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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 40
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1972/33 54 |
dodis.ch/15123
Notice interne du Département politique1
Note concernant le régime actuel des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex2
Le régime actuel est réglé sur la base de l’arrêt de la Cour permanente de Justice internationale de La Haye, du 7 juin 19323; cet arrêt dispose que:
a) entre la Suisse et la France demeurent valables les dispositions du Protocole des Conférences de Paris du 3 novembre 1815, du Traité de Paris du
20 novembre 1815, du Traité de Turin du 16 mars 1816, et du Manifeste de la
Cour des Comptes de Sardaigne du 9 septembre 1829, relatives à la structure b) le Gouvernement français doit reculer sa ligne de douanes conformément aux stipulations desdits traités et actes, ce régime devant rester en vigueur tant qu’il n’aura pas été modifié par l’accord des Parties; c) le recul de la ligne des douanes ne préjuge pas du droit, pour le Gouvernement français, de percevoir, à la frontière politique, des droits fiscaux n’ayant pas le caractère de droits de douanes; d) il y a lieu de prévoir, les zones franches étant maintenues, en faveur des produits des zones, une importation de marchandises en franchise ou à droits réduits à travers la ligne des douanes fédérales.
L’exécution du point d) fut confiée à trois experts, choisis parmi les ressortissants de pays tiers, agissant en qualité d’arbitres, qui, le 1er décembre 1933, rendirent ce qu’on appelle la «sentence de Territet» et arrêtèrent un «règlement concernant les importations en Suisse des produits des zones franches»4. Aux termes de ce dernier, il y a lieu de distinguer entre produits agricoles et naturels d’une part et produits fabriqués ou manufacturés d’autre part. Les premiers peuvent être admis en franchise en Suisse sans limitation de quantité, sauf pour certains produits, comme le lait, le beurre, le fromage et le vin, qui sont soumis à un contingentement. Pour les produits fabriqués ou manufacturés, le principe est leur admission en franchise dans la limite de contingents révisée périodiquement en tenant compte notamment du développement industriel normal des zones.II
Nous nous trouvons donc aujourd’hui en présence d’un système prévoyant, d’une part, la franchise douanière totale pour les produits suisses exportés dans les zones et, d’autre part, la franchise douanière partielle pour les produits des zones importés en Suisse, mais à condition qu’ils soient originaires de celles-ci.
Cette situation est théoriquement, du point de vue économique, favorable à notre pays. Les échanges entre la Suisse et les zones franches dénotent cependant un net déséquilibre à notre désavantage. Les statistiques relatives aux trois dernières années sont en effet les suivantes:
[...]5
Si on considère que la population de la région de Genève est sensiblement plus élevée que celle des zones, il est en quelque sorte naturel que les importations en Suisse soient supérieures à nos exportations vers les zones.
Mais, comme il ressort des chiffres ci-dessus, la différence entre exportations et importations s’est accentuée à un tel point qu’elle est considérée, du côté suisse, comme constituant une sérieuse anomalie dans le fonctionnement du régime.
Les motifs de cette situation peu satisfaisante peuvent être résumés de la manière suivante:
Les droits fiscaux que, d’après l’arrêt de La Haye, la France peut prélever à la frontière politique, s’élèvent aujourd’hui à plus du 25% de la valeur des produits importés. D’autre part, les autorités françaises ont adopté, après la dernière guerre le contingentement des devises nécessaires au paiement de nos livraisons commerciales; les «plafonds» fixés à cet effet par l’Office des changes s’avèrent souvent insuffisants. Ces mesures constituent une grave entrave à nos exportations et se révèlent même plus onéreuses que si on prélevait des taxes douanières. Les obstacles que l’arrêt de La Haye avait voulu supprimer sont, dans ces conditions, rétablis sous une autre forme et même rendus plus lourds.III
A ces inconvénients, d’ordre économique, s’en ajoutent d’autres de nature différente. L’application de ce système impose de lourds frais administratifs aux autorités françaises; celles-ci doivent, en effet, maintenir un double cordon, fiscal à la frontière et douanier à l’intérieur. En outre, elles se trouvent devant un problème difficile à résoudre lorsqu’il s’agit d’empêcher que les produits suisses entrés en franchise dans les zones ne passent en fraude à l’intérieur de la France ou de certifier l’origine des produits des zones admis en franchise en Suisse. Il est compréhensible que, dans ces circonstances, la France essaie de se libérer de ce coûteux et compliqué apparat administratif.
Du côté suisse, et plus spécialement du côté des autorités genevoises, on souligne l’entrave que représente pour le tourisme l’obligation de franchir successivement trois contrôles: la douane suisse, le cordon fiscal français et le contrôle douanier français. On a fait notamment remarquer à ce propos que le courant de voyageurs et marchandises empruntant le futur tunnel du Mont-Blanc6 devra, pour se rendre d’Italie en France, ou vice versa, en passant par
Genève, franchir, sur une courte distance, six cordons administratifs. Il faut reconnaître qu’à une époque d’intense circulation routière cette situation est loin d’être satisfaisante.IV
Le 7 août 1921, la Suisse et la France avaient conclu une convention prévoyant la suppression du régime des zones franches, tel qu’il existait antérieurement, et l’introduction d’un régime de bon voisinage et d’un régime de commerce spécial7. Par bon voisinage, on entendait principalement l’assouplissement des formalités pour le passage de la frontière, tandis que le régime de commerce spécial comportait l’admission en franchise de part et d’autre de diverses catégories de marchandises, soit en quantité illimitée, soit dans le cadre de contingents. La validité de certaines dispositions de cette convention était limitée à 10 ans, d’autres étaient d’une durée indéterminée. Un référendum fut lancé contre cet accord et aboutit, le 18 février 1923, au rejet de la convention. Les auteurs du référendum avaient souligné les imperfections du nouveau système et, surtout, le fait que la Suisse renonçait, par là, à un droit de caractère permanent en échange d’une solution qui ne présentait pas le même caractère de stabilité.
Il est utile de rappeler ce précédent aujourd’hui où il est de nouveau question d’une révision du régime des zones franches. Ce dernier comporte, en premier lieu, le droit pour la Suisse au recul du cordon douanier français au-delà de la limite des zones. Ce droit a un caractère permanent et territorial et peut être en quelque sorte assimilé à un droit réel: il est fondé sur des traités échange d’une solution qui offre les mêmes garanties, au triple point de vue juridique, économique et politique. Toute solution différente risquerait de ne pas être approuvée par les Chambres ou d’être rejetée par le peuple comme non-conforme aux intérêts du pays.
Il convient de souligner, par ailleurs, que les principes sur lesquels se base le régime actuel trouvent leur origine dans l’histoire – les zones furent instituées en 1815 à titre de compensation accordée à Genève pour le refus opposé à sa demande d’agrandissement territorial – et ils s’avèrent encore aujourd’hui propres à assurer des échanges aussi libres que possibles entre deux régions qui forment un tout du point de vue géographique et économique, mais qui sont séparées sur le plan politique. Les inconvénients auxquels a donné lieu le régime actuel ne nous paraissent pas devoir mettre en cause les principes euxmêmes, mais plutôt les moyens qui ont été mis en œuvre pour les appliquer. La voie à suivre devrait donc consister dans la recherche d’une nouvelle méthode d’application qui puisse mieux répondre aux besoins des régions intéressées.V
Du point de vue pratique, nous suggérons de donner à cette affaire la suite que voici:
1. prendre acte des propositions qui seront formulées à ce sujet par les autorités genevoises;
2. les examiner sur le plan des administrations fédérales intéressées (Départements de l’Economie publique, des Finances et des Douanes et de Justice et Police);
3. discuter ensuite les conclusions auxquelles on sera arrivé sur le plan fédéral, avec les associations économiques intéressées à cette question (asso ciation suisse des paysans, Vorort, chambre de commerce genevoise, chambre d’agriculture genevoise, etc.);
4. saisir le Conseil fédéral en vue d’arrêter définitivement la position de la
Suisse à l’égard des négociations éventuelles franco-suisses8.
- 1
- E 2001(E)1972/33/54. Paraphe: RV.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 10, rubrique 11.5: Affaire des zones.↩
- 4
- Cf. RO, 1933, p. 1028.↩
- 5
- Für die Tabelle vgl. dodis.ch/15123. Pour le tableau, cf. dodis.ch/15123. For the table, cf. dodis.ch/15123. Per la tabella, cf. dodis.ch/15123.↩
- 6
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 18, dodis.ch/11534, ainsi que la lettre de P. Micheli à la Division des organisations internationales du Département politique du 20 décembre 1957, E 2001(E)1970/217/59 (dodis.ch/12375).↩
- 7
- Cf. DDS, vol. 8, rubrique 12.1: La question des Zones de Haute-Savoie et du Pays de Gex.↩
- 8
- Cf. la proposition sur les Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex du Département politique au Conseil fédéral du 16 mars 1960, E 1001(-)1000/6/112 (dodis.ch/15124). La proposition est acceptée par le Conseil fédéral dans sa séance du 22 avril 1960, cf. PVCF No 659 daté du même jour, E 1004.1(-)1000/9/636.2.↩