Classement thématique série 1848–1945:
7. ATTITUDE DE LA SUISSE À L’ÉGARD DES JUIFS
7.2. ATTITUDE DE LA SUISSE FACE AUX PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES
7.2.2. ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 311
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#6007* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 281 | |
Dossier title | Ein- u. Durchreise von Ausländern nach dem BRB vom 5.9.1939 (1941–1945) | |
File reference archive | B.44.330 |
dodis.ch/47497 Le Ministre de Suisse à Bucarest, R. de Week, au Chef de la Division de Police du Département de Justice et Police, H. Rothmund1
Par lettre du 23 décembre 19412, No 5866, adressée à la Division des Affaires étrangères du Département politique fédéral et dont je vous avais communiqué une copie, j’avais eu l’honneur de relever les nombreux inconvénients que présente l’emploi de l’expression «origine aryenne» («arische Abstammung») dans la terminologie officielle de nos autorités fédérales et cantonales.
En date du 12 janvier 19423, la Division des Affaires étrangères avait approuvé sans réserves ma manière de voir.
A diverses reprises, je suis revenu sur cette question4. Je constate néanmoins que la pratique contre laquelle je m’étais élevé continue à être suivie. Un télégramme de la Police fédérale des Etrangers, du 16 de ce mois, No 89890, exige d’une dame C. Badesco, qui sollicite un visa de passeport, qu’elle prouve son «arische Abstammung». Ce n’est là qu’un exemple entre beaucoup d’autres. Mais il m’incite à recourir à vos bons offices pour que vous m’aidiez à lutter contre une habitude préjudiciable à nos intérêts.
Ma requête s’appuie sur les considérations suivantes:
1° A grand’peine, au prix d’efforts opiniâtres, j’ai obtenu du gouvernement roumain qu’il s’abstienne d’opérer entre citoyens suisses des discriminations fondées sur l’«origine ethnique». Je considère ce résultat comme important, car, s’il n’était pas acquis, nos compatriotes établis en Roumanie seraient livrés à l’arbitraire de l’administration, qui pourrait (cela s’est vu) leur enjoindre de s’affilier à une «deutsche Volksgemeinschaft» ou les traiter différemment selon qu’ils parlent tel ou tel idiome. C’est pour cette seule raison que j’ai combattu énergiquement (et non sans succès) la prétention émise par certaines autorités roumaines d’appliquer à des Suisses une législation «raciale»5.
2° Les gains réalisés en cette matière seraient gravement compromis si l’on pouvait m’objecter que le gouvernement fédéral applique lui-même ou tolère des inégalités de traitement dérivées de 1’«origine ethnique».
3° L’usage d’expressions telles que «arische Abstammung» dans des documents officiels et, en particulier, dans des télégrammes pourrait donc se révéler très nuisible à nos intérêts.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 3/281. H. Rothmund est le Chef de la Division de Police du DJP, dont fait partie la Police fédérale des étrangers, dirigée par P. Baechtold.↩
- 2
- Cf. No 142.↩
- 3
- Cf. No 142, note 2.↩
- 4
- Cf. notamment sa lettre du 28 octobre 1942, à la Police des étrangers (E 2001 (D) 3/174).↩
- 5
- Sur les résultats obtenus par R. de Week, cf. sa lettre du 24 novembre 1942 à la Division des Affaires étrangères du DPF: Comme vous le savez par mon rapport du 20 octobre dernier, le Président intérimaire du Conseil des Ministres m’avait promis d’examiner d’urgence quelles mesures pourraient être prises pour régler définitivement et d’une manière absolument générale, dans le sens de mes requêtes antérieures, la situation des Suisses d’origine juive. Il s’était engagé à faire en sorte que la cour de cassation elle-même ne fût pas en mesure de rendre illusoires les engagements pris en cette matière par le gouvernement. Je lui avais suggéré de faire pro- mulguer un décret précisant qu’aucune des mesures d’exception qui visent la population israélite ne pourrait être appliquée à des citoyens suisses. M. Mihai Antonesco paraît avoir préféré une autre méthode. Je viens, en effet, de recevoir du Ministère royal des Affaires étrangères une note me confirmant que «les instructions nécessaires ont été données aux autorités compétentes afin que les mesures d’expropriation des immeubles appartenant aux Juifs ne soient pas appliquées aux ressortissants suisses». Cette note n’a pas la portée générale que j’eusse souhaitée. Je me plais à espérer néanmoins qu’elle renforcera notre position dans le domaine restreint des expropriations immobilières. Au surplus, vous trouverez encore sous ce pli deux copies certifiées conformes d’une lettre personnelle de M. Mihai Antonesco m’assurant qu’aucune disposition spéciale n’a été jugée nécessaire au sujet des citoyens suisses, «vu que le gouvernement roumain, en vertu du droit d’interprétation des conventions, excepte des lois spéciales les citoyens des Etats avec lesquels la Roumanie a des conventions spéciales, ce qui est le cas des citoyens suisses». Ce nouvel engagement formel du chef du gouvernement me donne l’espoir de résoudre favorablement tous les cas d’espèce dont j’ai eu à m’occuper jusqu’à présent, ainsi que ceux qui pourraient se présenter dans la suite. Au surplus, mes efforts n’ont pas été inutiles puisque, ce matin même, la presse publie un communiqué de la commission interministérielle chargée d’organiser et de surveiller les «corvées obligatoires» imposées aux Juifs en remplacement du service militaire. Ce communiqué précise que les Juifs ressortissants d’un pays étranger et possesseurs d’un passeport valable sont exemptés (E 2001 (D) 3/174).↩
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Attitudes in relation to persecutions
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