Vortrag Petitpierres vor dem BR über seine Reise nach Paris, wo er an den Versammlungen des Rates und des Exekutivkomitees der OECE teilgenommen hat. Unterredung Petitpierres mit verschiedenen europäischen Staatsmännern und mit Harriman. Allgemeine Schlussfolgerungen.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 17, doc. 119
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
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Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 18 | |
Dossier title | Voyages à l'étranger de Max Petitpierre : documents divers (1946–1960) | |
File reference archive | 33 |
dodis.ch/4401
Le but de ce voyage était d’assister aux réunions du Conseil et du Comité exécutif de l’Organisation européenne de coopération économique.
Le Comité exécutif, composé de représentants de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Suède, de la Turquie et de la Suisse, plus M. Spaak, Président du Conseil de l’OECE, et le représentant de l’Irlande, s’est réuni trois fois. Les séances ont eu lieu à huis clos, chaque ministre des Affaires étrangères étant assisté d’un expert. En outre, le Secrétaire général de l’OECE, M. Marjolin, et deux de ses collaborateurs étaient présents. Les séances ont été présidées par M. Spaak (Belgique). Etaient en outre présents:Sir Stafford Cripps (Grande-Bretagne) M. Schuman (France) le Comte Sforza (Italie) M. Unden (Suède) M Sadak (Turquie) M. MacBride (Irlande) M. Hirschfeld (remplaçant le Ministre Stikker, retenu à La Haye par une crise ministérielle, – Pays-Bas) le soussigné (Suisse).
Les discussions étaient très ouvertes, des procès-verbaux n’étant pas tenus. Les Etats-Unis n’étaient pas représentés à ces réunions. Toutefois, à la fin de la troisième séance, l’Ambassadeur Harriman a été introduit pour faire un bref exposé.
Le Conseil s’est réuni le jeudi 17 février, matin et après-midi. Les Etats membres de l’OECE étaient représentés en général par leur ministre des Affaires étrangères. La bizone anglo-américaine, la zone d’occupation française et le territoire de Trieste avaient envoyé des délégués. Ce qui m’a paru caractériser ces réunions, c’est la bonne volonté et la courtoisie des participants. Leurs vues étaient souvent différentes, mais toujours exprimées avec modération et inspirées d’un désir de conciliation. Au cours de ces réunions, on n’a pas fait de politique. Je crois n’avoir entendu aucune allusion à l’URSS, aux pays de l’Europe de l’Est ou au communisme. D’autre part, aucune confusion n’a été faite entre l’OECE et d’autres organisations auxquelles certains des pays représentés sont intéressés, comme le pacte de l’Atlantique ou l’Union européenne. Seul le Comte Sforza a manifesté une tendance à confondre les différentes formes de collaboration européenne, mais ses déclarations n’ont pas eu d’écho.
Les questions traitées ont été les suivantes:
1. Création d’un organisme nouveau au sein de l’OECE, soit un comité composé de cinq ministres, dont M. Spaak, Président du Conseil de l’OECE. Les autres pays représentés auraient été la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et la Suède. Les personnes désignées l’auraient été autant en raison de leur personnalité que comme représentant un pays. Cette proposition avait été formulée par M. Spaak. Elle était soutenue par la France et par la Grande-Bretagne. Elle a été combattue par la Suède et par la Suisse. La décision a été prise de ne pas créer ce nouvel organe, mais de réunir dorénavant le Comité exécutif de sept membres prévu par la Convention de l’OECE du 16 avril 1948, quatre fois par an au moins sur le plan ministériel et sous la présidence du Président du Conseil de l’OECE. Le but de cette décision est d’élever le niveau des délibérations sur les questions traitées par l’OECE et d’intéresser directement les gouvernements à ces discussions pour leur donner plus de poids. Les débats ont fait ressortir nettement (des déclarations expresses ont été faites à cet égard, ainsi par M. Schuman et par Sir Stafford Cripps):
a) que l’OECE doit rester une organisation strictement économique. Ses buts ne doivent pas être élargis. Elle ne doit pas être politisée;
b) qu’il n’est pas question de créer une espèce de gouvernement économique de l’Europe, mais que la tâche du Comité exécutif réuni sur le plan ministériel doit être exclusivement consultative;
c) que les problèmes de coopération économique ne doivent dorénavant plus être discutés seulement sur le plan technique, considéré comme insuffisant, mais sur le plan gouvernemental;
d) que les problèmes européens doivent être discutés et résolus en dehors de toute intervention des Etats-Unis.
Je suis intervenu une seule fois dans la discussion au sein du Comité exécutif, pour souligner la satisfaction que j’éprouvais à constater qu’il n’était pas question d’élargir les buts de l’OECE ni de créer un gouvernement économique de l’Europe, tendances auxquelles la Suisse serait nettement opposée. Je n’ai pas pris la parole au cours des séances du Conseil. La déclaration que j’avais préparée n’aurait pas trouvé sa place dans les débats. Au surplus, certaines des idées qu’elle contenait se trouvaient exprimées dans la résolution française sur le programme à long terme, qui a été adoptée à l’unanimité.
2. On a apporté certaines modifications au système actuel pour améliorer le travail de l’Organisation. Au cours de cette première année, ce travail a été considérable. On a travaillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à raison de trois équipes qui se succédaient. Ces modifications n’ont pas donné lieu à discussion. Elles avaient été examinées à Berne par le Département politique et la Division du Commerce, et reconnues judicieuses.
3. Une proposition de l’Italie de voter une résolution affirmant que l’OECE subsisterait après la fin de l’aide américaine a été jugée inutile, étant donnée la Convention du 16 avril 1948, qui est explicite. L’idée italienne a été néanmoins reprise dans la résolution française.
4. La résolution française sur le programme d’action pour 1949 et 1950 a été adoptée à l’unanimité. Les idées exprimées dans cette résolution sont saines et conformes à nos propres vues sur la reconstruction économique de l’Europe.
Les grands problèmes de fond n’ont pas été abordés. Il est cependant intéressant de noter l’importance que plusieurs délégations attachent au développement du tourisme.
5. La décision a été prise de réunir le Comité exécutif sur le plan ministériel le 4 mars. La discussion sera introduite par un rapport de Sir Stafford Cripps et les débats permettront de confronter les programmes de relèvement nationaux, de chercher à les harmoniser et d’étudier le programme à long terme élaboré par l’OECE l’an dernier.
En résumé, les débats ont porté exclusivement sur des questions de procédure. Le danger d’un élargissement des buts de l’OECE et de sa politisation a été écarté sans qu’un doute quelconque puisse subsister.
Au cours de mon séjour à Paris, j’ai eu différents entretiens, en particulier avant la réunion de l’OECE, avec M. Unden, Ministre des Affaires étrangères de Suède, et M. Menemencioglu, Ambassadeur de Turquie à Paris. Ces deux messieurs m’avaient demandé un entretien pour examiner avec moi les problèmes à l’ordre du jour, en particulier la proposition de créer un nouvel organe ministériel de cinq membres. Je relève en passant que je n’ai moimême sollicité aucun entretien et que je n’ai fait que répondre à des demandes qui m’avaient été adressées.
Avec Sir Stafford Cripps, qui avait demandé à me voir à propos de nos relations commerciales avec la Grande-Bretagne, j’ai échangé quelques mots et j’ai pu constater le désir de mon interlocuteur d’aboutir à un accord, ainsi que la divergence de vues entre les Anglais et les Français dans la question du tourisme, la Grande-Bretagne ne désirant pas l’abandon de la clause de la nation la plus favorisée au profit de la France2.
Avec M. Schuman, que j’ai vu à son bureau au Quai d’Orsay, nous avons passé en revue les problèmes franco-suisses3. J’ai malheureusement dû me rendre compte que, dans le problème des nationalisations4, l’opposition du Ministère des Finances empêcherait vraisemblablement un accord satisfaisant pour nous.
J’ai vu également le Président de la République, M. Vincent Auriol, qui avait manifesté, par l’intermédiaire de M. Schuman, le désir de faire ma connaissance et auquel j’ai fait une visite de caractère privé.
J’ai eu d’autres entretiens avec MM. Spaak, Sadak, le Comte Sforza, M. Marjolin, Secrétaire général de l’OECE, M. Hirschfeld, etc. Le plus intéressant est celui que j’ai eu avec M. Harriman. J’ai déjeuné en tête à tête avec lui, en présence de deux interprètes, un Américain et M. Rezzonico, de notre Légation à Paris.
Il est inutile que je relate dans le détail ces entretiens. Je voudrais simplement relever quelques renseignements, qui en sont résultés:
1) La Suède est en principe d’accord d’adhérer à l’Union occidentale5. Elle est entrée en discussion pour cela avec les promoteurs de cette Union. Elle ne considère pas que cette adhésion soit en contradiction avec sa politique de neutralité.
Quant au pacte de l’Atlantique, une forte pression a été exercée par les Etats-Unis, qui ont déclaré ne pas vouloir fournir d’armes et de munitions aux Etats qui n’auraient pas adhéré à ce pacte. La Suède, qui a besoin d’armes américaines, peut invoquer le fait qu’elle fournit elle-même des armes à des Etats qui adhéreront au pacte, comme les Pays-Bas, etc. Elle estime pouvoir demander une certaine compensation entre ses livraisons et celles qu’elle désire recevoir des Etats-Unis.
La Suède continue à faire des sacrifices pour sa défense nationale, qui lui a coûté environ 10 milliards de couronnes.
2) La politique américaine dans la question du pacte de l’Atlantique est plutôt critiquée. On ne considère pas comme opportune la pression exercée sur les Etats scandinaves, en particulier sur la Norvège6. On pense qu’il eût été préférable de pousser à la conclusion d’une alliance entre les trois Etats scandinaves plutôt que d’obliger le Norvège, et éventuellement le Danemark, à adhérer au pacte de l’Atlantique et à se distancer de la Suède.
La réserve manifestée par le Congrès américain à l’égard des engagements fermes qui pourraient être consacrés par le pacte de l’Atlantique provoque aussi une certaine déception chez des hommes d’Etat européens qui se sont engagés à fond.
3) L’accord commercial important conclu entre l’Italie et l’URSS n’a pas été discuté à l’insu des Etats-Unis. Ceux-ci ont compris la nécessité pour l’Italie de conclure cet accord et ils se sont montrés relativement larges dans l’appréciation des produits pouvant être assimilés à du matériel de guerre. Ainsi ils ont admis la livraison de roulements à billes.
4) Le Secrétaire général de l’OECE, M. Marjolin, m’a déclaré que la Suisse avait rendu service à tous les pays de l’Europe en évitant de signer un accord bilatéral avec les Etats-Unis7. Ce fait doit être considéré comme pouvant avoir une grande importance dans l’avenir.
Voici quelques détails sur les déclarations que m’a faites M. Harriman:
1) Il a souligné l’importance du tourisme. Il estime qu’il doit être développé avant tout entre les pays de l’Europe, mais qu’on devrait aussi chercher à donner aux Américains moyens, c’est-à-dire à ceux qui ne disposent pas de gros revenus, la possibilité de faire au moins une fois un voyage en Europe. Etant donné le nombre des touristes que les Etats-Unis pourraient fournir, cela représenterait un appoint appréciable pour les pays européens qui s’intéressent au tourisme.
2) M. Harriman a fait des réserves sur la politique d’austérité pratiquée par la Grande-Bretagne actuellement. Il ne pense pas que cette politique soit de nature, à la longue, à faciliter la reconstruction économique de l’Europe, même si elle peut se justifier pour un temps et pour un pays.
3) M. Harriman a insisté sur la position de la Suisse, qu’il a assimilée à celle des Etats-Unis, à l’égard de l’OECE. Il a relevé que les deux pays étaient «donneurs».
4) Il a souligné qu’il était d’accord avec nos vues sur un retour à une politique commerciale moins entravée par des restrictions de toute espèce et sur la nécessité pour les Etats européens d’assainir leur situation monétaire. M. Harriman a insisté sur le désir des Etats-Unis de ne pas intervenir dans les affaires de l’Europe, mais d’être renseignés sur les intentions des pays européens afin que les Etats-Unis évitent de commettre des erreurs dans leur propre économie. Il a signalé les dangers de l’autarcie, que celle-ci soit nationale ou européenne.
5) M. Harriman, qui a été Ambassadeur des Etats-Unis à Moscou pendant la guerre, ne croit pas que l’URSS prendra l’initiative d’une guerre, surtout si elle a en face d’elle des nations libres et conscientes de leurs intérêts communs. Il constate une amélioration certaine dans les pays de l’Europe occidentale au cours de ces derniers mois.
6) Les échanges commerciaux entre l’Est et l’Ouest sont une nécessité, selon M. Harriman. Il faut éviter de créer un rideau de fer à l’ouest. Mais, d’un autre côté, il ne faut pas augmenter le potentiel militaire de l’URSS.
7) M. Harriman m’a posé quelques questions sur les relations entre la Suisse et les Etats-Unis et sur la situation économique de notre pays. Nous avons fait allusion à l’horlogerie et aux avoirs allemands.
8) Actuellement, aux Etats-Unis, selon M. Harriman, certains milieux sont conscients des difficultés de l’Europe et comprennent la politique de collaboration avec notre continent. Mais sous cette couche il y a la masse, dont la tendance reste toujours isolationniste.
Voici enfin quelques conclusions générales tirées de mes observations et de mes impressions:
1) Actuellement, on ne fait pas de politique à l’OECE, de sorte qu’il ne semble pas que nous courions le risque d’être entraînés plus loin que nous ne le voulions au moment où nous avons pris la décision d’adhérer à cette Organisation. Ce désir de ne pas politiser l’OECE paraît être général. Seuls manifestent des tendances contraires le Comte Sforza et peut-être, mais dans une moindre mesure, M. Spaak.
2) L’OECE n’est pas seulement une organisation dans laquelle on fait des discours. On y travaille intelligemment. C’est une opinion que j’ai entendu exprimer par certains délégués permanents qui ont l’expérience des organisations internationales.
3) Les vues qui sont généralement exprimées sur les questions économiques sont tout à fait raisonnables. Elles ne sont pas très différentes des nôtres. Mais on se rend compte que les autres pays ont à surmonter des difficultés que nous ne connaissons pas et n’ont pas, pour cette raison, la même liberté d’action que nous.
4) La position de la Suisse est excellente. Elle est au surplus comprise. La neutralité n’est pas discutée. MM. Burckhardt et Bauer sont très appréciés.
5) L’aide américaine a déjà donné des résultats appréciables. En France, la vie paraît devenir normale et les prix baissent. Il m’a semblé qu’il y avait moins d’inquiétude et de mauvaise humeur que lors de mes séjours précédents dans la capitale française.
6) Une impression décevante que j’ai retirée de mes contacts, c’est qu’au point de vue militaire, les pays de l’Europe occidentale ne font pas les sacrifices nécessaires pour leur défense nationale, à l’exception de la Suède et de la Suisse. De même, la Turquie fait un gros effort puisque ses dépenses militaires représentent le 48% de son budget. Pour la Belgique en revanche, ces dépenses représenteraient le 8% seulement du budget total. Le Ministre des Finances ne veut pas aller plus loin. En France également, il semble qu’il y ait désaccord entre les chefs militaires d’une part et le Ministre de la Guerre et le Gouvernement d’autre part. On réduit dans tous les secteurs les crédits déjà insuffisants et on se demande si les crédits qui restent sont judicieusement employés. J’ai cette impression, un peu déconcertante, que les Etats de l’Europe s’en remettent aux Etats-Unis pour la défense de leur territoire et de leur indépendance. J’espère que cette impression ne correspond pas à la réalité.
7) Notre pays doit continuer sa collaboration à l’OECE. On ne peut guère attendre des miracles de celle-ci, mais la volonté d’arriver à certains résultats me paraît exister. Les discussions qui auront lieu sur le programme à long terme permettront peut-être d’éviter des erreurs et peuvent donner en outre des résultats positifs. Nous avons un intérêt évident à suivre ces discussions et à participer à des échanges de vues grâce auxquels nous pourrions chercher à faire prévaloir nos opinions et défendre nos intérêts.
8) J’ai eu l’occasion d’indiquer les raisons pour lesquelles la Suisse n’adhérerait pas à l’Union européenne en formation et j’ai pu confirmer le désir que nous avions de ne pas recevoir d’invitation.
- 1
- Exposé: E 2800(-)1990/106/18. Exposé 1. Il s’agit d’un Résumé de l’exposé fait par le Chef du Département politique au Conseil fédéral, le mardi 22 février 1949, sur le voyage qu’il a fait à Paris du 14 au 22 février 1949.↩
- 2
- A ce sujet, cf. DDS, vol. 17, doc. 114.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 110, note 14.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 94 et doc. 128.↩
- 5
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 61, note 9.↩
- 6
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 120.↩
- 7
- Cf. No 99, note 2, et DDS, vol. 17, doc. 101.↩
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