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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 20, doc. 44
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E4001D#1973/125#695* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 4001(D)1973/125 49 | |
Titolo dossier | Allgemeines (1952–1962) | |
Riferimento archivio | 006.18 |
dodis.ch/11418 Le Procureur général de la Confédération, R. Dubois, au Chef du Département de Justice et Police, M. Feldmann1
Vous vous souvenez de l’effet déplorable qu’avait produit en son temps l’information2, de source française, diffusée par la Section des renseignements de l’EMG, selon laquelle les agents des pays de l’Est se mouvraient chez nous en toute quiétude, les services suisses de contre-espionnage étant pour ainsi dire passifs à leur égard. Les espions communistes, ajoutait la Sûreté nationale française, sont abondamment ravitaillés en fonds de propagande et en moyens d’action par la Suisse. Vous vous souvenez surtout, M. le Conseiller fédéral, que M. le Président de la Confédération3 avait donné lecture, en séance du Conseil fédéral4, de la note rédigée par l’informateur de la section des renseignements.
Dans l’entre-temps, vous avez chargé M. le Dr Balsiger5, alors encore chef de la Police fédérale, de donner son avis sur chacun des point soulevés par la Sûreté nationale, organe directeur de la police française. Il s’est avéré que la note dont lecture fut donnée au Conseil fédéral contient, non seulement des exagérations, mais des inexactitudes. La police française semble avoir pris des vessies pour des lanternes, à moins qu’elle n’ait cherché à camoufler sa propre impuissance à l’endroit des communistes, en accusant de mauvais vouloir le service de contre-espionnage suisse, version qui ne me paraît nullement invraisemblable. Notons au surplus que la Section des renseignements de l’EMG n’a pas été en mesure de donner des renseignements complémentaires quant à la véritable source de l’information faisant l’objet du débat. Le pourvoyeur de cette information veut visiblement rester dans l’ombre. J’imagine, M. le Conseiller fédéral, que vous appréciez comme moi ceux qui entendent faire preuve de courage civique en se calfeutrant dans l’anonymat. Quoiqu’il en soit, vous me permettrez de rappeler ici les déclarations que m’a faites M. le Sous-préfet Lalanne, chef de cabinet au Service de documentation extérieure près la Présidence du Conseil, à Paris, déclarations qui me furent faites en présence de mes collaborateurs6, par lesquelles mon interlocuteur français démentit catégoriquement les assertions contenues dans l’information de la Sûreté nationale.
Ces considérations m’amènent à vous soumettre aujourd’hui un projet de lettre adressée à M. le Président de la Confédération7, projet qui constitue en quelque sorte une réplique aux propos intempestifs de la Sûreté nationale française.
Ainsi que vous avez déjà pu vous en apercevoir, la chasse aux agents délégués par les pays orientaux forme, sinon le principal, tout au moins l’un de mes soucis majeurs, les quatre mois pendant lesquels j’ai eu l’honneur de diriger le Ministère public8 m’ont déjà appris une chose indéniable: l’espionnage pratiqué en Suisse par les puissances de l’Est se fait soit par les légations directement, soit par leur intermédiaire; il s’ensuit que ces légations sont toujours dans le coup et constituent par conséquent un anneau essentiel de la chaîne. Cette constatation m’amène automatiquement à la conclusion que si, dans le domaine du contre-espionnage, nous voulons accomplir un travail sérieux et méthodique, c’est par les Légations des pays de l’Est qu’il faut commencer, et cela systématiquement, y compris la Légation de Chine, ce qui sera particulièrement difficile en raison de la langue et de la quasi impossibilité de distinguer les Chinois les uns des autres, attendu qu’ils se font un malin plaisir de se ressembler tous.
Ainsi que je vous l’ai déjà exposé verbalement, il conviendra de procéder à des surveillances méthodiques et serrées des dites légations, c. à. d. de leur personnel. Etant donné que ces gens se déplacent fréquemment en automobile, il est indispensable de les filer – j’observe que la filature est actuellement plus que jamais à l’ordre du jour en tant que moyen approprié à dépister les agents et pratiquer en particulier ce que l’on appelle le contre-espionnage préventif –. Or, filer des gens qui se déplacent en automobile signifie que la police doit être également motorisée. Cela veut dire aussi qu’elle doit disposer des moyens techniques modernes permettant de fixer par l’image les constatations faites en cours de filature (appareils photographiques et cinématographiques munis de téléobjectifs, appareils radioélectriques émetteurs et récepteurs, etc.).
En dépit de son maigre effectif (1 commissaire principal, 3 commissaires et 17 inspecteurs) que personne ne songe à augmenter maintenant, je persiste à croire que la police fédérale demeure un instrument efficace, à la condition toutefois qu’on veuille bien la doter des moyens techniques indispensables au fonctionnement d’un service de contre-espionnage. Vous m’avez déjà promis votre appui personnel en vue de réaliser ce but, et je vous en sais infiniment gré.
Il y a cependant encore une autre condition de succès, non des moindres: Berne étant le siège des légations et l’espionnage se concentrant, comme on vient de le voir, dans la Ville fédérale, il serait indiqué d’inviter le Gouvernement cantonal bernois à créer enfin un service de police politique digne de ce nom. Ce Canton ne dispose actuellement, pour ce genre de service, que d’un officier et de deux ou trois agents, ce qui est nettement insuffisant, voire même illusoire, en raison même de l’importance du Canton, des dimensions de ses grandes agglomérations – qu’on pense à Bienne et à Thoune, cette dernière ville étant le point névralgique de l’espionnage militaire par excellence – et, enfin et surtout, de la présence sur son territoire de la capitale du pays. Il en va pour ainsi dire de même de la police municipale de Berne, où le service dit politique ne comprend qu’un sergent et une demi douzaine d’hommes. Je rappelle, M. le Conseiller fédéral, dans cet ordre d’idées, que vous avez déjà agréé la suggestion d’une démarche auprès du Gouvernement bernois, ayant pour but d’augmenter les effectifs de police susceptibles de seconder efficacement la police fédérale, comme le prévoit d’ailleurs la loi fédérale de procédure pénale. D’ici peu, j’aurai l’honneur de vous soumettre un projet dans ce sens.
Nous avons aussi envisagé, vous vous en souvenez, de convoquer, suivant les besoins, aux ordres de mon parquet, les agents du service de sécurité de l’armée9, condamnés qu’ils sont, sous le régime actuel, à l’inactivité aussi longtemps que le Conseil fédéral n’aura pas décrété une mobilisation.
Les différents moyens énumérés ci-dessus – modernisation de l’outillage technique mis à la disposition de la police fédérale, création d’une brigade politique à la police cantonale bernoise, augmentation de l’effectif du service déjà existant à la police municipale et revision de l’ACF sur le service de sécurité de l’armée10 dans le sens susmentionné – permettront, j’en suis convaincu, de mener à bien la tâche qui nous est confiée, et me mettront en mesure d’assumer avec enthousiasme, en temps de paix déjà, les responsabilités que la loi m’attribue.
Je conclus: Personnellement, je ne prends pas au sérieux les élucubrations de la Sûreté nationale. La police française, me semble-t-il, serait bien inspirée de balayer devant sa propre porte. Qu’elle veuille au demeurant se mêler de ce qui la regarde. La police fédérale, quant à elle, est prête à faire son devoir en n’importe quelle circonstance, à la condition cependant qu’on la dote des moyens modernes lui permettant de suffire à sa tâche.
- 1
- Lettre: E 4001(D)1973/125/49.↩
- 2
- Information secrète, datée du 24 mars 1955, non reproduite.↩
- 4
- Dans les procès-verbaux du Conseil fédéral il n’y a pas de trace de cette intervention.↩
- 5
- Cf. la notice de M. Feldmann du 2 avril 1955, non reproduite.↩
- 6
- Le 4 novembre 1955, cf. la notice de A. Amstein, du Ministère public fédéral, du 18 novembre 1955, E 4320(B)1991/61/11.↩
- 7
- Cf. E 4320(B)1991/61/11.Ce projet de lettre sera approuvé par M. Feldmann, avec une légère modification; la lettre est envoyée le 1er décembre 1955 à M. Petitpierre, cf. ibid (dodis.ch/13034).↩
- 8
- Nommé le 5 juillet 1955 par le Conseil fédéral, R. Dubois est entré en fonction le 15 juillet 1955, cf. le PVCF No 1197 du 5 juillet 1955, E 1004.1(-)-/1/579.↩
- 9
- Créé par l’Arrêté du Conseil fédéral du 23 décembre 1948, non publié. Cf. le PVCF No 2896, daté du même jour, E 1004.1(-)-/1/500.Selon l’art. 2, le service de sûreté est composé d’un service de la police fédérale, d’agents des corps de police cantonaux et municipaux et d’autres personnes aptes à ce service. Il est subordonné au chef de l’Etat-major général […]. L’art. 5 précise que, le service de sûreté entre en fonction en cas de service actif et lorsque, en raison d’un danger particulier, le Conseil fédéral ordonne sa mise sur pied. Cf. aussi E 27/9471/2.↩
- 10
- Cf. la note 8 ci-dessus.↩
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