Également: Dans la question du recrutement de citoyens suisses pour organiser le plébiscite de la Sarre, le Conseil fédéral est intervenu par deux fois — il ne désire pas qu’il soit procédé sur territoire suisse au recrutement de nationaux pour des tâches de type policier dans la Sarre, mais ne s’oppose pas à ce que des Suisses collaborent comme scrutateurs aux opérations de vote. Annexe de 22.10.1934 (CH-BAR#E2001C#1000/1535#1533*).
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 83
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#910* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 397 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 34 (1934–1934) |
dodis.ch/46004
En vous confirmant ma lettre du 26 de ce mois2, j’ai l’honneur de vous faire savoir que j’ai été reçu hier par le Duce qui m’a retenu 50 minutes. J’ai commencé par lui présenter vos salutations et par lui dire avec quel intérêt vous suiviez son action pour la pacification de l’Europe. Il vous remercie vivement de ce message. Je lui ai parlé ensuite de la question de la Sarre, de l’Allemagne dans la S.d.N., des dommages de guerre aux Suisses, des «fasci» suisses en Italie3, et même du récent procès retentissant entre notre compatriote Wirth et l’ancien député Mecheri4, dont tous les journaux s’occupent. J’ai donc réussi, ce qui n’est pas toujours facile, à lui parler de tous les sujets dont je désirais l’entretenir. Je ne traiterai, dans cette lettre, que de la Sarre et de l’Allemagne.
Quand, à propos de la Sarre, j’ai parlé de l’attitude du Conseil fédéral5, il a dressé l’oreille et marqué la plus grande surprise, comme s’il s’attendait à quelque velléité annexionniste de notre part. Je l’ai immédiatement rassuré en lui expliquant les raisons pour lesquelles le Conseil fédéral n’avait pas pu accueillir les suggestions qui lui avaient été faites au sujet de la création d’une police suisse dans ce territoire. «Nous sommes trop près, lui ai-je dit, des deux principaux intéressés et notre neutralité nous oblige à une très grande prudence.» Il a très bien compris nos arguments et a paru approuver complètement l’attitude du Gouvernement fédéral.
Je n’ai pas manqué de lui dire que les nominations de Suisses dans la Commission spéciale pour l’organisation du plébiscite ainsi que dans le Tribunal supérieur du plébiscite avaient été faites en dehors de notre Gouvernement.
J’ai abordé ensuite la question de l’Allemagne et lui ai dit combien vous estimiez désirable qu’elle rentrât dans la S.d.N. Je lui ai même lu, à ce propos, des passages de votre lettre6.
Il m’a écouté avec la plus grande attention, après quoi il s’est exprimé dans les termes suivants que je vous résume en m’efforçant de rendre le plus exactement possible sa pensée.
L’Allemagne n’entrera pas dans la Société des Nations et tous les efforts dans ce sens sont inutiles. L’Allemagne arme à outrance et ne songe qu’à la guerre. «Le peuple allemand, que vous me dites être si pacifique, se laissera entraîner dans la guerre par la Prusse dont la guerre est la principale fonction depuis 200 ans. Les jeunes générations, qui n’ont pas souffert de la guerre mondiale, sont ardemment belliqueuses. Le chômage favorise les idées de guerre. L’Angleterre a fini par s’alarmer elle aussi du danger germanique. A cette même heure, la Chambre des Communes, comme je viens de l’apprendre, entend une interpellation de M. Churchill sur la nécessité pour l’Angleterre de défendre Londres que l’aviation allemande peut détruire en une nuit. Il en est de même de Paris.»
J’ai fait ici observer au Duce que les Allemands savent très bien que, dans la même nuit, l’aviation française peut détruire Berlin et que c’est une raison pour le peuple allemand de ne pas souhaiter une guerre dans laquelle, de toutes façons, son pays sera partiellement dévasté. Mes propos sont demeurés sans aucun effet.
«Au sujet de la Sarre, le plébiscite, a dit le Duce, ne sera certainement pas pour la France; mais s’il se prononce pour le statu quo, je suis absolument certain7 que nous assisterons à un «putsch» naziste dans la Sarre, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer. Si le plébiscite se prononce nettement pour Hitler, ce sera une raison de plus pour l’Allemagne de réclamer l’Anschluss. En Autriche, les intellectuels, universitaires, ainsi qu’une partie des classes ouvrières sont pour 1’Anschluss et la jeunesse autrichienne se sent de plus en plus attirée vers la grande Allemagne, qui s’étendrait de la Baltique jusqu’à proximité de l’Adriatique.»
Parlant de la Suisse, le Duce m’a dit: «Vous ne serez pas épargnés8. L’Allemagne a un trop grand intérêt à ne pas renouveler l’erreur de 1914, c’est-à-dire de marcher directement sur Paris. Il lui faut couper la France en deux et l’envahir par le Jura, et par conséquent par la Suisse.»
Le Duce est revenu avec une insistance particulière sur les dangers auxquels notre pays était exposé, «d’autant plus, m’a-t-il dit, que certains symptômes peuvent faire croire aux Allemands que le nazisme se répand chez vous, comme le prouveraient les récentes manifestations anti-juives de Zurich»9.
J’ai protesté très vivement en affirmant que pas un seul Suisse ne songe à être autre chose que Suisse. – «J’en suis persuadé, m’a dit le Duce, mais vous n’ignorez pas la force de certaine propagande émanant d’un immense empire qui peut, d’un jour à l’autre, envoyer chez vous des millions d’hommes et porter chez vous le centre de la guerre mondiale.»
J’ai rappelé au Duce quelle avait été l’attitude de la Suisse unanime pendant la dernière guerre et les raisons pour lesquelles l’Allemagne avait renoncé à l’envahir.
Il ne croit pas à l’efficacité du retour des Habsbourg. «Ce serait encore plus dangereux, m’a-t-il dit, car cela provoquerait le soulèvement de la partie allemande de la Bohême et peut-être aussi des Croates».
Le Duce était en grand uniforme, ce qui prêtait à ses propos de guerre une gravité spéciale.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Rom, Archiv-Nr. 34. Remarque marginale de Motta: Je dois avouer que certains propos de M. Mussolini me paraissent tendancieux. 1.XII.34.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 4
- En 1925, E. Mecheri avait racheté à une société suisse l’Hôtel Quirinal de Rome et s’était engagé, par contrat préliminaire, à conférer à H. Wirth l’exploitation de l’hôtel et à lui vendre le fonds de commerce. C’est le refus d’exécuter cette obligation qui a vait été le point de départ du litige entre les deux hommes (E 2001 (C) 3/91).↩
- 5
- Cf. annexe au présent document.↩
- 6
- Non retrouvé.↩