Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
A. AVEC LES ÉTATS LIMITROPHES
1. Allemagne
1.1. Affaires politiques et militaires
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 13, doc. 358
volume linkBern 1991
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#125* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 66 | |
Titre du dossier | Berlin, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 41 (1940–1940) | |
Référence archives | 19 |
dodis.ch/47115
Nous avons eu l’honneur de recevoir l’office du 2 août par lequel vous avez bien voulu nous communiquer, à titre confidentiel, copie de la lettre personnelle que M. Huber vous a adressée2, après s’être entretenu avec vous des mesures à prendre en vue d’accélérer une amélioration des rapports germanosuisses. Nous en avons pris connaissance avec beaucoup d’intérêt et nous vous remercions de nous fournir l’occasion de dissiper certains malentendus.
Nous partageons pleinement votre avis qu’il est de toute importance d’arriver très rapidement à créer entre la Suisse et l’Allemagne un climat psychologique meilleur. Nous y travaillons de notre mieux. Nous sommes conscients de la nécessité d’éviter toute perte de temps qui pourrait être fatale. Nous ne pouvons nous dissimuler, toutefois, qu’il serait plus pernicieux encore de provoquer, en brûlant les étapes, des réactions de l’opinion publique dans un sens contraire au but poursuivi.
Il est fort compréhensible que le danger d’incidents de politique intérieure, qui risqueraient d’anéantir en un instant les résultats obtenus jusqu’ici, soit mal aisé à discerner de Berlin. A distance, il peut sembler que le Conseil fédéral ayant la confiance de la grande majorité du peuple suisse et étant au bénéfice de pleins pouvoirs, il n’a qu’à agir selon les besoins de la politique extérieure, sans se préoccuper de la façon dont ses actes seront jugés à l’intérieur du pays. Sur place, il apparaît beaucoup plus clairement que le Conseil fédéral ne peut conserver son ascendant que si sa politique est comprise et approuvée par l’opinion suisse et qu’il doit prendre constamment garde de ne pas dérouter les esprits par des mesures précipitées.
Il ne suffit pas que la presse garde le silence pour que des remous dangereux soient évités. Nous venons d’en faire l’expérience: l’Attaché de presse allemand [G. Trump], qui ne manque pas d’entregent et a su nouer des relations dans des milieux assez divers, a cru pouvoir signaler lui-même à la direction de certains journaux (Bund, Nationalzeitung, etc.) l’opportunité de se débarrasser de rédacteurs qui ont montré leur zèle contre l’Allemagne. Il n’a pas été éconduit, mais son action, menée de façon trop rapide, a provoqué un profond malaise dont les journaux ont à peine parlé, mais dont l’existence n’a pas échappé à la Légation d’Allemagne elle-même. Des rédacteurs de journaux assez discrédités y ont gagné une popularité nouvelle; ils seront plus difficiles à écarter que si l’on avait procédé plus prudemment. Les manifestations patriotiques un peu trop claironnantes qui ont eu lieu dans les milieux militaires suisses sont, elles aussi, des réactions contre ce qui est apparu à d’aucuns comme une ingérence inadmissible dans nos affaires intérieures.
Les mesures à prendre pour améliorer le climat de nos relations avec l’Allemagne ne peuvent donc être que progressives et doivent être soigneusement étudiées et préparées. Nous vous prions d’être assuré qu’elles le sont - non seulement dans les bureaux qui font ce qu’ils peuvent et dont il est injuste de soupçonner la bonne volonté - mais par le Président de la Confédération et la délégation du Conseil fédéral pour les affaires étrangères. Certains gestes que vous avez préconisés pourront sans doute être accomplis dans un avenir rapproché: (restitution des avions allemands internés, abandon de nos réclamations pour les dommages de Bâle et de Courrendlin, démobilisation progressive, envoi à Berlin de correspondants de journaux sympathiques à l’Allemagne). D’autres gestes devront être différés.
En ce qui concerne la Société des Nations, nous pensons que la Suisse n’aurait rien à gagner à imiter servilement la Roumanie en en sortant. Un tel geste conduirait beaucoup de gens, en Suisse et à l’étranger, à rappeler que nous avons fait naguère de grands efforts pour attirer la S.D.N. sur notre territoire et à trouver que nous manquons d’élégance en chassant de chez nous une institution qui a cessé toute activité politique et qui est pratiquement en état de liquidation, ainsi que le montre la démission de M. Avenol. Vous pouvez, en revanche, donner discrètement à entendre qu’il n’y a plus aucun Suisse dans le personnel dirigeant de la S.D.N. et du B.I.T., MM. de Haller et Secretan s’étant retirés, et que nous n’avons pas l’intention de prévoir au budget pour 1941 une contribution de la Suisse aux dépenses de la S.D.N..
Nous entrons, comme vous le voyez, largement dans vos vues. Nous sommes résolus à continuer avec la circonspection nécessaire, mais sans nous laisser décourager par les difficultés de la tâche, nos efforts en vue d’améliorer les relations germano-suisses. Notre tâche serait facilitée si nous pouvions compter sur une pleine compréhension de votre part des nécessités de politique intérieure qui exigent la plus grande prudence si l’on veut éviter le risque de tout remettre en question.
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