actuelles.
Le parti communiste a essayé de pousser le PSOE à faire partie du gouvernement pour qu'il profite lui seul du vide qui se créerait alors dans l'opposition. De son côté, Carrillo propose un gouvernement de coalition nationale de tous les partis mais Suárez ne tient pas à avoir des postes de son cabinet occupés par des communistes pour des raisons évidentes. Quant à l'eurocommunisme14, M. Suárez n'y croit pas ou plutôt il n'y voit qu'une tactique aussi longtemps que les communistes n'auront pas prouvé dans le relâchement du pouvoir qu'ils acceptent les règles du jeu démocratique. Il estime que Carrillo a l'ambition de devenir le leader de l'eurocommunisme et qu'il a davantage de chance d'y parvenir que Berlinguer qui n'a plus, comme le remarque le Conseiller fédéral, le même ascendant sur son parti.
Les mêmes difficultés qu'on observe entre les leaders du parti socialiste et la base se retrouvent dans le mouvement syndical. M. Suárez essaie par tous les moyens d'éviter le désordre partisan et dans ce but il a amené F. Gonzalez, avec lequel il semble s'entendre bien, à suivre une politique social-démocrate afin d'offrir au pays une alternative gouvernementale crédible qui permettrait aux Espagnols de continuer à vivre et à travailler en paix au moment d'un changement éventuel de gouvernement.
- 1
- Notice: CH-BAR#E2001E-01#1988/16#3094* (B.15.21.(2)).↩
- 2
- Juan Carlos I.↩
- 3
- P. Graber.↩
- 4
- S. F. Campiche et N. Martín Alonso. Sur la visite cf. le discours de P. Graber du 20 septembre 1977, dodis.ch/48517 et le procès-verbal de P. Friederich du 6 octobre 1977, dodis.ch/48487.↩
- 5
- Sur la transition démocratique espagnole, cf. DDS, vol. 26, doc. 191, dodis.ch/39095, en particulier note 3; la notice de J. Cuendet du 3 mai 1976, dodis.ch/48488; le rapport politique No 18 de S. F. Campiche du 31 mai 1976, dodis.ch/48495; la notice de J. Cuendet à P. Graber du 6 décembre 1976, dodis.ch/48496; la notice de A. Greber à la Direction du droit international public du Département politique du 20 décembre 1976, dodis.ch/48800; le PVCF No 422 du 7 mars 1977, dodis.ch/48792; la notice de J. C. Bucher du 6 juin 1977, dodis.ch/50477 et la notice de J. Cuendet à P. Graber du 29 novembre 1978, dodis.ch/48497.↩
- 6
- Cf. DDS, vol. 27, doc. 65, dodis.ch/48498.↩
- 7
- Cf. la notice de P. R. Jolles à E. Brugger et P. Graber du 2 juillet 1976, dodis.ch/48489; la notice de H. Cuennet du 31 août 1976, dodis.ch/48490; les comptes rendus de P. Friederich du 23 septembre 1977, dodis.ch/48492 et dodis.ch/48493; le rapport de H.-U. Greiner du 19 octobre 1978, dodis.ch/48491 et la notice de Ch. Boesch à la Direction politique du Département politique du 8 septembre 1977, dodis.ch/48791.↩
- 8
- Cf. aussi la notice de S. F. Campiche du 13 décembre 1976, dodis.ch/48789.↩
- 9
- Cf. la notice de A. Greber du 21 octobre 1977, dodis.ch/48798.↩
- 10
- Sur les liens entre Juan Carlos I et la Suisse, cf. le rapport politique No 4 de S. F. Campiche au Département politique du 4 mars 1975, dodis.ch/39115.↩
- 11
- Cf. la notice de S. F. Campiche du 21 septembre 1977, dodis.ch/50443.↩
- 12
- Cf. la lettre de S. F. Campiche à A. Weitnauer du 2 janvier 1978, dodis.ch/51889.↩
- 13
- Sur la politique de A. Suárez, cf. la notice de A. Maillard du 8 septembre 1977, dodis.ch/50447.↩
- 14
- Cf. l'exposé de P. Graber du 24 août 1977, dodis.ch/48328.↩