Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 22, Dok. 91
volume linkZürich/Locarno/Genève 2009
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001E#1976/17#878* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(E)1976/17 155 | |
Dossiertitel | Bankgeheimnis in der Schweiz (1961–1963) | |
Aktenzeichen Archiv | C.41.129.0 |
dodis.ch/30740
L’Ambassadeur de Suisse à Paris, A. Soldati, au Secrétaire général du Département politique, P. Micheli1
Système bancaire suissse2
1. Lors d’un entretien, le 19 juillet, avec M. Couve de Murville, sur la position française face à l’association avec la CEE, la conversation a roulé sur le système fiscal et bancaire de notre pays.
M. Couve de Murville est «Inspecteur des Finances», il a occupé de hautes fonctions au Ministère des Finances3. Il n’est diplomate que depuis 1950. Il a reçu une formation d’économiste, on parle de lui comme d’un futur Ministre des Finances. Il a des parents à Genève. Il connaît donc parfaitement tous les aspects du problème qui nous occupe (le secret bancaire en Suisse), sous l’angle français, comme sous l’angle du Marché commun4.
Voici ce qu’il a dit:
a) Aspect fiscal: «L’imposition en Suisse est plus légère qu’en France. Votre économie s’en trouve avantagée, mais c’est une affaire qui ne regarde que vous»5.
b) Aspect bancaire: «Votre système bancaire, en particulier les ‹comptes numérotés› désavantagent l’Etat français en ce sens qu’une partie du patrimoine français, se trouvant en Suisse, échappe à l’imposition. Les Français ont toujours placé des capitaux en Suisse, pour des raisons qui ont varié avec l’évolution des temps. Le plus souvent, on craignait l’évolution de la politique intérieure en France et son instabilité. Souvent on a voulu éviter une dévaluation; la plupart du temps, on a voulu échapper au fisc; parfois on veut échapper aux impôts successoraux. C’est un état de fait qui existe depuis très longtemps. Ce n’est pas un ordre de questions dans lequel un Etat (la France) peut imposer à un autre Etat (la Suisse) ses propres desiderata. Je ne vois pas la France abordant ce problème vis-à-vis des autorités suisses. Je ne vois pas non plus la CEE mettant ce problème sur le tapis.»
2. Il y a quelque temps, la même question a été abordée, par la bande, dans une conversation que j’ai eue avec M. Baumgartner, alors qu’il était encore Ministre des Finances. Baumgartner m’a dit: «Je ne comprends pas les raisons qui dictent à la Suisse de se tenir tellement à l’écart du Marché commun.» Etant donné nos rapports très amicaux, je lui ai répondu sur le ton de la plaisanterie: «La raison principale, c’est vous.» – «Pourquoi?» – «Parce qu’un jour ou l’autre le Marché commun nous demandera de nous aligner sur ses positions fiscales et bancaires.» A quoi Baumgartner a répondu: «Pas pendant la présente génération.»
3. Il faut se rendre compte que personne n’ignore en France, du haut en bas, l’existence des «comptes numérotés» et les domiciles plus ou moins fictifs de nombreux Français, notamment à Genève et ses environs. La question est pour ainsi dire du domaine public. Néanmoins, depuis que je me trouve en France (début 1948), je n’ai jamais entendu qu’il nous soit fait de reproche à ce sujet 6. Les personnes expérimentées savent que la situation de nombreux Français n’est pas régulière à l’égard de la législation française. Toutefois, depuis qu’il n’y a plus en France une idéologie économique de gauche, en fait depuis que les partis du centre sont au Gouvernement, c’est-à-dire depuis 1947, on ne considère pas que le système bancaire suisse (même si son utilisation par les Français a des proportions considérables) fasse beaucoup de tort à la France. C’est une manière de sauvegarder des patrimoines qui ne sont nullement perdus pour la France.
Dans la situation actuelle politique et sociale de la France, les hauts fonctionnaires des Finances et même le personnel politique ressortissent à des milieux qui eux-mêmes utilisent cet état de fait (le secret bancaire suisse).
Il est probablement peu d’hommes influents, issus d’un milieu social moyen ou élevé, représentatifs pour les partis du centre ou de la droite (même du centre gauche), qui n’utilisent ce système de fait.
A mon avis, donc, la position de la France vis-à-vis du système bancaire suisse ne sera pas fonction du Marché commun. Elle pourrait devenir négative du fait d’une nouvelle idéologie économique de gauche, d’un système plus dirigiste, de moins de libéralisme financier. Mais cela supposerait d’abord un déplacement du pouvoir politique à d’autres couches sociales.
C’est de cette modification de la doctrine économique et du pouvoir politique (que rien ne laisse prévoir aujourd’hui) que pourrait provenir dans ce pays une menace vers le système bancaire suisse, beaucoup plus que du Marché commun.
A l’heure actuelle, force est de reconnaître que le pays qui serait le plus fondé à se plaindre du secret bancaire suisse, est la France. Ceci parce que les Français l’utilisent beaucoup plus que les ressortissants de tout autre pays.
Et parce que, si la situation monétaire française est solide depuis l’avènement du Général de Gaulle, les Français savent par expérience que cette solidité monétaire est rarement de longue durée dans leur pays, d’après les leçons de l’histoire économique du XXe siècle.
Néanmoins, aucun courant contraire au secret bancaire suisse n’est perceptible dans la France de 1962. Au contraire!
Tous les dirigeants souhaitent secrètement qu’il soit maintenu!
- 1
- Lettre (Copie): E 2001(E)1976/17/155. Annotation manuscrite, probablement de la main de P. Micheli: ne pas communiquer en dehors du Département, merci et vu, Mi [cheli].↩
- 2
- Une note d’A. Soldati relatant le même entretien est envoyée le même jour au Chef du Départe ment politique, F. T. Wahlen(dodis.ch/30274).↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 14, doc. 285, dodis.ch/47471.↩
- 4
- A propos des discussions au sujet des effets de l’intégration européenne sur la législation bancaire, cf. DDS, vol. 22, doc. 72.↩
- 5
- Sur ce sujet, cf. le Rapport du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale sur la motion Eggenberger concernant une lutte plus efficace contre la fraude fiscale du 25 mai 1962, FF, 1962, I, pp. 1097–1159. Cf. aussi DDS, vol. 22, doc. 83 et les documents y relatifs, le rapport de H. Hess à E. Diez du 15 juin 1962 sur les réactions du monde bancaire au sujet du rapport du Conseil fédéral du 25 mai 1962 (dodis.ch/30734), la notice de Hess à Wahlen du 19 juin 1962 au sujet de ce rapport (dodis.ch/30735), la lettre de M. Oetterli à A. Hay, P. R. Jolles, P. Micheli, M. Redli et E. Stopper du 9 juillet 1962 (dodis.ch/30736) et la circulaire de l’Associationsuisse des banquiers qui y est annexée (dodis.ch/30737). Au même instant, les banquiers se plaignent également d’attaques américaines contre le secret bancaire suisse. A ce sujet, cf. notamment la lettre de S. Schweizer à Wahlen du 12 juillet 1962 (dodis.ch/30738) et la réponse de Micheli du 14 juillet 1962 (dodis.ch/30739). Cf. aussi la communication de Hess du 1er novembre 1963 au sujet d’une publication de l’Associationsuisse des banquiers aux Etats-Unis (dodis.ch/30741).↩
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