Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
II. DIE SCHWEIZ UND DER VÖLKERBUND
8. Völkerbundssitz
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 9, doc. 372
volume linkBern 1980
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1535#171* | |
Dossier title | Transfert éventuel du siège de la SdN (1927–1928) | |
File reference archive | B.56.02 |
dodis.ch/45389
Der Chef der Abteilung für Auswärtiges des Politischen Departementes, P. Dinichert, an die diplomatischen Vertretungen der Schweiz im Ausland1
Le présent rapport a pour but de vous mettre au courant des diverses phases par lesquelles a passé, au cours des derniers mois, la question du transfert à Vienne du siège de la Société des Nations. Il n’est point aisé, au milieu d’informations parfois contradictoires, de démêler l’écheveau des divers intérêts en présence. Toutefois, nous fondant sur les renseignements que quelques-uns de nos représentants ont bien voulu nous fournir ainsi que sur les articles de la presse nous croyons pouvoir reconstituer ainsi le développement de l’affaire.
Une première constatation s’impose. C’est l’article VII, premier alinéa, du Pacte de la Société des Nations qui désigne Genève comme siège de la Société. Cependant, le deuxième alinéa ajoute immédiatement que «le Conseil peut, à tout moment, décider de l’établir en tout autre lieu». Le message du Conseil fédéral du 4 août 1919 concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations s’exprime à ce propos en ces termes: «Le texte désignant Genève n’est donc pas protégé contre toute modification par la clause de révision du Pacte et l’on n’est pas fondé à parler ici d’un droit spécial et contractuel de la Suisse et de la création, au profit de la Suisse, d’une situation juridique spéciale résultant du fait qu’elle abritera le siège de la Société.» Il importe de préciser ce point au moment d’aborder la question du transfert; car deux conséquences découlent immédiatement du deuxième alinéa de l’article VII, à savoir, premièrement, que, juridiquement du moins, le choix d’un nouveau siège pour la Société dépend du Conseil et, secondement, que sa décision devrait être prise à l’unanimité.
La presse a commencé à reprendre la question du siège au début du mois de novembre dernier. L’a-t-elle fait de son propre mouvement ou y a-t-elle été incitée? Nous trouvons, à ce sujet, deux indications dans les rapports des Légations de Suisse à Vienne et à Prague. Le 13 de ce mois, M. Jaeger nous écrivait que, dans une conversation qu’il avait eue avec le vice-président du Conseil fédéral d’Autriche, son interlocuteur lui avait déclaré qu’au début, la campagne de presse avait été déclanchée par M. Bénès. Et M. Bruggmann s’exprimait en ces termes à la date du 15: «Je ne puis me défendre de l’impression que l’attaque de la presse a été provoquée par des personnalités officielles au milieu desquelles des Tchécoslovaques pourraient bien aussi se trouver.»
Inspiré ou non, la campagne de presse a débuté, le 11 novembre, dans le «New York Times» par un article de M. Wythe Williams, président de l’association internationale des journalistes accrédités auprès de la Société des Nations. M. Williams écrivait de Vienne, où il s’était rendu, qu'un comité allait se fonder dans la capitale autrichienne, qu’il comprendrait de nombreux personnages influents et travaillerait à réaliser le transfert de la Société des Nations à Vienne, où le Secrétariat général et le Bureau international du Travail pourraient s’installer dans la partie de la Hofburg construite par l’archiduc François-Ferdinand.
Très vite, l’article de M. Williams éveilla des échos. Celui des journalistes qui se distinguait également par son empressement à soutenir la thèse du transfert était M. André Glarner, correspondant à Genève de 1’«Exchange Telegraph» et secrétaire général de l’association présidée par M. Williams. La presse autrichienne se montrait particulièrement friande de nouvelles relatives au déplacement et elle leur consacrait de nombreux commentaires.
Jusqu’à la fin de l’année, le Département ne s’est cependant pas laissé impressionner par toutes ces rumeurs. Il attribuait la campagne de MM. Williams et Glarner à quelque mauvaise humeur à l’égard de Genève, ville qui n’offre pas les distractions d’une grande capitale. On savait aussi M. Williams monté contre la Suisse ensuite, notamment, d’un incident survenu à son arrivée. Venu à Genève en automobile, il s’était attendu à ce que sa qualité de correspondant de presse pour les questions de la Société des Nations le dispensât des droits d’entrée sur sa voiture.
Mais ce qui contribuait particulièrement à tranquilliser le Département, c’était trois interventions destinées à maintenir notre confiance. La première avait été effectuée par le Ministre d’Autriche. De retour d’un séjour à Vienne, il était venu nous donner l’assurance, de la part du Chancelier fédéral lui-même, que le Gouvernement autrichien se refuserait à aborder le sujet du transfert aussi longtemps que la question ne serait pas soulevée par le Conseil de la Société des Nations, seul compétent. Secondement, à l’issue de la session du Conseil du mois de décembre, Sir Eric Drummond avait chargé son collaborateur M. de Montenach de nous confirmer les sentiments amicaux de la plupart des membres du Conseil ainsi que des hauts fonctionnaires du Secrétariat général. Enfin, le Ministre de Colombie, qui représente son pays au Conseil, nous dit avoir remporté de la session l’impression que ses collègues ne songeaient pas à déplacer le siège. Mgr Seipel répondait, du reste, au même moment, à une question de la commission du budget du Conseil national autrichien, dans le sens dans lequel le Ministre d’Autriche à Berne s’était exprimé.
Par ailleurs, les travaux relatifs à l’établissement définitif à Genève des organes permanents de la Société des Nations se poursuivaient normalement. Le comité chargé par la huitième Assemblée de choisir l’un des neuf projets de palais des Assemblées et de Secrétariat général qui avaient obtenu un premier prix s’était réuni au début de novembre; il avait fait étudier les plans par des spécialistes, s’était retrouvé à Genève à la mi-décembre et avait pris une décision.
La question entra dans sa deuxième phase avec l'année nouvelle. Le 9 janvier, Mgr. Seipel, au cours de sa réception diplomatique bimensuelle, déclara à notre Ministre que le problème du transfert n’était plus aussi anodin que précédemment et que, du côté de l’Italie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, on l’en avait entretenu. Il ajouta qu’il se refusait à considérer la Société des Nations comme un cirque ambulant, que les intérêts touristiques de l’Autriche ne sauraient être déterminants et que toute la question relevait de la politique.
M. Jaeger chercha à apprendre si c’était les Ministres d’Italie, de Pologne et de Tchécoslovaquie qui avaient abordé le sujet avec le Chancelier, quand ils l’avaient fait et s’ils avaient agi sur instructions. Ses observations l’ont amené à admettre que les entretiens dataient du matin même, que c’était bien ses collègues qui avaient parlé et qu’ils étaient intervenus d’accord avec leur Gouvernement.
Les propos de Mgr Seipel, quoique glissés plutôt en passant, exigeaient que le Département se montrât vigilant. Le Ministre de Suisse à Vienne fut chargé de prêter la plus vive attention au problème et autorisé à déclarer que le Conseil fédéral considérerait tout acte tendant à priver Genève du siège de la Société des Nations comme nettement inamical, qu’il n’y avait aucune raison d’infliger à Genève et, par Genève, à la Confédération suisse tout entière, une semblable humiliation. Nous ajoutions que le transfert du siège de Genève à Vienne serait contraire, non à la lettre, mais à l’esprit du Pacte; car il ne pourrait guère avoir que cette explication: la tendance des vainqueurs à maintenir sans changement les résultats de la guerre consacrés par les traités.
On s’imagine, écrivions-nous encore, que le transfert du siège à Vienne empêchera le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne. Nous-mêmes n’avons aucun intérêt à ce rattachement. Nous l’avons montré en participant activement à l’œuvre de reconstruction de l’Autriche. Mais nous pensons que l’établissement du siège serait un bien faible obstacle à opposer à P«Anschluss». M. Jaeger avait encore pour mission de faire savoir au Chancelier fédéral que ses propos nous avaient été rapportés, que nous ne doutions pas de son amitié à notre égard, mais que le Conseil fédéral suivrait l’affaire avec attention et s’opposerait de toutes ses forces à un coup qui atteindrait le prestige de la Confédération.
Entre temps, M. Jaeger avait vu le Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères. La manière dont M. Peter envisageait les choses lui parut bien correspondre à la façon de voir du Chancelier et du Gouvernement fédéral. Dans un rapport du 2 février, notre Ministre nous écrivait ce qui suit: Cela m’a intéressé d’entendre le Secrétaire général. Comme il s’est servi des expressions «cirque ambulant» et «intérêts touristiques», je dois admettre qu’il était au courant des intentions du Chancelier. Or il pensait que, si quelqu’un demandait à l’Autriche de prendre une initiative, la réponse serait négative. Les excellentes relations qui unissent la Suisse et l’Autriche lui paraissaient interdire à son pays toute autre attitude que celle, loyale selon lui, qu’il avait adoptée. Si certaines puissances voulaient agir, elles devaient le faire elles-mêmes, à Genève, au Conseil de la Société des Nations. Alors seulement, le moment serait venu pour Vienne de se préoccuper du problème.
Un passage de la déclaration faite le 9 janvier par Mgr Seipel nous avait particulièrement frappés: c’est celui où le Chancelier fédéral prétend que, du côté de l’Italie, on avait abordé la question du transfert. Nous voulûmes en avoir le cœur net et chargeâmes le Ministre de Suisse à Rome de demander une audience à M. Mussolini. M. Wagnière devait nettement représenter au Chef du Gouvernement italien qu’une attitude de l’Italie favorable au transfert de la Société des Nations à Vienne serait ressentie douloureusement par le peuple suisse et le Conseil fédéral. Notre Ministre à Rome put s’acquitter de sa mission le 13 de ce mois. La réponse de M. Mussolini fut la suivante: «Les bruits du transfert du siège ont pris naissance à la suite d’articles d’un journaliste américain. J’en ai eu connaissance, et je connais tous les motifs qui pourraient sembler favorables à Vienne. Mais Genève offre des avantages incomparables, étant, beaucoup plus que Vienne, à l’abri des intrigues politiques et particulièrement balkaniques. (Il a beaucoup insisté sur le danger du voisinage des Balkans.)
Aucune démarche n’a été entreprise en faveur de ce transfert. La première personne ayant une qualité officielle qui m’en a parlé est M. Schuller, le délégué autrichien bien connu, qui est venu me voir, il y a une quinzaine de jours, pour me remercier, de la part de Mgr Seipel, du prêt que nous avons consenti à l’Autriche et de la suppression du contrôle militaire. Au cours de la conversation, il a abordé la question du transfert, sans prendre parti. Je sais, en effet, que ce transfert serait envisagé en particulier par la Tchécoslovaquie, et principalement par M. Bénès, comme un «zuccherino» à donner à l’Autriche. Il y a des gens qui s’imaginent que l’on pourrait ainsi empêcher l’«Anschluss».
En ce qui me concerne, je ne prêterais pas les mains, comme je l’ai déclaré à Schuller, à cette opération, en premier lieu par égard pour la Suisse, ensuite, parce que je la juge tout à fait défavorable au but poursuivi. C’est ma conviction, que j’ai toujours soutenue; je n’ai donc ordonné et encouragé aucune démarche quelconque dans le sens que vous dites. Du reste, il ne doit pas y avoir eu de démarches officielles quelconques. Ce sont des bruits qui courent et vous ne devez pas vous en préoccuper.»
M. Jaeger nous avait déjà informés, le 3 février, que celui de ses collègues qui semblait pousser le plus activement au transfert était le Ministre de Tchécoslovaquie. Le 7, le Chargé d’Affaires de Suisse à Prague nous rendait compte d’une conversation qu’il avait eue avec le Directeur de la Section politique au Ministère des Affaires étrangères. M. Krofta s’était exprimé en ces termes: «11 s’agit probablement d’une tentative de pression sur le Gouvernement suisse que l’on amènerait par là à se montrer plus libéral en matière de privilèges diplomatiques. La Tchécoslovaquie est extrêmement intéressée au transfert du siège à Vienne, car l’Autriche s’en trouverait en quelque sorte neutralisée. La Tchécoslovaquie, qui est entourée d’Allemands, doit favoriser tout effort tendant à les empêcher de s’unir.» Le 18, M. Wagnière nous rapportait un propos du nouveau Ministre de Monaco à Rome. Ce diplomate, qui arrivait de Prague, affirmait que l’idée du transfert était soutenue par M. Bénès, qui se montrait très enthousiaste de l’idée. Enfin, M. Riifenacht nous faisait part de ces déclarations recueillies à l’Office allemand des Affaires étrangères.
Mgr Seipel a mis très adroitement son affaire en scène. L’Office allemand des Affaires étrangères a envisagé sans enthousiasme la visite à Vienne du Chancelier d’Empire et du Ministre des Affaires étrangères. Bien que ce voyage dût, soidisant, revêtir un caractère tout à fait officieux, il fallait cependant s’attendre à ce qu’il fournît l’occasion d’entretiens politiques, ce qui n’était, à ce moment-là, pas du tout à souhaiter. Effectivement, Mgr Seipel a posé aux visiteurs des questions précises. D’abord, il a proposé une union douanière. Quand on lui en eut signalé les impossibilités présentes, il souhaita de connaître le point de vue du Gouvernement allemand dans la question du rattachement. On lui répondit que l’opération se heurterait, actuellement, à une interdiction, que l’Allemagne avait, pour l’instant, d’autres préoccupations en matière de politique étrangère et qu’elle désirait que le développement de la question suivît simplement son cours. Mgr Seipel sollicita alors, en faveur de l’Autriche, un secours tout au moins d’ordre économique. Comme la situation de l’Allemagne s’opposait à ce qu’on le lui promît, Mgr Seipel constata alors que l’Autriche n’avait aucun appui à attendre de l’Allemagne et qu’il fallait donc qu’elle se protégeât elle-même. Craignant un coup de main de la part de la Yougoslavie, qui aurait pour conséquence une intervention italienne, l’Autriche se sentirait plus en sécurité si la Société des Nations avait son siège à Vienne. Mais, comme les Puissances ne toléreraient pas la présence de la, Société des Nations en Allemagne, il fallait donc que l’on renonçât définitivement à l’idée du rattachement. Il fallait plus encore. Vienne devrait être neutralisée; des troupes seraient nécessaires pour protéger la Société des Nations et l’Etat siège. Le reste de l’Autriche serait annexé à d’autres pays, à la Bavière surtout.
A Berlin, on ne croit pas non plus que la récente visite de Mgr Seipel à Prague ne soit qu’une réminiscence de son activité professorale.
Un haut fonctionnaire de l’Office des Affaires étrangères considère d’emblée comme erronée l’idée suivant laquelle la Société des Nations pourrait éviter un conflit armé si elle avait son siège près de la zone dangereuse. Semblable mesure serait analogue à celle qui consisterait à transférer un grand quartier général sur le front, où il risquerait d’être submergé. Il est d’avis que la Suisse, pays central et Etat neutre par excellence, est le siège le plus indiqué et que la Société ne saurait être transférée sans motifs absolument péremptoires. Telle est également l’opinion de M. Stresemann, et il y a lieu de croire que la Grande-Bretagne ne consentirait pas à un déplacement.
Comme le dit fonctionnaire relevait, en manière de conclusion, que le transfert lui paraissait très peu vraisemblable et que M. Rüfenacht cherchait à résumer la situation en disant que l’Allemagne et la Grande-Bretagne voteraient donc contre, le premier fit des réserves. Ce qu’il avait dit de la Grande-Bretagne n’avait que la valeur d’une opinion et, d’autre part, la manière rapide et souvent changeante dont M. Stresemann prendrait ses déterminations ne permettait pas de prédire sûrement son attitude au moment décisif. Si, par exemple, l’Allemagne devait se trouver isolée, il ne lui serait guère loisible de s’opposer, seule, à un transfert.
M. Gaus, directeur ministériel et l’un des délégués allemands à la Société des Nations, s’est montré, devant M. Rüfenacht, adversaire déclaré d’un déplacement, aussi bien pour des considérations d’ordre allemand que par égard pour la Suisse et parce que, du point de vue de la Société des Nations, aucun argument sérieux ne milite en faveur du transfert, tandis que de nombreuses raisons s’y opposent. Le sous-secrétaire général allemand de la Société des Nations, M. Dufour-Féronce, partage aussi cette manière de voir.
Résumée, l’affaire semble se présenter ainsi: Dès le début, le foyer de l’intrigue se trouve à Prague. Ce fait est confirmé par des renseignements concordants de Prague, de Rome et de Vienne. Opposer un obstacle de plus au rattachement de l’Autriche à l’Allemagne, tel est le but poursuivi par M. Bénès. La Tchécoslovaquie trouve auprès du Chancelier fédéral d’Autriche une certaine résistance, qui se transforme progressivement en passivité, puis en complaisance. L’action concertée de Prague et de Vienne ne semble cependant guère s’être étendue au-delà. L’Allemagne s’est montrée plutôt opposée et l’Italie fort catégorique. On est donc en droit de considérer que, toute surprise réservée, le coup a fait long feu.
A l’ordre du jour de la session du Conseil qui s’ouvrira le 5 mars, figure la question du futur palais des Assemblées et du nouveau Secrétariat général. 11 semble que les architectes désignés par le Comité des cinq aient mis au point le projet choisi, celui de MM. Nénot et Flegenheimer. Si le Comité les accepte sous leur forme revisée, les plans pourront être soumis au Conseil dans quelques jours. La décision du Conseil une fois prise, on peut bien espérer que la question du siège se trouvera, sinon définitivement résolue, - car juridiquement elle ne le sera jamais, - du moins soustraite à toute autre considération que celles absolument péremtoires qui pourraient rendre un transfert nécessaire.
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- (Kopie): E 2001 (C) 5/9.↩
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