Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
3. Autriche
3.4. Questions politiques générales
Également: Motta demande au Ministre de Suisse à Vienne de plaider officieusement auprès du Gouvernement autrichien la clémence pour les adversaires politiques de Dollfuss. Annexe de 20.2.1934
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 13
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#345* |
Dossier title | Beschlussprotokolle des Bundesrates Januar - Februar 1934 (1934–1934) |
dodis.ch/45934
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 16 février 19341
288. Evénements d’Autriche. Démarche de l’union syndicale
Procès-verbal de la séance du 16 février 19341
M. le président2 communique qu’en date du 15 février, à 16 h., M. Meister, de l’union syndicale3, lui a demandé par téléphone si le conseil pourrait recevoir une délégation du comité de ladite union, qui lui demandera d’élever une protestation auprès du gouvernement autrichien contre la répression violente des troubles récents.4 Cette délégation serait composée de MM. Meister, Bratschi, Ilg et Weber. M. le président a répondu que la question était trop grave pour qu’il pût donner à ce sujet même une opinion personnelle, mais qu’il la soumettrait au Conseil fédéral. Il a obtenu l’assurance que l’affaire serait considérée comme strictement confidentielle jusqu’à ce que le Conseil fédéral eût fait connaître sa réponse. La première question qui se pose est de savoir, pour le cas où le conseil déciderait de recevoir la délégation de l’union syndicale, quelle attitude il prendra à l’égard de la demande susmentionnée.
M. le chef du département politique n’ est pas opposé à ce que le conseil reçoive la délégation annoncée de l’union syndicale, mais bien à toute démarche auprès du gouvernement autrichien. Une telle démarche constituerait une ingérence dans la politique intérieure d’un autre Etat et serait manifestement contraire à la politique traditionnelle pratiquée par la Confédération à l’égard de ses voisins. Il serait d’autant plus dangereux d’entrer dans cette voie que l’Autriche est vigoureusement soutenue par d’autres Etats. Si le conseil estime qu’il convient de recevoir une délégation de l’union syndicale, il faudra lui dire nettement qu’aucune démarche ne sera faite à Vienne.
M. le chef du département militaire se prononce dans le même sens quant à la réponse à faire, mais estime qu’il n’y a même pas lieu de recevoir la délégation.
M. le chef du département de l’économie publique déclare qu’il serait imprudent de ne pas accorder l’audience demandée. Sans doute ne saurait-il être question de faire une démarche à Vienne, mais on peut comprendre l’indignation soulevée dans les milieux syndicalistes par les répressions sanglantes d’Autriche. Cette indignation est partagée par d’autres milieux, et la chute du gouvernement Dollfuss pourrait bien n’être qu’une affaire de temps. Recevons donc la délégation, entendons-la, cherchons à lui faire comprendre notre situation et ne brusquons rien, car si le gouvernement Dollfuss venait à tomber, la démarche réclamée par l’union syndicale deviendrait sans objet.
M. le chef du département de justice et police constate que l’insuffisance des renseignements que nous possédons sur les événements d’Autriche nous empêcherait déjà de faire la démarche demandée. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas recevoir la délégation. L’union syndicale sait fort bien que nous refuserons de faire une démarche à Vienne, et il sera intéressant de savoir pourquoi elle la demande quand même. Notre délégation devra lui répondre qu’il ne s’agit pas de faire de l’ordre en Autriche, mais de maintenir l’ordre en Suisse, et la placer devant ses responsabilités.
M. le chef du département de l’intérieur iah ressortir que le seul motif qui pourrait justifier une démarche est un souci d’humanité. Mais nous ne pouvons pas l’invoquer contre l’Autriche, après avoir laissé passer sans protester tant d’autres événements sanglants qui se sont produits en Russie, en Allemagne, etc.
M. le président. Le motif d’humanité est certainement celui qu’invoquera l’union syndicale. Mais, quels que soient nos sentiments personnels sur les affaires d’Autriche, nous sommes un gouvernement, et la neutralité nous interdit toute immixtion dans les affaires des autres Etats. Nous devons tenir d’autant plus ferme à cette règle que nous ne voulons donner à l’étranger aucun prétexte pour intervenir dans nos propres affaires. Notre souci de la neutralité ne nous a pas permis de signer le protocole relatif à l’Autriche.5 En intervenant aujourd’hui, nous nous mettrions en contradiction absolue avec la politique que nous avons observée à l’égard d’autres pays, où se sont déroulés également de graves événements intérieurs et dont la situation ne diffère de celle de l’Autriche que par l’étendue de leur territoire. Le seul organisme qui pourrait se réclamer des lois de l’humanité est la Société des Nations. On ne comprendrait pas que la Suisse fît cavalier seul en s’engageant dans cette affaire d’autant plus que les suites pourraient être sérieuse pour notre pays.
La délégation du Conseil fédéral qui recevra les représentants de l’union syndicale n’a aucune raison de leur taire ces motifs. Il ne faut pas oublier que c’est l’union syndicale et non le parti socialiste qui s’adresse au Conseil fédéral. Elle a peut-être des inquiétudes du côté de son aile gauche, et nous avons tout intérêt à garder le contact avec elle dans le moment actuel, surtout si nous devons être amenés à prendre des mesures contre le gouvernement Nicole à Genève.6 Enfin, c’est une occasion de dire à l’union syndicale qu’il y a intérêt pour elle à voter la loi sur la protection de l’ordre public.7 En résumé, il est inutile de biaiser pour chercher à gagner du temps, et il faut exposer aux délégués la situation telle qu’elle nous apparaît.
M. Schulthess se déclare d’accord sur cette manière de procéder, et M. Minger, pour les raisons exposées par M. Hâberlin, se range à l’avis de la majorité en ce qui concerne l’utilité d’une conversation avec les délégués de l’union syndicale.
En conséquence, le conseil
1o Il ne sera fait aucune démarche à Vienne au sujet des incidents d’Autriche.8
2o Cette décision sera communiquée aux représentants de l’union syndicale, qui seront reçus au jour et à l’heure fixés par M. le président.
3o La délégation chargée de les recevoir est composée de MM. Pilet-Golaz, Motta et Hâberlin.9
- 3
- Organisation faîtière des syndicats d’obédience socialiste.↩
- 4
- En février, le gouvernement Dollfuss a écrasé les organisations politiques et syndicales de gauche.↩
- 5
- Cf. DDS vol. 10, no 232, dodis.ch/45774.↩
- 6
- Au cours de la même séance, le Conseil fédéral décide d’intervenir auprès du chef du gouvernement genevois, afin de le dissuader de prendre la parole dans une réunion publique organisée à Genève par la gauche, pour protester contre «l’assassinat de Vienne la Rouge» (E 1004 1/ 344, PVCF no 289 du 16 février). Sur ces interventions écrite et téléphonique, cf. E2001 (C) 3/132.↩
- 7
- Du 13 octobre 1933 (FF, 1933, II, pp. 507–510). Cette loi sera rejetée en votation populaire le 11 mars 1934. Cf. no 18.↩
- 8
- Le 20 février suivant, le Conseil fédéral revient à la question de le neutralité, en rapport avec les événements d’Autriche: M. le vice-président [G. Motta]constate qu’à la suite d’un article de l’«Action française», qui faisait allusion à l’envoi de troupes françaises à Vienne, à travers la Suisse, une certaine émotion s’est emparée d’une partie de l’opinion. Ne serait-il pas indiqué de la calmer par une déclaration publique affirmant que le Conseil fédéral considérerait un tel passage comme une atteinte à la neutralité du pays et, en conséquence, ne l’admettrait jamais? Il ressort de la discussion que la plupart des membres du conseil craindraient qu’une pareille déclaration fût mal interprétée. On ne manquerait pas de dire que le Conseil fédéral a des raisons d’appréhender une démarche de la France, et la déclaration éveillerait des échos fâcheux dans les capitales européennes. Il suffirait, pour calmer l’opinion, de laisser dire par les journaux que la question ne s’est pas posée et que si elle se posait, la réponse ne saurait être douteuse. Mais on ne doit pas savoir que le conseil s’en est occupé (E 1004 1/344, PVCF no 317 du 20 février).↩
- 9
- La démarche syndicale ne reste toutefois pas sans effet comme le prouve le document publié en annexe.↩
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