Sprache: Französisch
26.5.1931 (Dienstag)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 26.5.1931
Geheimes Bundesratsprotokoll (PVCF-S)
Rapport du DPF sur l’entretien avec les représentants des cantons de Genève, Vaud et Valais à propos des nouvelles propositions françaises. Délibération du Conseil fédéral.

Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.5. Affaire des zones
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Jean-Claude Favez et al. (Hg.)

Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 10, Dok. 81

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Bern 1982

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CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 26 mai 19311

Affaire des zones

(Voir le procès-verbal de la séance du 12 mai)2

M. le chef du département politique rapporte sur les délibérations de la conférence du 13 mai, dans laquelle les représentants des trois cantons intéressés3 aux zones franches ont exposé leurs vues sur les questions soulevées par la note française4. Trois points étaient en discussion: 1° le régime économique destiné à remplacer celui qui est fixé par les traités; 2° les facilités de circulation dans la région frontière; 3° la question ferroviaire.

Sur le premier point, la conférence a été unanime à déclarer que le régime nouveau devrait avoir un caractère de perpétuité, en ce sens que les contingents fixés conformément à des dispositions d’une durée illimitée, pourraient être modifiés périodiquement par accord entre les parties ou, à défaut d’accord, par sentence arbitrale.

Les propositions françaises relatives aux facilités de circulation, qui reposent sur le principe de la réciprocité, sont dans une certaine mesure l’anticipation d’une réglementation générale de la matière. La conférence a été d’avis que cette question pourrait être résolue en dehors de celle des zones.

Le troisième point a figuré au premier plan de la discussion. Les représentants du gouvernement genevois ont déclaré, avec une insistance particulière et au nom de l’opinion unanime des milieux consultés, que le moment était venu de réclamer le percement de la Faucille. La construction du St-Amour-Bellegarde est, à leur avis, une voie d’accès au mont Cenis et non au Simplon et, loin de servir les intérêts de Genève, serait un moyen de contourner cette ville. M. Motta n’a pas manqué de signaler les difficultés auxquelles se heurterait la construction de la ligne de la Faucille, dont le coût est évalué à 3 milliards de francs français. Mais les Genevois, sans se faire illusion sur l’accueil qui serait fait au projet par la France, déclarent que c’est un devoir de la Confédération de présenter cette revendication à Paris et ils se réfèrent aux assurances données en 1909 par le représentant du Conseil fédéral, M. Forrer, dans le débat qui eut lieu au Conseil national au sujet de la convention sur les voies d’accès au Simplon5. Ils allèguent que si cette revendication n’était pas présentée en ce moment, on pourrait à bon droit considérer que Genève l’a abandonnée. Ils ajoutent enfin que si l’unanimité a pu se faire à Genève au sujet de l’attitude à prendre à l’égard de la note française, c’est uniquement grâce à la revendication du percement de la Faucille.

M. Motta se demande si, en raison des assurances données jadis à Genève, on ne devra pas faire la démarche réclamée. Elle ne présenterait aucun risque, car les Français refuseraient certainement d’entrer dans ces vues. Mais les Genevois déclarent qu’alors ils refuseront catégoriquement de discuter le projet français. Ce point mérite une attention particulière, car il y aurait lieu de prendre sans tarder des mesures pour reprendre la procédure devant la cour de La Haye. Jusqu’ici le département s’est borné à faire demander, par une note du 136, si le gouvernement français est d’accord que le régime qui remplacerait celui des traités eût également un caractère perpétuel.

M. le président se demande si, plutôt que de faire à Paris une démarche dont tout le monde reconnaît qu’elle est condamnée à un insuccès, il ne faudrait pas demander au gouvernement genevois de revoir la question.

M. le chef du département de l'économie publique estime que si l’on veut poser la question de la Faucille, il ne faut pas attendre la réunion des négociateurs: elle devrait faire l’objet d’une note. Mais une pareille démarche lui paraît risquée. Tout d’abord on peut s’attendre que le canton de Vaud fera nettement opposition à une convention qui prévoirait le percement de la Faucille. On s’exposerait donc à un referendum, c’est-à-dire à une éventualité qui doit être écartée à tout prix. Mais, même abstraction faite de ce facteur, le Conseil fédéral se placerait dans une situation délicate en faisant la démarche en question. Ou bien, en effet, il présenterait le percement de la Faucille comme une condition sine qua non d’un arrangement sur la question des zones, et ce serait rendre impossible toute négociation. Ou bien la revendication ne serait pas présentée sous cette forme catégorique, et le Conseil fédéral s’attirerait les reproches des Genevois.

M. le chef du département des chemins de fer communique que la question du St-Amour-Bellegarde est actuellement étudiée par la direction générale des chemins de fer fédéraux. Un premier examen a amené M. Schrafl, président de la direction générale, à déclarer que l’exécution de ce projet ne peut qu’accessoirement servir les intérêts de Genève; son but principal est d’améliorer les relations par le mont Cenis afin de regagner l’avance de 1 h. Vi à 2 heures que la construction de la directe Bologne-Florence donnera au Simplon pour le parcours Paris-Rome. D’autre part, il serait peut-être possible de profiter de la nouvelle ligne pour améliorer les relations entre Lyon et Genève et attirer sur notre réseau une partie du trafic qui, de Marseille et de Bordeaux, se dirige sur l’Allemagne en contournant la Suisse.

Quant au percement de la Faucille, M. Schrafl déclare qu’il ne présente aucun intérêt pour la Suisse et que, dans ces conditions il ne pourrait être question, pour les chemins de fer fédéraux, de contribuer à financer l’entreprise. Cette dernière n’aurait de raison d’être que comme voie d’accès à un tunnel sous le mont Blanc, c’est-à-dire à une œuvre qui, économiquement, est définitivement condamnée. M. Pilet-Golaz conclut d’un propos que lui a tenu à ce sujet l’ambassadeur de France que le gouvernement français n’acceptera dans aucun cas d’étudier le percement de la Faucille. On peut même se demander si, en jetant dans le débat la question ferroviaire, il n’a pas eu l’amère-pensée de soulever en Suisse une discussion qui, en rompant le front unique, empêche la conclusion d’une convention et permette à la France de tirer argument devant la cour de La Haye d’une prétendue intransigeance de la Suisse.

M. Pilet-Golaz signale enfin le mécontentement profond causé dans le canton de Vaud par la revendication genevoise. L’agriculture vaudoise estime qu’elle a fait les frais du régime qui, depuis le déplacement du cordon douanier, permet aux produits zoniens d’entrer en franchise et sans compensation sur le territoire genevois. L’impression produite par la revendication genevoise a été d’autant plus pénible.

M. le chef du département des finances estime que la question de la Faucille n’a rien à faire avec celle des zones, car l’exécution de ce projet ne saurait jouer aucun rôle pour le ravitaillement économique de Genève. Il serait difficile de faire à Paris une proposition que le Conseil fédéral estimerait n’avoir aucune chance de succès.

M. le chef du département militaire ne comprend pas non plus qu’on puisse songer à lier les deux questions. Il serait dangereux de donner suite à la proposition des Genevois car, si nous sommes certains aujourd’hui de nous heurter à un refus, le jour peut venir où la France jugera de son intérêt de percer la Faucille, et elle invoquera alors cette démarche contre nous. Avant toute autre chose, il conviendrait d’intervenir auprès du gouvernement genevois pour l’amener à adopter une autre attitude.

M. le chef du département de l’intérieur constate que la question de la Faucille est une affaire suisse et non seulement genevoise. Il serait peut-être bon de l’étudier à ce point de vue et de consulter les représentants autorisés de la politique ferroviaire suisse. Cela nous permettrait sans doute de répondre au gouvernement genevois qu’il nous est impossible de nous engager dans la voie indiquée. On replacerait ainsi la question des zones sur son véritable terrain.

M. le chef du département politique reconnaît qu’il est désagréable que la question ferroviaire ait été jetée dans le débat mais ajoute que, tout en répondant négativement en ce qui concerne la Faucille, la France peut offrir des améliorations du projet St-Amour-Bellegarde qui donnent satisfaction aux Genevois. Il ne demandera au conseil de prendre une décision que dans une prochaine séance, lorsqu’il sera en mesure de faire une proposition ferme.

La suite de la discussion est ajournée jusqu’à ce moment7.

1
E 1005 2/3.
2
Non reproduit.
3
Genève, Valais et Vaud. 'S. Du 15 avril 1931.
4
Du 15 avril 1931.
5
Le 20 décembre 1909 (Bulletin sténographique officiel de l’Assemblée fédérale, Conseil national, 1909, pp. 829-830).
6
Dans sa note du 14 - et non du 13 - mai 1931, le Conseil fédéral se contente de remarquer que ce n’est pas dans le sens envisagé par le Gouvernement français qu’une amélioration de la situation ferroviaire de Genève pourrait éventuellement contribuer à la solution de la question des zones et se réserve de faire connaître ultérieurement ses vues d’une façon plus complète (Cour permanente de justice internationale, Série C, Plaidoyers, exposés oraux et documents. XXVe session. 1932. No 58. Affaire des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex. Arrêt du 7 juin 1932, pp. 192ss.).
7
Le 3 juin le Conseil fédéral décide de ne pas soulever la question de la Faucille dans la première phase des négociations qui doivent s’ouvrir à Berne, mais d’aborder en premier lieu le principe de la permanence des arrangements à conclure entre les deux pays (E 1005 2/3 PVCF secret, du 3 juin). Le procès-verbal des négociations qui se déroulent du 13 au 15 juin a été publié par les soins de la Cour (Cour permanente de justice internationale, Série C. Plaidoiries, exposés oraux et documents. XXVe session. 1932, No 58. Affaire des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex. Arrêt du 7 juin 1932, pp.202ss.).