dodis.ch/47998
Le Délégué du Conseil fédéral aux Œuvres d’Entraide internationale, Ed. de
Haller, au Chef du Département politique,
M. Petitpierre1
Le «Don suisse» est saisi par le Comité international de la Croix-Rouge d’une proposition tendant à secourir les enfants de Vienne victimes des bombardements aériens. Le territoire autrichien est à tel point surpeuplé ensuite de l’arrivée de fugitifs du Reich, qu’il n’est pas possible d’envisager l’évacuation des quelque 180000 enfants de la capitale autrichienne. Aussi, les Autorités responsables du ravitaillement de Vienne ont-elles, d’accord avec le Gauleiter Baldur von Schirach, sollicité, par l’intermédiaire du Comité international, une assistance suisse. Il s’agirait, ou bien de l’hospitalisation d’un nombre réduit d’enfants en Suisse par les soins de la «Croix-Rouge suisse secours aux enfants», ou de la fourniture de baraques pour l’installation des enfants de Vienne au Voralberg.
Le Comité exécutif du «Don suisse» sera vraisemblablement appelé à se prononcer sur cette question au cours de sa prochaine séance convoquée pour le mercredi 21 mars. Il est probable que le Comité jugera prématuré d’envisager dès maintenant une action en faveur des enfants autrichiens.
Nous n’avons jamais exclu l’hospitalisation d’enfants allemands en Suisse. Si en fait nous n’en avons point reçus, c’est que les Autorités du Reich n’ont pas jugé devoir autoriser la Croix-Rouge allemande à accepter les offres de la Croix-Rouge suisse. Pour la dernière fois il y a dix-huit mois environ, notre Légation à Berlin avait rappelé à l’Auswärtiges Amt que nous serions heureux de recevoir en Suisse des enfants allemands victimes de la guerre. On espérait ainsi pouvoir réamorcer les convois d’enfants de pays occupés, suspendus au début de 1943 par les Autorités du Reich2. Dans l’hypothèse où le «Don suisse» songerait à donner suite à la proposition du Comité international, il faudrait de toute façon s’assurer que le Gouvernement allemand ne s’oppose pas à sa réalisation.
Je suppose que si l’on optait pour la formule de l’hospitalisation au Voralberg, le Conseil fédéral ne verrait pas de raison politique de s’y opposer, à la condition toutefois que les baraques nécessaires puissent être exportées de Suisse, ce qui, à l’heure actuelle, est assez problématique. En ce qui concerne l’autre terme de l’alternative, à savoir l’hospitalisation en Suisse, on peut se demander s’il est prudent d’envisager une nouvelle augmentation du nombre d’enfants que nous hébergeons, au moment où nous pouvons prévoir que des dizaines, pour ne pas dire des centaines de milliers de prisonniers et de déportés sollicitent l’admission sur notre territoire. Néanmoins, comme en réalité il ne pourrait s’agir en tous cas pour commencer que de quelques milliers d’enfants autrichiens qui, à la différence des prisonniers et déportés évacués d’Allemagne, seraient accueillis dans des familles, je compte, sauf instructions contraires, ne pas m’opposer à une décision affirmative du «Don suisse». Je me bornerais à faire une réserve concernant l’acquiescement des Autorités du Reich.