Language: French
8.9.1933 (Friday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 8.9.1933
Minutes of the Federal Council (PVCF)
Le Conseil fédéral discute de l’interdiction de la Neue Zürcher Zeitung en Allemagne.

Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
1. Allemagne
1.5. Affaires de presse
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Printed in

Jean-Claude Favez et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 330

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Bern 1982

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Repository

dodis.ch/45872
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 8 septembre 19331

1389. Interdiction de la «Nouvelle Gazette de Zurich» en Allemagne.

M. le chef du département politique annonce qu’il a été informé par notre ministre à Berlin de l’interdiction dont est frappée pour 15 jours la «Nouvelle Gazette de Zurich» en raison d’un article paru le 30 août dans ce journal sous le titre «Süddeutsche Eindrücke)). Le nombre des journaux suisses interdits en Allemagne est actuellement de 17, mais ce sont des feuilles communistes ou socialistes en faveur desquelles il n’est pas possible d’intervenir, vu le caractère injurieux des articles qu’elles publient sur le régime hitlérien. Le cas de la ((National Zeitung», interdite également pour 15 jours, est différent, bien que ce journal ait témoigné aussi d’une certaine vivacité dans ses appréciations, et M. Dinichert a fait une démarche en sa faveur, mais sans succès2. Quant à la «Nouvelle Gazette de Zurich», la mesure qui l’atteint ne saurait se justifier par des violences de langage, l’article en question ne dépassant pas les limites d’une critique objective. Mais il faut reconnaître qu’en raison de la volonté de contrôler l’opinion qui se manifeste sous le régime hitlérien, tout journal allemand qui aurait publié pareil article aurait été certainement interdit. Peut-on, dans ces conditions, intervenir auprès du gouvernement allemand? De divers côtés, le département a été sollicité de recourir à des représailles en interdisant tel grand journal allemand, mais M. Motta s’y est refusé, dans la conviction qu’une telle mesure ne servirait pas les intérêts des journaux suisses et pour ne pas aigrir les rapports entre les deux pays qui, pour d’autres motifs, risquent de se tendre dans un avenir prochain.

Le chef du département politique prie ses collègues de lui donner leur avis. Il estime que M. Dinichert devrait demander à M. Neurath3 une audience pour lui expliquer que des mesures comme celle qui frappe la «Nouvelle Gazette de Zurich» excitent notre opinion et sont de nature à troubler les bonnes relations entre les deux pays. Ces mesures devraient donc être évitées.

M. le chef du département de l’intérieur admet que l’on ne doit pas, pour une question de journaux, troubler les rapports entre les deux pays. Mais nous devons songer à l’intérêt national qui nous commande de maintenir le contact avec nos ressortissants établis en Allemagne. Or aucun moyen n’est plus efficace à cet égard que la lecture des journaux du pays. L’Allemagne a, pour les mêmes raisons, un grand intérêt à ce que ses nationaux établis en Suisse puissent lire de la prose hitlérienne. En outre, sans mettre ce motif au premier plan, nous avons un intérêt à faire rayonner nos idées au dehors. Par ces motifs, il ne paraît pas indiqué d’observer une attitude passive à l’égard de l’interdiction dont est frappé le journal zurichois.

M. le chef du département de justice et police partage l’opinion qui vient d’être exprimée au sujet du contact avec nos ressortissants en Allemagne. Mais le souci de ce contact est-il suffisant pour justifier des représailles? Ne nous reprocherait-on pas, si nous entrions dans cette voie, de contester au gouvernement allemand le droit de contrôler la presse étrangère au moment où nous prétendons nous réserver ce droit à l’égard du journaliste Dell4?Il y a là une question de principe qui doit nous faire réfléchir. D’autre part nous aurons, en tout état de cause, à sévir contre les menées d’associations nationales-socialistes existantes et celles de sociétés d’étudiants en formation qui exercent une pression sur les autres étudiants allemands de nos universités. Or, en usant de représailles dans le domaine de la presse, nous affaiblirions notre situation à l’égard de ces groupements. Il suffira, pour le moment, de faire remarquer au nouveau ministre d’Allemagne5 que les interdictions de journaux suisses, loin de rallier notre presse au nouveau régime, ne peuvent qu’accentuer son hostilité.

M. le vice-président6 estime également que des représailles ne sont pas indiquées. Il faut agir avec la plus grande prudence, car, le jour où le Conseil fédéral prendrait publiquement fait et cause pour la «Nouvelle Gazette de Zurich», il créerait un dangereux précédent. M. Pilet-Golaz profitera d’une audience que lui a demandée M. de Weizsäcker pour exposer au nouveau ministre l’opinion développée par le chef du département de justice et police.

M. le chef du département militaire se prononce également contre des représailles.

Par ces motifs le conseil charge le département politique d’inviter M. Dinichert à exposer au gouvernement allemand que des mesures telles que l’interdiction de la «Nouvelle Gazette de Zurich» ne sont pas de nature à faciliter les rapports entre les deux pays et à lui signaler l’intérêt que l’Allemagne comme la Suisse ont à ce que les nationaux établis sur le territoire de l’autre Etat restent, par la presse, en contact avec la mère-patrie.

1
E 1004 1/342. Absents: Musy et Schulthess.
2
Lettre confidentielle du Ministre de Suisse à Berlin au Chef du Département politique, le 31 août 1933 (E 2001 (C) 4/132).
3
Ministre des Affaires étrangères du Reich.
4
Correspondant à Genève du Manchester Guardian. A la suite des événements du 9 novembre 1932 et d’une question écrite du Conseiller national J. Duft, le Conseil fédéral adresse à ce journaliste un avertissement (E 1004 1/342, PVCF du 5 septembre 1933).
5
5.E.v. Weizsäcker.
6
M. Pilet-Golaz, Chef du Département des Postes et Chemins de fer.