dodis.ch/46194 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Chef du Département politique, G. Motta1
Berne, 3 août 19361936-08-03
Je m’excuse de vous importuner, dès votre arrivée à Berne, de l’affaire des journalistes italiens, qui prend soudain mauvaise tournure et à laquelle il serait extrêmement désirable de trouver une solution demain.
La décision du Conseil fédéral2 n’a pas eu l’effet de détente que l’on en pouvait escompter et M. Tamaro a fait, le 13 juillet auprès de M. Frölicher, puis le 22 juillet auprès de moi, des démarches très insistantes et presque menaçantes pour obtenir le retrait immédiat de toutes mesures contre ces personnages3. Tout en exprimant l’avis qu’il serait très désirable d’arriver à bref délai au règlement de cette affaire, M. Ruegger donnait, jusqu’à la fin de la semaine dernière, une note plus tranquillisante. Mais, ainsi qu’il résulte du télégramme ci-joint4, la situation semble s’être assez brusquement modifiée et M. Ciano, qui s’était montré jusqu’ici compréhensif et conciliant, insiste maintenant pour un règlement très rapide.
Les efforts que nous avons faits depuis trois semaines pour amener le Secrétariat de la Société des Nations à régler l’affaire dans le sens de la décision du Conseil fédéral en restituant aux huit journalistes italiens leurs cartes de journaliste n’ont pas abouti, le Secrétariat se refusant à laisser s’établir une connexion entre décision suisse et décision internationale. Nous avons, toutefois, l’assurance officieuse, par M. de Montenach, que le règlement définitif de l’affaire par les Autorités suisses n’appellerait aucune objection de la part du Secrétariat de la Société des Nations.
Les efforts faits par le Ministère public fédéral en vue de provoquer l’abrogation de l’expulsion prononcée par l’Autorité genevoise n’ont pas abouti non plus, M. Nicole multipliant les habiletés de procédure pour retarder une décision de la part du Conseil d’État de Genève qui pourrait faire l’objet d’un recours au Département fédéral de Justice et Police.
M. Stämpfli, à qui j’ai longuement parlé ce matin, déconseille une décision fédérale cassant l’expulsion genevoise en dehors des formes légales prévues par la loi sur les étrangers5. Mais je crois qu’il ne ferait pas obstacle, dans les circonstances actuelles, à une abrogation de l’interdiction d’entrée en Suisse prononcée par le Conseil fédéral. La difficulté est de provoquer cette abrogation à un moment où il semble impossible, avant le 14 août, de réunir à Berne quatre membres du Conseil fédéral.
Peut-être, après avoir parlé avec M. Stämpfli, estimerez-vous pouvoir régler par une décision présidentielle cette affaire, dont je me suis permis de vous exposer dès ce soir les grandes lignes pour ne pas vous prendre de court6.