Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 4, doc. 194
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2#1000/44#1053* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2(-)1000/44 137 | |
Titolo dossier | Verschiedenes (1892–1896) | |
Riferimento archivio | B.122.15.2 |
dodis.ch/42604 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1
Il me paraît, dans l’affaire de Ménélik, que nous devons avant tout conserver devant les yeux notre but, qui est de chercher à éviter de mettre le doigt dans un engrenage pouvant nous rapprocher, au-delà de ce qui nous convient, de l’un ou de l’autre des groupements politiques actuels en Europe. L’Europe nous a laissés de côté jusqu’ici, à Berlin, à Bruxelles, lorsqu’il s’est agi des affaires africaines, et nous sommes ainsi considérés par l’Europe comme plus particulièrement désintéressés en ces matières, ce qui nous permet de nous tenir à l’écart le plus possible.
Quels sont les dangers à éviter?
Du côté de l’Italie, c’est le danger d’être accusés de sympathie pour Ménélik, lequel nous est absolument indifférent, et c’est le danger d’être accusés de ne pas reconnaître les plans du Quirinal sur la Mer Rouge. Du côté franco-russe, c’est le danger d’être soupçonnés de complaisance pour l’Italie et ses alliés de Berlin, Vienne et Londres, si nous acceptons le Traité d’Ucciali contesté par Ménélik et qu’on n’a pas officiellement reconnu à Paris ni à Pétersbourg; on nous reprocherait peut-être d’autant plus cette complaisance à Paris qu’elle coïnciderait avec le traité du Simplon.
C’est pour cela que j’avais cherché, non pas une équivoque, comme Vous l’écrit à tort M. Graffina2, mais une solution d’attente considérée comme bonne à Paris et qui nous permettait de répondre aux objections ou récriminations éventuelles des Italiens.
Je regrette beaucoup que M. Ilg ait en mains, à ce qu’il prétend, une lettre de M. Ruchonnet dont Vous et moi ignorons d’ailleurs le contenu et qui n’est évidemment pas une lettre officielle, mais je n’hésite pas à penser qu’on peut parfaitement persévérer dans l’attitude que je me permettais de conseiller.
Il me paraît qu’avant tout, il ne faut pas donner le moindre bout de papier à M. Ilg. Si celui-ci veut se livrer à des expéditions aventureuses en Abyssinie, c’est son affaire et probablement son profit; les aventures de M. Ilg ne concernent en rien la Confédération suisse et ses magistrats; je m’en tiendrais nettement vis-à-vis de lui à la déclaration verbale qu’il n’obtiendra pas et que Ménélik n’obtiendra pas de la Suisse, sous une forme quelconque et par un intermédiaire quelconque, diplomatique ou autre, l’accession de l’Abyssinie à l’Union postale; que nous le lui déclarons verbalement pour une foule de bonnes raisons dont l’une est que ces réponses désagréables ne gagnent rien à être formulées par écrit, et que, d’une façon générale, nous le prions nettement et définitivement de nous laisser tranquilles avec des propositions de ce genre.
De cette façon, nous pourrons toujours déclarer à l’Italie non seulement que nous ne correspondons pas derrière son dos avec Ménélik, mais que nous avons refusé de traiter sous une forme quelconque avec le Négus. La France étant d’accord que nous refusions l’entrée de l’Abyssinie dans l’Union postale, ne pourra de son côté formuler aucune récrimination, si elle venait à être nantie de quelque chose.
Faut-il absolument et immédiatement aller plus loin et faire le second pas réclamé par M. Graffina? Faut-il absolument et immédiatement renoncer à l’attitude d’indifférence non seulement diplomatique mais réelle de la Suisse dans les questions africaines et passer dans le clan italo-anglais et de la Triplice, sur cette question spéciale? M. Graffina donne plusieurs excellentes raisons, mais elles existaient depuis longtemps sauf une, celle de la conclusion du traité du Simplon; or précisément celle-là m’engagerait à éviter une coïncidence de dates qui, en France, pourrait faire dresser l’oreille, puisque Vous savez qu’en France le Simplon, jadis la coqueluche de Gambetta, est aujourd’hui pris par le mauvais côté.
Il me semble en tous cas que cette seconde étape ne devrait être franchie qu’après la Suède, le Danemark, la Hollande, la Belgique, les Etats-Unis et en général les Etats convoqués aux conférences africaines de Berlin et de Bruxelles, dont l’Europe nous a tenus écartés. Si ces Etats acceptent le Traité d’Ucciali, nous ne serons plus des boudeurs collés à l’alliance franco-russe, mais nous ferons comme tous les tiers. Je suis bien d’accord que tous les Ménélik ne veulent pas des désagréments avec l’Italie, mais notre acceptation formelle du Traité d’Ucciali vaut quelque chose et peut être gardée en réserve pour quelque occasion commerciale ou autre, si nous devons un jour la donner. Le Traité d’Ucciali est «en l’air» comme l’ancien traité des Français avec la Reine de Madagascar et nous ne sommes vraiment pas tenus de le regarder du même œil que les alliés politiques de l’Italie.
En résumé, je crois que le second point peut et doit être mis à l’étude – mais je pense, pour le premier point, qu’il faut s’y tenir fermement, en renvoyer M. Ilg les mains vides; tant pis pour lui; nous ne lui avons jamais rien promis; nous ne lui devons de reconnaissance d’aucune sorte, et surtout nous avons le devoir primo de ne pas occasionner à la Suisse des désagréments à cause de lui et secundo de ne pas nous ridiculiser en discutant le sérieux des postes de l’Abyssinie. En résumé encore je ne vois pas la nécessité absolue et immédiate, si nous nous montrons avec raison raides et impitoyables envers une personnalité sans mandat et somme toute inquiétante, de tout retourner pour cela, d’aiguiller notre wagon sur une autre voie et de faire immédiatement un saut à pieds joints dans la politique africaine de M. Crispi; sur ce dernier point, nous ne sommes pas tenus de faire du zèle.
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