Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.21. ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 205
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#212* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 105 | |
Dossier title | Bukarest, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 11 (1943–1944) |
dodis.ch/47809
[...]2
Dans un long monologue de près d’une heure, le président s’efforça surtout de me convaincre qu’il avait parlé sans ambages à M. de Ribbentrop. En substance, il prétend avoir rappelé à son collègue allemand les sages avis qu’il lui aurait prodigués à divers moments décisifs et qui ne furent pas écoutés. C’est pour avoir négligé les bons conseils du premier ministre roumain que le Reich, qui pouvait, avec un peu de générosité et d’adresse, fédérer autour de lui, en respectant leur liberté et leur droit à la vie, tous les peuples d’Europe3, se trouve aujourd’hui aux prises avec un monde d’ennemis dont la haine décuple la puissance. Tel est, du moins, le sens général du plaidoyer que j’ai sagement écouté.
Il me paraît inutile de vous le rapporter en détail. Je note seulement que mon interlocuteur affirme avoir trouvé un Ribbentrop plus courtois et plus compréhensif que jamais.
Certains propos de table des grands chefs allemands méritent peut-être de vous être répétés.
Le «Führer», d’après M. Mihai Antonesco, admire Staline d’avoir, dès avant la guerre, «épuré» l’armée rouge et de n’avoir pas désespéré lorsque la fortune des armes paraissait l’accabler. Pour les mêmes raisons, il s’incline devant Tito, obstiné à combattre sans répit «malgré les pertes effroyables que nous leur avons infligées». A propos des généraux allemands qui ont fondé à Moscou le «Comité de l’Allemagne libre», Hitler, entre la poire et le fromage (si poire et fromage il y avait), déclara qu’il ferait pendre les membres de leurs familles demeurés en Allemagne.
Au cours de son tête-à-tête avec le maréchal, il eut quelques remarques acerbes sur le mercantilisme des Roumains, qui réclament au Reich des francs suisses pour payer la nourriture des soldats allemands luttant sur le sol de la Roumanie. Ribbentrop, de son côté, cita au président intérimaire une phrase devenue proverbiale, dit-il, en Allemagne: «Si nous manquons de beurre et si le pain est rare, c’est parce que nos armées de Moldavie et de Bessarabie sont nourries de beurre et de pain allemands».
Quant à Himmler, comme M. Mihai Antonesco émettait quelques doutes sur l’efficacité de la terreur pour remonter le moral d’un peuple, il répondit: «Je connais assez les Allemands pour savoir ce qui leur convient».
A en juger par l’ensemble des confidences que m’a faites mon interlocuteur, les Roumains auraient consenti une fois de plus à intensifier leur effort de guerre et leur assistance économique. Sur le premier point, on peut se demander si les mesures militaires actuellement en cours ne sont pas une arme à double tranchant, susceptible de se retourner un jour contre le Reich. Sur le second, la présence à Bucarest de M. Clodius indique assez que, si un accord de principe a été conclu, ses modalités d’application doivent encore être discutées.
Quelles que soient la mollesse et l’inertie dont témoignent les chefs du gouvernement comme ceux de l’opposition, il paraît difficile que les changements intervenus en Finlande, en Bulgarie et en Turquie restent sans influence sur les destinées du royaume danubien.
On pourrait comparer aujourd’hui la Finlande, la Bulgarie et la Roumanie à trois chevaux affamés, qui, pour atteindre leur pitance, auraient à sauter un mur. Si, tandis que Finlandais et Bulgares prennent leur élan, les Roumains continuent à se dérober, ils risquent fort, quand ils retomberont de l’autre côté du mur, de n’y plus trouver un seul grain d’avoine4. En d’autres termes, la prime offerte aux premiers des transfuges de l’Axe aura déjà été distribuée quand ils demanderont à la toucher. A moins que, la Hongrie restant de gré ou de force attelée au char de l’Allemagne, les Roumains ne réussissent malgré tout à faire agréer leurs services, à la toute dernière heure, pour aider à réduire l’armée hongroise.
- 1
- E 2300 Bukarest/11. Echos de l’entrevue Hitler-Antonesco. Pilet-Golaz et Bonna ont visé ce rapport le 29 août 1944.↩
- 2
- Dans ce compte-rendu de son entretien du 18 août avec Mihai Antonesco, R. de Week commence par évoquer les circonstances de l’entrevue entre Hitler et le « Conducator» qui a répondu avec réticences à une invitation du «Führer».↩
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