dodis.ch/49449Notice pour le Chef du Département politique, P. Graber1
Publication de communiqués de presse au sujet d'affaires d'espionnage: cas Tadeusz Fiecko
La prise de position (ci-jointe) du Département de justice et police sur notre co-rapport, dans lequel nous suggérions de renoncer à la communication d'un communiqué de presse, ne nous est parvenue que ce matin, c'est-à-dire après la séance au cours de laquelle le Conseil fédéral a pris sa décision2. Sans vouloir revenir sur cette décision, nous estimons cependant que l'argumentation du Département de justice et police ne devrait pas être acceptée, même tacitement, car non seulement elle repose sur des conceptions que nous considérons erronées, mais elle risque d'aboutir à priver complètement le Département politique de tout «Mitspracherecht» au sujet de la ligne à suivre en la matière. Or, ce «Mitspracherecht» lui avait été formellement reconnu par un arrêté (secret) du Conseil fédéral du 11 février 19703.
L'argument principal du DFJP est que les organes de sécurité de l'État ont «le droit (Anspruch) de faire connaître leurs succès». Il est facile de répondre que l'intérêt, voire l'amour-propre, d'un organe du gouvernement passe toujours après l'intérêt de la Confédération. Les organes de sécurité n'ont pas plus le droit de faire valoir leurs succès que le Département politique. Ils doivent s'acquitter de leur devoir même quand c'est en secret. Les diplomates y sont habitués.
Que le peuple suisse désire maintenant être mieux informé qu'avant l'affaire Jeanmaire4, c'est possible; nous croyons cependant qu'il tient surtout à ce que de tels cas ne se reproduisent pas. Qu'il ait besoin d'être «sensibilisé», c'est une question sur laquelle il appartient au Conseil fédéral de se prononcer. Il convient toutefois de remarquer qu'apparemment, dans le cas Fiecko, aucun Suisse n'a été impliqué. On voit donc mal à quoi aurait servi une meilleure «sensibilisation».
Enfin, le DFJP semble dire que la publication d'un communiqué de presse5 a, sur les services de renseignement étrangers, un effet de dissuasion plus important que le succès obtenu dans la découverte d'un agent secret. Cette manière de voir a de quoi surprendre.
De toute évidence, il y a, dans ce genre d'affaires, des intérêts divergents entre lesquels le Conseil fédéral doit arbitrer de cas en cas en fonction des intérêts supérieurs de la Confédération. Mais il serait, à notre avis, contraire à ces derniers d'accepter tacitement l'argumentation du DFJP.