Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.1. ALLEMAGNE
2.1.5 AFFAIRES MILITAIRES
Également: L’utilisation de l’espace aérien suisse par les bombardiers britanniques ajoute un élément au lourd contentieux avec l’Allemagne. Mais une trop sévère protestation auprès du Gouvernement britannique pourrait torpiller la négociation économique en cours à Londres. Annexe de 30.9.1942
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 246
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E5795#1000/951#386* | |
Old classification | CH-BAR E 5795(-)1000/951 89 | |
Dossier title | Luftraumverletzungen und Abwehrmassnahmen (1941–1944) | |
File reference archive | 2.06.b |
dodis.ch/47432
Bombardement de Munich par des avions anglais.
Conséquences pour la Suisse.
J’ai l’honneur de résumer ci-dessous les conséquences politico-militaires qui me paraissent résulter du dernier bombardement britannique (19/20.9.) sur l’Allemagne du sud après violation de notre espace aérien. Ce texte, rédigé à titre documentaire, confirme mes diverses déclarations.
1) La fâcheuse impression causée dans le sud de l’Allemagne par le fait que les raids britanniques empruntent une partie de notre territoire pour tourner par le sud les barrages anti-aériens allemands nous est confirmée par de nombreuses sources. Au rapport3 du consul de Suisse à Munich, Monsieur Gremminger (précédemment transmis au Général et au chef de l’état-major de l’armée) est venu s’ajouter un télégramme4 de notre attaché militaire, le colonel von Werdt, conçu en ces termes: «Empfehle sehr, dass unsere Flak unbedingt schiesst bei nächster Überfliegung durch fremde Flieger. Begründung hiefür brieflich.» Ce rapport n’est pas encore arrivé. Je ne manquerai pas de le transmettre immédiatement au commandement de l’armée, dès que je serai en sa possession.
2) Nous assistons actuellement en Allemagne à une réaction identique à celle de l’Italie lors des raids anglais sur ce pays, effectués régulièrement à travers notre espace aérien.
3) Comme le précise le rapport5 «Violation de l’espace aérien suisse» (nuit du 19/20.9.) rédigé le 21.9. par le commandant des troupes d’aviation et de D.C.A., on peut relever le caractère d’exceptionnelle gravité de cette violation, destinée à éviter aux Anglais la voie la plus courte, c’est-à-dire les différents barrages (chasse nocturne et D.C.A.) dressés par les Allemands sur l’itinéraire direct Angleterre-Karlsruhe-Stuttgart-Augsburg-M««/c/z.
4) Il est possible que de tels raids soient fréquemment renouvelés sur Munich ou sur d’autres centres industriels de l’Allemagne du sud; auquel cas nous pouvons nous attendre (l’expérience l’a prouvé) à de nouvelles violations de notre territoire.
5) L’aviation britannique tournant par le sud les barrages allemands, cela implique de notre part la même réaction que si des troupes terrestres étrangères cherchaient à éviter la ligne Siegfried en passant par le Jura suisse. Il en résulte pour nous l’obligation morale et pratique de réagir dans les airs comme nous le ferions sur terre, c’est-à-dire dans le cas particulier, de constituer un «bouclier aérien» face au nord-ouest.
Les fréquentes violations de notre espace aérien - et les inutiles protestations de notre Gouvernement - ont en somme créé une situation très critique pour nous, qui se rapproche, du point de vue de notre neutralité armée, d’un conflit aérien dont on ne voit pas la fin.
6) Il me paraît donc urgent que la plus grande partie de notre «défense contre avions» soit mobilisée et mise en œuvre en vue de contrecarrer les investigations aériennes de l’Angleterre sur notre territoire.
7) Le nombre de nos unités de D.C.A. est généralement connu à l’étranger. Ne mettre sur pied qu’un minimum d’unités reviendrait à faire un geste symbolique qui risquerait d’être fort mal interprété en Allemagne, où l’on pourrait se dire que nous ne réagissons pas avec un maximum (déjà modeste) de puissance uniquement parce que nous savons que les raids anglais ne nous sont pas directement destinés et qu’il ne s’agit que d’opérations de transit6.
8) Ne prendre que des demi-mesures reviendrait à laisser s’accréditer une fois de plus la légende - ridicule, mais elle existe en Allemagne - que toute notre attitude depuis la guerre prouve que nous «sympathisons avec les ennemis de l’Axe»7. Les conséquences pratiques de notre «impuissance» à défendre notre ciel avec un maximum de moyens pourraient être graves pour nous, du point de vue politico-militaire.
9) Nous avons promis à nos voisins de tout mettre en œuvre pour sauvegarder notre neutralité, aussi bien aérienne que terrestre.
Il importe de prouver à l’étranger, par des mesures pratiques, que nous sommes plus que jamais décidés à nous défendre coûte que coûte. La question du nombre de jours supplémentaires que risquent d’effectuer les hommes de la D.C.A. par rapport à d’autres troupes de l’armée de campagne ne doit jouer qu’un rôle secondaire.
- 1
- Lettre: E 5795/386.↩
- 2
- ; B. Barbey a souligné cette date et a écrit en dessous: Pourquoi a-t-on attendu jusqu’au 10.10. pour transmettre? Il s’agit d’une question importante! Ces incidents sont discutés lors d’une séance du 30 septembre 1942, cf. l’extrait du procès-verbal publié en annexe au présent document.↩
- 3
- Ce rapport est annexé à la lettre du Ministre de Suisse à Berlin, H. Frölicher, du 26 septembre 1942, E 2001 (E) 1967/113/126.↩
- 4
- Non reproduit.↩
- 6
- Annotation du Général H. Guisan dans la marge: à 8000-9000 m., ce n’est pas autre chose qu’un acte symbolique!↩
- 7
- Les tensions qui caractérisent les relations politiques et militaires entre l’Allemagne et la Suisse au cours de l’automne 1942 incitent R. Masson à prendre diverses initiatives. Il écrit le 29 octobre 1942 une lettre au Chef de la Division Presse et Radio, M. Plancherel: en lui transmettant un article d ’un journaliste allemand hostile à la Suisse, il lui propose un entretien afin de discuter des moyens à mettre en œuvre pour que la tension intenable et grave qui persiste entre l’Allemagne et nous, dans le domaine de la presse, soit une fois pour toute liquidée. Il me semble que notre Gouvernement pourrait trouver les moyens de mettre fin à ce véritable «conflit» qui risque de devenir tragique à l’heure de la discussion. Nous laissons s’accumuler contre nous les pires mensonges (exemple: notre presse fait de la propagande en vue de la constitution du 2e front contre l’Allemagne, etc.) et se créer en Allemagne un «climat» hostile à la Suisse qui peut avoir des conséquences regrettables. En ce qui me concerne, j’ai lutté de toutes mes forces, jadis, pour que notre presse, à laquelle on pouvait adresser certains reproches justifiés, fasse preuve de plus d’objectivité. Mais parallèlement, j’estime que nous ne devons pas «encaisser» constamment et sans aucune réaction, des reproches du genre de ceux qui sont contenus dans l’article de Pauls. Le drame devenant toujours plus aigu, il importe que nos autorités responsables prennent l’initiative de poser une fois officiellement le problème de nos relations avec l’Allemagne du point de vue de la presse (E 4450/70A).↩
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