Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
7. Egypte
7.2. Traité d’amitié et création d’une Légation de Suisse au Caire
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 11, doc. 122
volume linkBern 1989
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001C#1000/1534#522* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 41 | |
Titre du dossier | Errichtung einer schweiz. Gesandtschaft in Ägypten, I (1934–1936) | |
Référence archives | B.21.14 • Composant complémentaire: Aegypten |
dodis.ch/46043
Les Présidents de la Commission commerciale suisse en Egypte, E. Trembley et L. Gasche, au Chef du Département politique, G. Motta1
Monsieur Gasche, (président du Siège d’Alexandrie de la Commission Commerciale Suisse) et moi-même, nous nous permettons de nous adresser à vous d’une façon toute personnelle afin d’attirer votre attention sur les considérations suivantes. Nous tenons cependant, dès le début, à insister sur le fait que, bien que nous ayons le sentiment très net que notre point de vue est partagé par plusieurs de nos compatriotes, c’est à titre purement privé que nous nous adressons à vous. Le sujet de cette lettre n’aurait su, en effet, faire l’objet d’une discussion publique permettant de recueillir l’avis de chacun.
Nous croyons savoir que l’intention du Département Politique serait de confier à partir de l’automne prochain, la gestion de la nouvelle Légation de Suisse en Egypte à un Chargé d’affaires2, tandis que le Ministre en titre séjournerait à Ankara et ne viendrait au Caire qu’à de très rares intervalles, principalement lorsqu’il y aurait lieu de représenter la Suisse à l’occasion de quelque cérémonie importante où la courtoisie internationale rendrait ce déplacement indispensable.
Nous ne devons pas vous cacher, Monsieur le Conseiller Fédéral, que cette solution nous est une grande déception et qu’elle ne nous semble pas du tout tenir compte des nécessités de la situation actuelle.
Nous nous empressons de déclarer, avant toute autre chose, qu’il ne s’agit ici, en aucune manière, de la personnalité, des qualités réciproques, des capacités respectives, ni du Ministre, ni du Chargé d’affaires. Nous n’envisageons qu’une seule chose: le titre de celui qui, à titre permanent, sera chargé de la gestion de la Légation et le prestige qui s’y attache. Notre Légation, toute jeune, toute nouvelle, représentante d’un petit pays sans droits directs aux privilèges capitulaires doit, dès sa création, s’affirmer avec vigueur, s’imposer à l’attention, tant du Gouvernement égyptien que des organismes diplomatiques étrangers; son titulaire doit être armé du maximum possible de prestige, doit pouvoir parler sur le même ton que les représentants des autres puissances, être reçu sur le même pied. Sinon notre Légation viendra irrémédiablement et d’elle-même se classer parmi les représentations de deuxième ou troisième ordre. Quelle que puisse être sa valeur personnelle, un Chargé d’affaires n’aura jamais dans ce pays, où l’importance de l’étiquette est considérable, le prestige, l’autorité d’un Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire. Son travail, son action en seront d’avance dépréciés. Nous avons été agréablement surpris en constatant la fermeté avec laquelle le nouveau Ministre est intervenu récemment en plusieurs occasions, par des notes énergiques, dont l’effet (nous connaissons trop bien le pays pour en douter) ne pourrait être le même, émanant d’un simple Chargé d’affaires, agent d’un titulaire officiel lointain. Il y a là une question de psychologie locale d’une importance capitale dont ne pas tenir compte serait une grave erreur. Nous intercédons auprès de vous, Monsieur le Conseiller Fédéral, de toute notre force, de toute l’autorité que peut nous donner le soin, l’attention avec lesquels nous avons, durant beaucoup d’années, surveillé ou défendu les intérêts suisses en Egypte, pour que cette erreur ne soit pas commise.
Selon nous, une Légation pourvue d’un titulaire permanent portant le titre de Ministre eût été la meilleure solution pour la sauvegarde de nos intérêts en Egypte. Des considérations financières l’ayant malheureusement écartée, il devient indispensable d’obtenir le maximum possible de rendement d’une organisation partagée avec Ankara. Pour cela, nous estimons qu’il est absolument nécessaire que le Ministre séjourne au Caire une partie de l’année, de décembre à fin avril, le Chargé d’affaires n’assumant la gérance de la Légation que pendant le reste de l’année. C’est là, à notre avis, un strict minimum, au-dessous duquel on ne saurait aller sans compromettre l’œuvre commencée, et probablement gaspiller assez inutilement les crédits accordés à la nouvelle Légation.
Un heureux hasard a voulu que notre Légation naquit au moment particulièrement opportun où l’Egypte, plus ou moins secrètement appuyée par la Grande-Bretagne, cherche avec une insistance voisine de la rupture violente et unilatérale des traités, à se débarrasser des entraves capitulaires. Les déclarations gouvernementales de refus de s’incliner devant la décision des Tribunaux Mixtes pour le cas où ceux-ci ordonneraient conformément au droit, le payement or de la dette publique; l’incroyable décret qui vient de paraître, abolissant la clause-or dans les contrats internationaux3, contrat [sic] promulgué sans aucun assentiment préalable de l’organisme judiciaire mixte, montrent de toute évidence une volonté arrêtée de briser les vitres, de créer des faits accomplis, de spéculer sur la faiblesse escomptée des puissances européennes. Cet état de choses, qui ne s’arrêtera certainement pas là, va donner lieu aux plus graves complications, à des dangers certains. Comment la Suisse y parera-t-elle si, ne pouvant compter que sur son bon droit et l’énergie de ses protestations, elle vient, pour des raisons purement administratives, réduire une des principales armes de son représentant: son prestige diplomatique.
C’est ensuite de ces considérations que, Monsieur le Conseiller Fédéral, nous vous demandons instamment que la question sur laquelle nous venons d’attirer votre bienveillante attention, soit examinée à nouveau, à la lumière des avis qui, outre du nôtre, pourront encore vous être donnés par tous ceux de nos compatriotes d’Egypte en lesquels vous pensez pouvoir plus particulièrement mettre votre confiance3.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 4/41. Annotations marginales de G. Motta: Confidentielle! Ceci est privé, c’est entendu, mais doit être examiné de près pour faire une réponse pertinente. 24.5.35. Annotation marginale du chef de la Division des Affaires étrangères, M. de Stoutz: MM. Bonna et Frölicher. Pour examen conjoint de ce vœu, dont la satisfaction ne serait pas sans répercussions ailleurs (Bucarest). 24.5.35.↩
- 2
- Cf. no 96. 3, Décret-loi du 2 mai, publié le 4 mai dans le Journal officiel du Gouvernement égyptien. Cf. notamment le rapport du ministre H. Martin à G. Motta, du 7 mai (E 2001 (C) 4/167).↩
- 3
- Le 3 juin suivant, G. Motta répond en ces termes à E. Trembley: La politique de stricte économie que nous impose de plus en plus l’état financier de la Confédération nous a mis, il faut le reconnaître, dans l’obligation de rechercher une solution nous permettant de créer une représentation en Egypte, sans sortir de la limite des modestes moyens mis à notre disposition. Mais, malgré ce côté budgétaire de la question, nous avons toujours considéré en tout premier lieu l’importance de nos intérêts dans ce pays et la nécessité de donner à notre représentation le prestige voulu. Or, cette solution, nous avons cru pouvoir la réaliser au mieux en désignant à la tête de notre nouvelle Légation un Ministre déjà accrédité auprès d’un autre gouvernement, qui, lui-même, serait secondé dans sa mission par un Conseiller de Légation, capable de gérer la Légation durant les absences de ce Ministre. Mais, il est bien évident que si M. Martin a rejoint, comme cela était prévu, son poste à Ankara, aucune décision n’a encore été prise au sujet du temps qu’il sera appelé à consacrer par la suite à notre Légation au Caire et que la durée de sa présence dans la capitale égyptienne sera prolongée dans la mesure où les intérêts enjeu et les événements l’exigeront. Nous désirons vous assurer que rien ne sera négligé pour donner à l’activité de notre nouvelle représentation toute l’efficacité que requiert la situation.↩
Tags