Meinung von türkischen Regierungskreisen über die Kriegsgefahr, die Lage im Fernen Osten, die Beziehungen zwischen der UdSSR, Jugoslawien und den Satellitenstaaten.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 17, doc. 103
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#20* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 11 | |
Dossier title | Ankara, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 7 (1947–1948) |
dodis.ch/4560 CONFIDENCES TURQUES SUR LA SITUATION GÉNÉRALE
[…] 2
Causant assez longuement avec une personnalité très près du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Guerre3, j’ai recueilli des informations assez inédites sur ce que certains milieux turcs influents pensent de la situation générale. Voici, en gros, ce que mon interlocuteur m’a exposé:
[…] 4
[En ce qui concerne] la situation internationale, mon informateur me confie ceci: Pour les milieux militaires turcs, la guerre «est inévitable», à moins d’une retraite générale de l’Union soviétique. Leur conviction repose surtout sur les constatations faites par le chef de l’aviation qui s’est rendu récemment aux Etats-Unis. Là-bas, on lui a fait voir tout l’effort d’armement américain. Il est gigantesque et dépasse déjà ce qu’on a fait pendant la dernière guerre. Mais il n’est pas achevé. Il ne le sera que vers 1951. A ce moment, il faudra se décider: ou l’on obtiendra un arrangement satisfaisant avec les Soviets ou force sera de recourir à la guerre. Les militaires américains ont déclaré, en effet, que leur pays ne pourrait pas faire supporter plus longtemps aux contribuables le fardeau de telles dépenses. Or, si la tension avec l’URSS se maintenait au-delà de 1951, le matériel de guerre coûterait encore des sommes énormes, car soit à la suite d’usure ou de vieillissement naturel, soit à la suite d’inventions nouvelles, il faudrait le renouveler, du moins en partie. L’actuelle situation de paix armée se poursuivrait donc avec les dépenses énormes qu’elle nécessite, ce qui serait intolérable. Pour les experts de Washington, il serait matériellement impossible de prolonger l’effort au-delà de la date susindiquée. Le matériel accumulé jusqu’en 1951 devra ou être utilisé ou rendu inutile par une amélioration fondamentale des relations avec les Soviets. Ceux-ci n’auront pas le choix: on leur demandera ou de se retirer, non pas derrière le rideau de fer, mais bien à l’intérieur de leurs frontières politiques, ou d’affronter la puissance des armes américaines. Retrait volontaire ou expulsion manu militari. Ce sera la seule alternative.
Que feront les Russes?
Tout dépendra, me dit mon interlocuteur – et je comprends tout de suite pourquoi il est venu me voir – des développements en Extrême-Orient. Actuellement, la situation en Chine évolue en faveur de Moscou. Chiang-Kai-Chek est en train de subir une débâcle, ce qui va profiter énormément aux communistes russes. La Chine avec eux, leur position sera redoutable dans ces régions. Elle est déjà inquiétante aujourd’hui. A Ankara, on possède des informations sûres sur leurs infiltrations aux Indes. Ils travaillent activement par des agents habiles qui vont semer subrepticement la «bonne nouvelle» dans les masses indoues. L’Indoustan et le Pakistan sont déjà menacés. Or, à supposer que le communisme réussisse à s’implanter solidement en Extrême-Orient, la Russie se sentira si forte qu’elle tiendra tête, selon toute vraisemblance, au futur ultimatum américain. Et ce sera la guerre, la guerre générale dans le monde entier entre ce qui est communiste et ce qui ne l’est pas. Si, au contraire, les Soviets échouent dans leur tentative de s’assurer de solides points d’appui en Asie, il est fort possible que, pris entre deux feux, ils cèdent à la menace américaine et se retirent dans leurs terres, abandonnant toute idée d’hégémonie en Europe et ailleurs.
La situation en Extrême-Orient présente toutefois encore bien des inconnues. Le Japon en constitue une, et non des moindres, et l’on se demande, à Ankara, quelle pourra bien être l’attitude de ce peuple vaincu envers une Chine communisée et une Russie voisine devenue plus puissante que jamais. Ne pourrait-il se laisser entraîner par les sirènes de Moscou? On espère évidemment que non et l’on fait des vœux pour qu’il devienne un instrument d’action efficace entre les mains des Américains. S’il en était ainsi, l’apport japonais compenserait alors la défection chinoise et permettrait même d’escompter un redressement en Chine.
En attendant, et sans perdre de vue les graves événements du Far-East, on continue à suivre de très près les agissements et manœuvres des Soviets en Europe. Le front grec a beaucoup perdu de son intérêt. Malgré le cas Tito, la Yougoslavie reste fidèle à la doctrine. A la suite de l’intervention du «Kominform», elle a cherché à se rapprocher de l’Occident. L’Angleterre n’était pas hostile, mais les Etats-Unis ont opposé un sec refus. Ils seraient persuadés que 80% des Yougoslaves sont contre la dictature actuelle et il est contraire aux principes américains d’agir contre la volonté des peuples. Sur ces entrefaites, Belgrade s’est tournée de nouveau contre Moscou. Les Soviets, en cas de conflit, n’auraient donc rien à redouter de leur satellite. On va même jusqu’à dire, dans certains cercles turcs, que la brouille entre le «Kominform» et le Maréchal Tito n’est qu’un bluff.
Pour le moment, il ne serait guère douteux que Moscou travaille à l’instauration d’une sorte de Confédération des Etats liges, Confédération qu’elle serait seule à représenter diplomatiquement au dehors5. On en voit déjà les symptômes en Turquie. Les Ambassadeurs de Yougoslavie et de Roumanie, ainsi que le Ministre de Tchécoslovaquie sont partis et n’ont été remplacés que par des comparses qui n’ont aucune importance personnelle. Il ne s’agirait pas seulement de frapper d’une «capitis deminutio» les Missions diplomatiques des pays satellites, mais même de les remplacer peu à peu par des Consulats qui, ne traitant aucune question politique – ce serait l’apanage exclusif de l’Ambassade des Soviets – ne feraient plus que vaquer à des affaires d’ordre administratif ou, à la rigueur, aussi économique. Ce ne serait plus, à tout prendre, que des dépendances de l’Ambassade soviétique. Mon interlocuteur m’assure qu’on possède à ce sujet des informations assez suggestives et qu’elles ont été obtenues par l’interception de certains télégrammes expédiés d’Ankara à des capitales sises derrière le rideau de fer. Il ajoute même, en riant de bon cœur, que le chiffre des pays satellites n’a rien de sorcier et qu’il a été assez facile d’en saisir la clef.
Tels sont, assez fortement condensés, les renseignements que j’ai recueillis. Leur valeur intrinsèque peut être sujette à caution. Les éléments d’information de mon interlocuteur sont-ils assez nombreux et assez concordants pour que l’on soit déjà en mesure d’en tirer des conclusions positives? Mais je les donne tels qu’ils émanent des sphères les plus hautes de l’information politique turque.
- 1
- E 2300 Ankara/7.↩
- 2
- Au début de son rapport, C. Gorgé rend compte des débats qui ont eu lieu à la Grande Assemblée nationale turque au sujet du prix du sucre. Ces débats ont failli mettre le gouvernement en minorité et provoquer une crise ministérielle.↩
- 3
- Cette personne n’a pas pu être identifiée.↩
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