dodis.ch/9016 Le Ministre de Suisse à
Rome,
E. Celio, au Chef du Département politique,
M. Petitpierre1 COMMENTAIRES SUR LE PRÊT BANCAIRE ITALO-SUISSE2
Confidentiel Rome, 18 mars 1954
La nouvelle des négociations bancaires qui eurent lieu à Bâle entre le Gouverneur de la Banque d’Italie3 et le groupe du Bankverein4, du Crédit Suisse et de l’Union de Banques Suisses est mise en grand relief dans la presse italienne. Quelques journaux parlent même de prêts faits «de la Suisse à l’Italie». D’autres, par contre, plus précis parlent «d’un prêt de banques suisses effectué à l’Institut central italien pour le crédit aux moyennes entreprises».
Ces nouvelles ont eu partout un écho très favorable, mais spécialement dans les milieux américains de la capitale, à commencer par l’Ambassade des Etats-Unis. On a voulu reconnaître dans cette opération bancaire un acte de confiance accompli vis-à-vis de l’Italie de la part des milieux suisses qu’on se plaît à définir «posés et réalistes». Le fait que notre pays voisine avec l’Italie confère, dit-on, une signification et une autorité particulière à l’opinion qu’a la Suisse à l’égard de l’Italie. Quelqu’un me faisait même observer que le crédit accordé par le cartel des trois banques suisses à l’Institutcentral du crédit moyen aura pour effet de rétablir un jugement plus serein et objectif dans les milieux politiques et bancaires américains en faveur de l’Italie. Dans ces milieux américains, on avait fait courir des bruits exagérés et non désintéressés d’une probable prise de pouvoir communiste en Italie: ce qui avait créé de sérieuses appréhensions à l’égard de la Péninsule.
Au Palais Chigi, on a salué l’opération avec beaucoup de satisfaction, et pour les raisons politiques exposées ci-dessus, et parce qu’elle permettra à l’Italie – me disait le Ministre Magistrati – de continuer sa politique économique de libéralisation. A cette occasion, il est prévu, en effet, que le transfert du montant total du prêt sera effectué directement à l’Union européenne de paiements en réduction de la dette italienne qui, au lieu de diminuer ces derniers temps, a augmenté. Par ce versement de 100 millions de francs suisses, la dette italienne envers l’Union européenne de paiements sera proportionnellement réduite: ce qui signifie que l’Italie commercera sous le régime de la pleine ou presque pleine libéralisation, sur les marchés internationaux, à son propre avantage (mais aussi pour notre profit).
En ce qui concerne les impressions fournies par la presse italienne, je me limite à extraire deux passages de deux journaux, l’un, politique, l’autre, spécialisé dans l’information industrielle, commerciale et financière: «IlTempo», de Rome, publie ce qui suit: «Cet emprunt est le premier que l’Italie a effectué en dehors de la sphère nord-américaine, ce qui démontre que quelques fruits ont été recueillis dans la poursuite d’une politique monétaire honnête, de devises en ordre, du respect des contrats. Notre pays n’a qu’à continuer dans la voie du bon sens et de l’honnêteté qu’il s’est tracée.»
«IlSole», de Milan, après avoir posé diverses questions en ce qui concerne la garantie partielle en or du prêt, le taux de l’intérêt que l’on ne connaît pas encore et d’autres problèmes de nature technico-financière, écrit ceci en manière de conclusion: «Outre à démontrer une certaine solidarité européenne, l’opération dont il s’agit, selon l’avis de certains financiers, tout en faisant son chemin à travers mille difficultés, prouve indubitablement que la menace de bouleversements sociaux dans notre pays n’est pas à prévoir pour le moment. Ces techniciens ont même confiance dans notre capacité de développement, de réorganisation et d’équilibre politique. Nous en prenons acte non sans quelque satisfaction.»
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