dodis.ch/47945
Notice de la Division des Intérêts étrangers du Département politique
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NOTICEAU SUJET DE L’AIDE-MÉMOIRE CONFIDENTIEL DU 13 JANVIER 1945 DE LA LÉGATION DES ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE À BERNE, CONCERNANT LA PROTECTION DES JUIFS EN TERRITOIRES SOUS CONTRÔLE Allemand2
Au point de vue théorique, la suggestion du Gouvernement américain - tendant à ce que les représentants consulaires suisses en territoire sous contrôle allemand dont dépendent les régions où se trouvent les concentrations les plus considérables de Juifs tentent de protéger ces derniers par de fréquentes visites aux lieux où ils sont retenus - est judicieuse.
Il est, en effet, certain qu’en Hongrie, l’intervention des représentants suisses a permis de sauver la vie d’un grand nombre de Juifs.
Toutefois, au point de vue pratique, la situation des Juifs en Allemagne diffère considérablement de celle de leurs coreligionnaires en Hongrie, car les inspecteurs de la Légation de Suisse à Berlin et ses agents consulaires n’ont jamais obtenu l’autorisation de visiter un camp d’internement ou de travail où se trouvaient des Juifs ne disposant pas, soit de certificats d’immigration en Palestine, soit de documents d’identité établis au nom d’Etats des 3 Amériques. Les Allemands ne considèrent que les Israélites appartenant à ces deux dernières catégories comme ayant un droit quelconque à la protection de la Suisse et ceci seulement dans la mesure où ils espèrent les échanger contre des ressortissants allemands en mains britanniques ou américaines.
Le Gouvernement hongrois avait bien admis, jusqu’à un certain point, les arguments fondés sur des considérations d’ordre humanitaire invoqués par la Légation de Suisse à Budapest pour justifier ses interventions en faveur des Juifs en Hongrie auxquels s’intéressent la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique. En revanche, le Gouvernement allemand estime que la situation des Juifs en son pouvoir ne regarde que les Autorités allemandes exclusivement et ne relève à aucun titre de l’activité de la Suisse - sauf pour un petit nombre d’entre eux qui sont titulaires de certificats d’immigration palestiniens, ou de documents d’identité américains ou ibéro-américains, et qui peuvent participer à des échanges.
Ainsi, par exemple, M. Feldscher a déjà tenté, à de nombreuses reprises, d’obtenir l’autorisation de visiter Theresienstadt, mais tous ses efforts se sont heurtés à ce point de vue allemand.
La Division des Intérêts étrangers ne pourrait donc guère donner suite à la suggestion du Gouvernement américain en cette affaire.
En revanche, il serait peut-être possible de trouver un autre prétexte que l’inspection des camps et des lieux de détention en question (par exemple, la visite d’immeubles appartenant à des Suisses), pour multiplier les visites des agents consulaires suisses dans les régions où se trouvent concentrés les Juifs auxquels s’intéresse le Gouvernement américain. Il semble que de telles mesures rentrent dans la compétence de M. le Ministre Frölicher, qui doit être à même de juger de leur opportunité et de leur utilité.