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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 277
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1001#1000/6#65* | |
Old classification | CH-BAR E 1001(-)1000/6 65 | |
Dossier title | Anträge des Eidg. Politischen Departementes Juli - Dezember 1936 (1936–1936) | |
File reference archive | 1.2 |
dodis.ch/46198
[...] 2
En vue de réaliser l’accord envisagé, qui paraît avoir rencontré une certaine résistance en U.R.S.S., en Italie et en Allemagne, le Gouvernement français a cherché à trouver une formule aussi souple que possible et, le 7 août, les représentants de la République française ont été chargés de remettre aux gouvernements des Etats européens un projet de déclaration que l’Ambassadeur de France a également remis au Département politique. Ce projet est joint à la présente proposition3. Il prévoit simplement que les Gouvernements qui le signeraient interdiraient sur leur territoire l’exportation, la réexportation et le transit de matériel de guerre à destination de l’Espagne et se tiendraient mutuellement informés des mesures qu’ils auraient prises.
La politique de neutralité fait à notre pays un devoir d’autant plus impérieux de se tenir scrupuleusement à l’écart de la guerre civile espagnole que d’autres Puissances pourraient incliner à favoriser l’un ou l’autre des partis en présence. Ce devoir semble avoir été compris d’emblée par les fabriques suisses de matériel de guerre, avec lesquelles le Gouvernement espagnol a cherché à entrer en pourparlers en vue de commandes ultérieures et qui ont senti la nécessité de les décliner. L’opportunité d’une interdiction d’exportation de matériel de guerre en Espagne a, toutefois, été envisagée par le Département militaire dès le 5 août et une telle mesure paraît, en effet désirable4.
Bien que la convention de La Haye concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre, du 18 octobre 19075, n’impose pas aux Etats neutres l’obligation d’empêcher l’exportation ou le transit de matériel de guerre à destination de l’un des belligérants pourvu que l’autre belligérant soit traité sur le même pied, il n’est pas douteux que, dans les circonstances actuelles, le seul moyen d’empêcher que la Suisse puisse être mêlée indirectement aux événements d’Espagne est d’interdire complètement l’exportation et le transit d’armes et de munitions pour les deux camps.
A l’occasion du conflit entre la Bolivie et le Paraguay6 et de la guerre italoabyssine7, le Conseil fédéral a fait usage des pouvoirs que lui confère l’article 102, chiffres 88
et 99, de la Constitution fédérale pour interdire toute exportation de matériel de guerre à destination de ces pays. Une mesure analogue s’impose à l’égard des partis belligérants en Espagne et il y aurait intérêt à ce qu’elle fût prise immédiatement, sans attendre que les Etats dont la politique n’est pas, en général, fondée sur la neutralité aient définitivement fixé leur ligne de conduite. La position particulière de la Suisse serait ainsi nettement marquée.
La question de savoir s’il convient que la Confédération participe, en outre, à l’accord général de non-intervention en Espagne préconisé par le Gouvernement français est un peu plus délicate10.
A première vue, une certaine réserve s’impose. La neutralité perpétuelle de la Suisse est d’une autre essence que la neutralité temporaire que les grandes Puissances décident d’adopter en présence d’une situation donnée; elle ne dépend pas de ce que feront ou ne feront pas d’autres Etats à l’égard des partis en présence. La participation de la Suisse à un pacte de neutralité est donc a priori superflue et pourrait même, suivant les circonstances, être une source de difficultés et de malentendus. On se souvient que, lorsqu’il fut question en 1934 de la conclusion d’un pacte de non-intervention en Autriche par lequel l’Italie envisageait de paralyser les ambitions de l’Allemagne dans le bassin danubien, nous tînmes beaucoup à faire comprendre à Rome que la Suisse devait rester en dehors de ces combinaisons. Notre attitude fut alors parfaitement comprise11.
Il faut examiner, toutefois, si les scrupules que nous avons éprouvés en 1934 seraient vraiment justifiés dans les présentes conjonctures. Il n’y aurait aucun doute à cet égard si, comme on a pu le penser un instant, l’arrangement envisagé avait pour but d’opposer aux Etats qui soutiendraient l’un ou l’autre des partis en Espagne un bloc d’Etats «non-interventionnistes» résolus à leur opposer des normes de «non-intervention». Mais il ne paraît plus question d’aller si loin. Il n’est même plus question d’un pacte, mais d’une simple déclaration de non-ingérence qui ne contient rien que la Suisse puisse hésiter à déclarer. Nous ferons spontanément ce que prévoient les chiffres 1 et 2 du projet français de déclaration et nous n’avons aucune raison de ne pas en tenir informés les autres Gouvernements conformément au chiffre 3 dudit projet12. Il est possible qu’en cas de violation de l’engagement contenu dans la déclaration projetée, les grandes Puissances cherchent à contraindre le violateur éventuel à tenir sa promesse. Mais rien dans la déclaration envisagée n’implique que tous les Etats signataires aient à participer à une telle action et il est si clair que notre neutralité nous interdirait absolument de nous associer à des mesures de contrainte destinées à imposer la neutralité à un autre Etat que des réserves à cet égard seraient tout à fait superflues.
Il est à craindre, en revanche, que l’attitude qui consisterait à faire ce que prévoit le projet français de déclaration tout en refusant de le déclarer conjointement avec les autres Etats puisse gêner un peu l’action entreprise afin d’empêcher que la guerre civile espagnole ne compromette la paix européenne, car une telle attitude ne pourrait guère être interprétée que comme découlant d’une suspicion à l’égard des Etats qui proclament leur neutralité.
Tout en restant rigoureusement fidèles à notre politique de neutralité, nous avons intérêt à ne pas encourir le reproche de raideur ou celui de pusillanimité et nous nous y exposerions sans doute en nous déclarant si neutres que nous ne pourrions même pas signer avec d’autres Etats une simple déclaration de neutralité.
Nous proposons donc:
1° d’ordonner la publication au Recueil officiel des lois d’un arrêté interdisant toute exportation d’armes en Espagne, conforme au projet ci-joint13;
2° d’autoriser le Département politique à faire savoir au Gouvernement français que le Conseil fédéral a interdit l’exportation de matériel de guerre à destination de l’Espagne et serait prêt, si cela pouvait être utile, à signer une déclaration dans le sens du projet remis le 7 août par l’Ambassadeur de France14.
- 1
- E 1001 1 EPD 1.7.-31.12.1936. Paraphe: JF. Neutralité suisse dans les affaires d’Espagne. Interdiction d’exportation d’armes et de matériel de guerre à destination de ce pays.↩
- 2
- La guerre civile espagnole, la tension en Europe et la proposition française, inspirée probablement par Londres, de conclure entre les Puissances dont les sympathies vont au Gouvernement légal espagnol et celles qui se sentent plus près des insurgés commandés par le Général Franco, ...un accord par lequel chacune d’entre elles s’interdirait d’aider les deux partis en présence.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. no 274, n. 3.↩
- 5
- RO, 1910, vol. 26, pp. 376-400.↩
- 6
- Cf. annexe au no 186, n. 16.↩
- 7
- Cf. rubrique 1.4: Société des Nations, conflit italo-ëthiopïen..↩
- 8
- Il[Le Conseil fédéral]veille, aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à l’observation de ses rapports internationaux, et il est, en général, chargé de ses relations extérieures.↩
- 9
- Il[Le Conseil fédéral]veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.↩
- 10
- Le 8 août, d’Airolo, Motta écrit à Bonna, auteur de la proposition du Département politique du 11 août: [...] Tout compte fait il me semble qu’il n’y a pas d’inconvénient à adhérer à la formule qui nous est proposée – et je crois que le Conseil fédéral pourrait même, dans sa séance prochaine du 14 août, décider l’embargo sur les armes et le matériel de guerre à destination de l’Espagne, sans attendre ultérieurement. La thèse italienne qui semble tendre à exiger aussi la neutralité de l’opinion, des personnes et des associations privées créerait une neutralité qui ne serait pas acceptable pour nous. Je me demande cependant si le C.[onseil] f.[édéral] ne devrait pas interdire les collectes d'argent publiques en faveur des belligérants. Le parti socialiste suisse semble avoir déjà commencé – et il serait peut-être sage de l’arrêter à la première tentative (E 2001 (D) 1/144).↩
- 11
- Sur ce projet, cf. E 2001 (C) 4/116.Le 7 août, en recevant des mains de l’Ambassadeur de France le projet de déclaration de nonbelligérance, le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique a évoqué ce précédent: [...] J’ai promis de faire la communication demandée. J’ai indiqué à M. l’Ambassadeur que j’avais déjà mis MM. les Conseillers fédéraux Motta et Minger au courant de sa démarche d’hier et que M. Motta est tout acquis à l’idée de la complète «non-intervention» de la Suisse en Espagne et qu’il a déjà donné l’ordre de préparer un projet d’arrêté interdisant les exportations d’armes pour ce pays, quels que soient l’expéditeur et le destinataire, projet qu’il a l’intention de soumettre à la prochaine séance du Conseil fédéral. M. Motta n’a pas encore, en revanche, une opinion faite au sujet de la possibilité pour la Suisse de participer à une entente collective à ce propos (je rappelle les scrupules que nous avons éprouvés lorsqu’il a été question de la participation de la Suisse à un pacte de non-intervention en Autriche). Le Comte Clauzel répond qu’il comprend ces scrupules et qu’ils ne le surprennent pas beaucoup, car il connaît notre souci de neutralité absolue. Il se demande, toutefois, si nous ne poussons pas peut-être ces scrupules un peu loin quand il s’agit précisément de formuler une déclaration de neutralité et il exprime l’espoir que la formule très souple de la déclaration collective envisagée par le Gouvernement français nous aide à vaincre nos hésitations (notice de P. Bonna, du 7 août, E 2001 (D) 1/144). Après ses entrevues des 6 et 7 août avec P. Bonna, l’Ambassadeur de France est reçu le 10 par le Chef du Département politique. Il remet à ce dernier un aide-mémoire qui, énumérant les réactions de plusieurs capitales au projetfrançais, réitère les intentions de Paris(E 2001 (D) 1/144).↩
- 12
- «1°. – Les Gouvernements ci-dessus énumérés interdisent, chacun en ce qui le concerne, l’exportation directe ou indirecte, la réexportation et le transit à destination de l’Espagne, des possessions espagnoles ou de la zone espagnole du Maroc de toutes armes, munitions et matériel de guerre ainsi que de tous aéronefs, montés ou démontés, et de tous navires de guerre. 2°. – Cette interdiction s’applique aux contrats en cours d’exécution 3°. – Les Gouvernements se tiendront informés de toutes mesures prises par eux pour donner effet à la présente déclaration qui entre immédiatement en application» (E 2001 (D) 1/144).↩
- 13
- Non reproduit. Cf. Arrêté du Conseil fédéral concernant l’exportation, la réexportation et le transit d’armes, munitions et matériels de guerre à destination de l’Espagne, des possessions espagnoles et de la zone espagnole du Maroc, du 14 août 1936 (RO 1936, vol. 52, p. 621).↩
- 14
- Dans sa séance du 14 août, au cours de laquelle il adopte également une interdiction de participer aux hostilités en Espagne (cf. no 279), le Conseil fédéral modifie la proposition du Département politique: [...] II. Dans son exposé oral, le Chef du Département politique déclare modifier sa proposition sous chiffre 2° en ce sens que la Suisse ne participerait point à une déclaration générale de neutralité selon le projet remis par l’Ambassadeur de France, mais se contenterait de prendre de sa propre initiative les mesures autonomes tendant à assurer sa neutralité qu’elle jugera à propos. III. Le Conseil approuve cette manière de voir et décide: a) d’adopter, conformément à la proposition... ci-dessus, un arrêté interdisant toute exportation d’armes en Espagne[cf. n. 12]; b) de faire paraître dans la presse un communiqué du Département politique fédéral ayant la teneur suivante: «L’ambassade de France à Berne, sur l’ordre de son gouvernement, a communiqué au Conseil fédéral le projet de déclaration commune de non-ingérence dans les affaires d’Espagne. Le Conseil fédéral a chargé le Département politique de remercier le gouvernement de la République française, par l’intermédiaire de l’ambassadeur à Berne, de cet acte d’amicale déférence. Le Conseil fédéral a pris aujourd’hui même plusieurs décisions autonomes conformes à une politique de non-ingérence, mais, pour des raisons tirées de la neutralité permanente de la Confédération, il n’a pas l’intention de participer à une déclaration commune» (PVCF ° 1371 du 14 août, E 1004 1/359;. Sur les réactions des Chambres fédérales aux décisions prises, cf. no 283, n. 15.↩
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