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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 140
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1003#1994/26#1* | |
Old classification | CH-BAR E 1003(-)1994/26 1 | |
Dossier title | Protokolle der 1.-91. Sitzung des Bundesrates (1961–1961) | |
File reference archive | 4.3 |
dodis.ch/15150 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal interne de la 29 e séance du 18 avril 19611
Procès-verbal interne de la 29 e séance du 18 avril 19611
M. le Vice-Président salue la présence de M. Petitpierre, qui a tenu à assister à la séance de ce jour avant de reprendre officiellement le travail.
Conférence franco-algérienne
M. Petitpierre aborde la question des négociations franco-algériennes, qu’il entend traiter aujourd’hui sur deux points particuliers, avant l’ouverture d’un débat plus général en présence de M. le Président de la Confédération2.
Je pense, dit-il, que M. le Président de la Confédération a renseigné partiellement le Conseil fédéral sur les préalables. Si le Département politique est intervenu, ce n’est pas spontanément. Il y a eu une démarche d’un représentant du GPRA3. Un intermédiaire s’est adressé à M. Long4. J’ai dit à M. Long de recevoir le représentant du GPRA et de l’écouter5. Le premier entretien a eu lieu à Genève en décembre6. L’Algérie a dit que le GPRA désirait reprendre le contact avec la France. Avec mon accord, M. Long a alors pris contact avec
M. Joxe, qui a parlé de l’affaire au président de Gaulle. On nous a ensuite demandé d’organiser une première rencontre (Lucerne, février)7. Nous avons été priés de traiter l’affaire très discrètement. Il y avait au début deux personnes au courant en Suisse (chef du département et Long) et deux en France (de
Gaulle et Joxe). Au moment de la rencontre de Lucerne, j’ai renseigné M. le
Président de la Confédération et lui ai dit que le Conseil fédéral devrait rester tout à fait en dehors de l’affaire pour le cas où les contacts pris en Suisse ne donneraient aucun résultat. Moi aussi je suis resté en dehors, les conversations ayant bien sûr un autre plan que gouvernemental. La première rencontre a bien marché, la seconde a été plus difficile8. D’emblée, il était entendu que la
Suisse n’interviendrait pas dans les conversations et se bornerait à faciliter les contacts. La déclaration Joxe a été pour le GPRA le prétexte pour tout remettre en question. Le GPRA craignait un peu les négociations, d’autant plus que tel ou tel de ses membres importants n’étaient pas disponibles.
Il semble que les négociations pourront maintenant avoir lieu, Belkacem pouvant prendre la direction de la délégation. Je crois que nous avons agi selon notre ligne traditionnelle en cherchant à faciliter la solution pacifique d’un conflit9. Mais il y a maintenant des faits inquiétants: attentat d’Evian, menaces. Ces faits nouveaux nous engagent à revoir les décisions prises (transports
Genève-Evian; mesures de sécurité)10.
Les menaces des ultras pour empêcher les négociations doivent être prises au sérieux mais ne doivent pas nous faire reculer. Nous avons le droit d’imposer aux Algériens les mesures de sécurité jugées nécessaires. Si le Conseil fédéral n’approuve pas ce qui a été fait, il doit le dire. On réexaminera alors le problème.
Une fois connues, les menaces – de même qu’un incident grave – pourraient susciter un revirement dans l’opinion publique. Je sais que le Département militaire est réservé et critique. J’ai voulu faire assurer la sécurité de M. Long, mais personne ne se déclarait compétent. Enfin, le ministère public a accepté de faire le nécessaire. Nous devons chercher à faciliter l’ouverture des négociations, dans l’intérêt de la France, mais aussi de l’Europe et de tout l’Occident.
Il faudra revoir la question des hélicoptères, avec lesquels les risques, d’après certains avis, sont aussi grands qu’avec les transports par route. Si la Suisse veut continuer de jouer un rôle international du genre en question, il faudrait mettre sur pied un appareil de sécurité qu’on puisse faire entrer en fonction le moment venu. Pour le moment, il convient de demander au Département militaire, au ministère public et aux autorités genevoises de revoir à fond les deux problèmes principaux et les autres questions connexes. Le choix d’une autre ville est difficile. M. Helg a préparé, à titre éventuel, un projet de communiqué (qui a été distribué). Les services intéressés ne doivent plus discuter la question de compétence; ils doivent traiter les mesures à prendre.
M. Spühler constate qu’on a bien fait d’accepter la tâche confiée. La neutralité est un privilège qui nous oblige à prêter nos bons offices. Notre sort est d’ailleurs si étroitement lié à celui des autres pays que nous avons aussi intérêt à voir se règler le conflit algérien. Nous devons prendre certains risques. Il ne peut être question de revenir en arrière. On pourrait peut-être revoir la question du lieu de résidence de la délégation du GPRA. Ce sont les Français qui ont voulu le transport par hélicoptères. Le bateau serait peut-être un moyen plus sûr.
M. Chaudet relève qu’il y a une question de responsabilité à régler. Jusqu’à présent, on avait admis que les autorités de Genève étaient seules responsables de la sécurité. Je ne suis pas très rassuré à leur sujet. L’armée garde la villa. Un coup de main par terre est exclu. Mais il faudrait augmenter les effectifs pour assurer la sécurité des arrivées et départs des hélicoptères. Ces engins sont à la merci d’un coup de feu. Bois d’Avault est dans la ligne des atterrissages de
Cointrin, donc facilement repérable. Les effectifs militaires qui gardent la villa sont disproportionnés par rapport au nombre des policiers (2). L’armée est peu propre [sic] pour ce genre de mission, surtout dans les conditions présentes.
Ne devrions-nous pas dire que nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité de la résidence et des transports? Sur le fond, je suis de l’avis qui vient d’être exprimé. Nous devons discuter le problème politique de notre intervention sans nous arrêter aux difficultés et aux menaces. Le GPRA n’a-t-il pas réussi à nous extorquer une caution morale, une sorte de reconnaissance officielle?
Quelle serait notre position si une crise éclatait en France? Il faudrait pouvoir imposer aux émissaires algériens un lieu de résidence plus facile à garder,
Morges par exemple. La température monte rapidement chez les ultras, qui sont nombreux.
M. Bourgknecht constate que si le Conseil fédéral avait été saisi de la question en janvier ou février, il n’aurait probablement pas fait d’opposition.
Il aurait été prêt à rendre les services demandés. Je ne crois pas qu’on puisse, sous l’angle de la neutralité, nous faire des reproches fondés. Les rebelles sont reconnus par la France, qui a déjà discuté avec eux à Melun. Nous pouvions penser que la France souhaitait le rétablissement des contacts. Le président de Gaulle est encore populaire. Le peuple français en a assez de la guerre.
Il est prêt à abandonner l’Algérie. Maintenant qu’il y a relance de la conférence d’Evian, nous ne pouvons plus dire: «Résidez ailleurs, nous ne voulons pas courir des dangers.» Y aurait-il d’autres lieux de résidence que Genève?
Montreux? Un château isolé? Mais des manifestations de violence pourraient quand même se produire sur sol suisse. L’hélicoptère est un moyen de transport vulnérable. Il faudrait revoir cette question des transports avec la France. Les autorités genevoises doivent assurer le service d’ordre, mais il faut les aider. Il faut quelqu’un qui coordonne l’aide fédérale et assure la liaison avec Genève.
Il convient de persévérer. Le vin est tiré …
M. von Moos: Si les choses tournent mal, on adressera des reproches graves aux Suisses qui ont facilité la rencontre. Si tout réussit, on leur tressera des couronnes. Il ne faut pas se laisser trop impressionner par cet aspect-là. Je partage largement les craintes exprimées par M. Chaudet. Je ne pense pas que le
Conseil fédéral aurait dit non si on lui avait soumis la question au début. Il ne peut être question de revenir en arrière. Le GPRA est plus ou moins reconnu par la France. Je me suis demandé s’il faudrait aussi traiter avec le mouvement nationaliste algérien. Nous ne pouvons aujourd’hui que prendre acte de ce qui a été fait, sans marquer aucune désapprobation. Pour les transports et la sécurité, il faut établir qui est responsable. Ce doit être le canton, mais aidé par la Confédération. Il serait bon de pouvoir choisir un autre lieu de résidence, mais cela n’empêcherait pas des attentats en Suisse. Le Conseil fédéral n’était pas engagé au début. Il l’est maintenant.
M. Tschudi déclare également qu’il n’est pas possible de revenir en arrière.
L’indépendance de l’Algérie est chose inéluctable. A longue échéance, l’affaire n’hypothèquera donc pas nos relations avec la France. La population française est pour la liquidation de la guerre. Nous devons chercher à réduire les risques sur sol suisse, sans songer à fixer un autre lieu de résidence.
M. Petitpierre regrette que la police genevoise ne soit plus dirigée par
M. Knecht, qui avait une grande expérience des mesures à prendre lors de conférences internationales. Ce n’est pas la première conférence qui nous donne du souci, mais c’est la première qui implique des risques. Ces menaces ne pouvaient être prévues au début. Il ne faut pas se borner à constater que
Genève est responsable des mesures à prendre; il faut lui venir en aide. La grande masse en France souhaite la liquidation de la guerre, coûte que coûte.
Je demanderai à M. Kohli de prendre contact avec le Département militaire, le ministère public et les douanes pour régler les questions de sécurité. Nous pourrons faire revenir un représentant du GPRA pour l’informer des nouvelles mesures qui auront été décidées.
M. Chaudet mentionne qu’il n’a été troublé que dès le jour où la déclaration
Joxe sur la participation du mouvement nationaliste algérien a mis la Suisse en porte à faux.
M. Petitpierre explique comment M. Joxe a été appelé à faire sa déclaration, qui n’est pas une déclaration proprement dite (réponse à des journalistes).
M. Chaudet donne l’assurance que le Département militaire entend collaborer avec Genève pour le service d’ordre, les missions de garde étant confiées à l’armée. La liaison est assurée par le colonel Rilliet. Mais le problème général reste posé. La tendance de Genève est de nous faire endosser les responsabilités.
M. Petitpierre retire les exemplaires du communiqué Helg sans que le
Conseil fédéral se soit prononcé sur son contenu. Le texte sera revu, en tout état de cause.11
- 1
- E 1003(-)1994/26/1. Présidence: M. Chaudet, absent: M. le Président de la Confédération, Secrétaire: M. Oser. Ouverture: 9 heures, clôture: 11 heures 55.↩
- 3
- Il s’agit de Taïeb Boulharouf.↩
- 4
- Il s’agit de l’avocat genevois Raymond Nicolet.↩
- 5
- M. Petitpierre est informé par O. Long dès le 16 décembre 1960.↩
- 6
- La rencontre a lieu le 23 décembre 1960.↩
- 7
- La rencontre de Lucerne a lieu le 19 février en présence de G. Pompidou et de B. de Leusse du côté français, de A. Boumendjel et de T. Boulharouf du côté algérien.↩
- 8
- La deuxième rencontre a lieu le 5 mars à Neuchâtel.↩
- 9
- Sur la question de l’appui accordé par la Suisse, cf. le rapport d’O. Long du 23 septembre 1961 sur la contribution suisse à la préparation de la négociation entre la France et le Gouvernement provisoire de la République Algérienne – Des premiers sondages à la Conférence d’Evian (novembre 1960–20 mai 1961), E 2001(E)1976/17/263 (dodis.ch/9709).↩
- 10
- Au sujet du choix de Genève comme résidence de la délégation algérienne, ainsi que de l’organisation technique du séjour et du déplacement de celle-ci sur le territoire helvétique, cf respectivement la note de G. E. Bucher à M. Petitpierre du 20 avril 1961, E 2800(E)1967/60/8 (dodis.ch/15151) et E 2001(E)1976/17/263.↩
- 11
- Autres thèmes de la séance: Affaire Wille, cf. DDS, vol. 21, doc. 121; Recours de la société de laiterie de Ballwil; Frais d’impression; Ordonnance douanière sur la navigation aérienne; Accord avec la France sur les transports routiers; Allocations de ménage au personnel fédéral; Directeur du bureau des poids et mesures; Caisses Raiffeisen.↩
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Algeria (Politics) France (Politics) Colonization and Decolonization