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Die Schweiz und die NNSC. Diplomatische Dokumente der Schweiz zur Geschichte der Neutral Nations Supervisory Commission in Korea 1951–1995, vol. 21, doc. 52
volume linkBern 2023
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2200.136-04#1994/135#15* | |
Dossier title | Délegation suisse NNSC à Panmunjon (1977–1980) | |
File reference archive | 412.10 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001E-01#1991/17#5962* | |
Dossier title | Berichte des Delegationschef. Nummerierte Berichte von Hr. Pierre Barbey (1979–1980) | |
File reference archive | B.73.Corée.0.1.(32) |
dodis.ch/65520Le Chef de la délégation suisse de la NNSC, le Conseiller d’ambassade Barbey, à la Division politique II du DFAE1
Panmunjom retrouvé après une absence de onze années (10)
Les observations qui suivent ne sont pas une analyse mais plutôt un condensé des premières impressions recueillies par le soussigné, onze ans après son séjour en Corée, en 1967–68.2
Une évolution très sensible, à de multiples niveaux, frappe celui qui a le privilège d’établir une comparaison après onze ans d’absence:
1. La réunification du pays ne paraît plus être le seul apanage de la propagande du nord; le peuple sud-coréen, encouragé par ses progrès, a pris conscience de son unité ethnique et culturelle avec son frère, maintenu de l’autre côté d’une barrière politique et militaire artificielle. Trente années de séparation et d’orientations politiques opposées n’ont pas anéanti l’espoir en une normalisation des relations.
Au Nord également, le ton a changé et les incidents se sont raréfiés: cela ne signifie pas que les buts visés soient aujourd’hui différents! L’établissement d’une ligne de démarcation dans la zone des conférences («Joint Security Area») a certainement contribué à diminuer les sources possibles d’incidents.
2. Un rôle nouveau paraît être dévolu à la NNSC, alors que les membres polonais et tchèque jouissent d’une indépendance plus grande qui leur permet de se rendre à Séoul sur l’invitation de la Commission militaire d’armistice (UNC/MAC). Les représentants de la République de Corée à cette commission multiplient leurs encouragements à l’égard de la NNSC. De leur côté, les représentants des Volontaires chinois ont repris du poil de la bête au quartier-général nord coréen à Kaesong: ils se montrent particulièrement aimables à l’égard de la délégation suisse.
3. Sur le plan de la défense, la vallée de Séoul, désormais barrée par six lignes successives de défense, n’offre plus un libre accès à une offensive blindée. Malgré l’absence d’engagements, la discipline militaire est maintenue, et apparente, sur la route qui conduit au front.
Il y a dix ans, ce sujet n’était pratiquement jamais abordé dans nos discussions au Sud; aujourd’hui, nos interlocuteurs évoquent fréquemment la réunification en insistant sur l’unité ethnique et culturelle du peuple coréen. Les progrès spectaculaires réalisés en République de Corée semblent avoir permis une prise de conscience nationale et développé une confiance en soi qui n’apparaissaient pas aussi ouvertement par le passé. (Selon les journaux de Séoul, en quelques jours, plus de 10 millions (?) de signatures auraient été recueillies au sein de la population invitée à manifester son intense désir de rétablir l’unité du pays.) Les responsables ne cachent pas que la balance des forces reste en faveur du Nord mais les différences s’amenuisent de jour en jour. De son côté, le gouvernement américain a procédé à une réévaluation de la situation: le retrait total de ses forces n’est pas pour demain.
Au Nord, le ton a changé: nous n’avons pas eu à subir jusqu’ici les diatribes lassantes du passé, alors que les expressions «agresseurs impérialistes» et «gouvernement fantoche» s’inscrivaient dans le vocabulaire de nos interlocuteurs. On parle aujourd’hui des «États-Unis» et de la «Corée du sud». Kim Il-sung n’est plus encensé dans chaque paragraphe en qualité de «respected and beloved leader of 50 million Korean people»; le culte voué à sa personnalité n’a certes pas diminué mais l’expression «the Great Leader Comrade Kim Il-sung» est plus facilement «digestible» pour nous.
Au Nord comme au Sud, on parle «réunification» ou «d’unification de la patrie». Pour l’observateur, il est peu aisé de discerner comment le Nord et le Sud pourraient se réunir après avoir connu, de part et d’autre du 38ème parallèle et pendant près de trente ans, une évolution si profondément divergente et entretenu une animosité réciproque les uns à l’égard des autres. Il est vrai que l’Orient nous réserve de nombreux mystères et des surprises!
Sur invitation du chef de la délégation des forces des Nations-unies à la Commission militaire d’armistice (UNC/MAC), les membres des délégations polonaise et tchèque acceptent maintenant de se rendre à Séoul, en uniforme et sans y passer la nuit. Ces contacts ont apporté une dimension nouvelle dans nos relations au sein de la NNSC car nos collègues peuvent librement établir des comparaisons entre la vie à Pyongyang et à Séoul où l’occasion leur est offerte de visiter les grands magasins et d’y faire des achats. Ils sont très entourés par les officiers sud-coréens et américains; malheureusement, l’absence d’une langue de communication commune reste un obstacle à un dialogue ouvert; nous sommes dépendants d’interprètes dont la formation linguistique – et peut-être aussi la bonne volonté – ne sont pas toujours à la hauteur de nos désirs et de nos besoins.
Sans pouvoir encore étayer cette impression par des faits concrets, je crois déceler un certain malaise entre les généraux tchèque3 et polonais4 et les membres de l’État-major nord-coréen qu’ils sont contraints de côtoyer et de fréquenter. Ces deux collègues manifestent, à leur égard, une indépendance nouvelle pour moi, ce qui ne signifie toutefois pas qu’ils seraient prêts à modifier leur allégeance totale au parti qu’ils représentent. De leur côté, les représentants des Volontaires chinois font preuve d’assurance, en général, et de cordialité à l’égard de la délégation suisse, en particulier. Les communiqués de la presse nord-coréenne qui nous parviennent quotidiennement en langue anglaise n’ont, à ma connaissance, jamais fait état des opérations militaires chinoises au Vietnam; par contre, les dépêches en provenance de Pékin, sur d’autres sujets, y sont relativement fréquentes. Malaise d’un côté, assurance de l’autre: probablement un reflet de l’influence des forces et des intérêts.
Je crois percevoir, au Sud, une attitude différente à l’égard de la NNSC: du côté américain, on semble vouloir multiplier les occasions de contacts avec les quatre délégations (pour la première fois, tous les membres tchèques et polonais – à l’exception des généraux – sont invités à un déjeuner offert à Séoul par le Secrétaire de la Commission d’armistice;5 ce repas en commun sera complété par un tour de ville au cours duquel les officiers suisses et suédois joueront les cicérones).
À diverses reprises et en face de témoins, le chef de la délégation ROK/MAC6 a insisté auprès de moi sur le rôle que la NNSC peut – et, à ses yeux, doit – jouer dans l’établissement d’un dialogue. Il est évidemment réconfortant de constater que l’initiative que nous avons prise en 1968 porte aujourd’hui encore des fruits: notre salle de conférence est fréquemment utilisée pour des rencontres N-S (organisation des championnats du monde de tennis de table; reprise du dialogue sur la réunification interrompu depuis 1973).
Ces preuves de confiance à l’égard de la NNSC sont certainement la conséquence de l’attitude de ses membres au cours des dix dernières années et du rôle joué par mon prédécesseur, M. van Muyden, en particulier.7 Elles donnent une nouvelle dimension à notre présence ici... et pourtant nous sommes bien conscients des limites exiguës de nos possibilités! On a peine à croire, en effet, que le sort final de la Corée se jouera à Pyongyang ou à Séoul: l’ombre des Grands continue de plâner sur la zone des conférences de Panmunjom.
Alors qu’en 1968, la vallée qui s’ouvre sur Séoul était encore une voie ouverte à l’invasion du nord, les conditions ont bien changé depuis lors. Six barrages successifs s’opposent aujourd’hui à une pénétration rapide des chars. L’état de la chaussée a été remarquablement amélioré et nous n’avons plus à circuler dans un nuage de poussière, entre des nids de poules. Cette route reste contrôlée par un certain nombre de postes mixtes, coréens et américains. La discipline, la présence et l’annonce dont font preuve ces «gardiens de la paix» est un baume au cœur de celui qui a vainement tenté d’obtenir semblable résultat au sein de son corps de troupe en Suisse!
- 1
- CH-BAR#E2001E-01#1991/17#5962* (B.73.Corée.0.1.(32)). Cette notice est rédigée et signée par le Chef de la délégation suisse de la NNSC, le Conseiller d’ambassade Pierre Barbey, et adressée au Chef de la Division politique II du DFAE, l’Ambassadeur Jürg Iselin. Des copies sont envoyées pour information aux Ambassades de Suisse à Séoul, Tokyo et Beijing, ainsi qu’à l’Office fédéral de l’adjudance du DMF.↩
- 2
- Sur la première mission de Pierre Barbey en tant que Chef de la délégation suisse de la NNSC, du 17 novembre 1967 au 18 juin 1968, cf. son rapport final du 17 juin 1968, QdD 21, doc. 40, dodis.ch/33824.↩
- 3
- Le Major général Frantisek Suchanek.↩
- 4
- Le Major général Janusz Sieczkowski.↩
- 5
- Le Colonel Kenneth A. Kleypas.↩
- 6
- Le Contre-amiral Warren C. Hamm, Jr.↩
- 7
- Sur le mandat du Chef de la délégation suisse de la NNSC du 5 juillet 1969 au 12 mars 1979, le Conseiller d’ambassade Claude van Muyden, cf. le rapport final rédigé par son successeur Pierre Aimé Barbey suite à son décès prématuré, dodis.ch/65559.↩
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