Language: French
3.11.1933 (Friday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 3.11.1933
Secret minutes of the Federal Council (PVCF-S)
Le Conseil fédéral examine les nouvelles instructions à la délégation suisse chargée de négocier avec la France le futur régime des zones.

Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.5. Affaire des zones

Également: Proposition des nouvelles instructions à la délégation suisse. Annexe de 30.10.1933
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Printed in

Jean-Claude Favez et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 351

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Bern 1982

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dodis.ch/45893
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 3 novembre 19331

Affaire des zones.

Le Département politique fédéral soumet au Conseil fédéral une proposition devant servir de nouvelles instructions pour la délégation suisse chargée de négocier avec les représentants de la France sur le futur régime des zones, ainsi qu’un projet de convention franco-suisse relative aux importations des zones en Suisse (voir annexes) 2, Le Chef du département politique déclare que le projet de convention a été communiqué aux gouvernements des cantons intéressés à titre d’information, ainsi qu’aux délégués de notre pays. Tous les délégués se sont déclarés d’accord. Le Gouvernement de Genève a déclaré explicitement son accord. Les intérêts agricoles sont sauvegardés dans toute la mesure du possible. Une protection très large est prévue pour l’agriculture.

Das la dernière séance du Conseil fédéral3, M. le Président4 a posé la question s’il serait possible à la Suisse de se retirer de la convention et de renoncer sans autre aux zones pour le cas où un régime sauvegardant ses intérêts ne pourra pas être établi. M. Motta estime que cela serait possible mais personne ne pourrait donner une réponse absolument certaine. Lorsque, en 1849/50, la Suisse établit un cordon douanier à la frontière genevoise, la France protesta; le Conseil fédéral déclara alors subitement qu’il pourrait renoncer aux zones, mais la France s’opposa à cette manière de voir. Il est clair que le Conseil fédéral ne pourrait faire la déclaration de renonciation que si l’Assemblée fédérale et, le cas échéant, le peuple y donnaient leur approbation. La question soulevée par M. le Président est digne d’être examinée, mais il serait peut-être dangereux de la soulever dans la négociation.

M. Motta parle également de la taxe française à l’importation5, qu’il estime être contraire au traité et qui nous autoriserait à des rétorsions.

M. le Président propose tout d’abord de renvoyer la discussion sur la question de la taxe française à l’importation à une séance ultérieure. Puis il constate qu’à son avis, la question de savoir s’il y aurait possibilité pour la Suisse de se retirer unilatéralement de la nouvelle convention ne peut être tranchée d’une façon claire et précise. En tout état de cause, le problème devrait faire l’objet d’une votation populaire. Si nous voulons prévoir ou nous assurer la possibilité de nous retirer de la convention, il faudrait préciser cela davantage dans l’introduction, en statuant que les prestations imposées à la Suisse ne vaudraient que pour la durée des zones et cesseraient dès le jour où celles-ci auraient disparu pour une raison quelconque. [...]

Enfin, M. le Président fait remarquer que le chiffre 2 des instructions6 prévoient que notre délégation pourra consentir, dans le cadre et l’esprit du projet, les concessions indispensables à la réalisation d’un accord. Il estime que cela est très dangereux, parce que quelques membres de la délégation suisse semblent envisager avant tout les intérêts du consommateur genevois. Il faudrait donc remplacer ce chiffre 2 par une disposition statuant que la délégation suisse devra dans toutes les questions importantes, demander des instructions au Conseil fédéral avant de faire des concessions.

M. le vice-président Pilet-Golaz partage les craintes de M. le Président concernant le chiffre 2 des instructions. La délégation n’ose pas se laisser entraîner trop loin sur le chemin des concessions. Il est en tout cas impossible de transiger sur le principe du contigent d’importation, ni sur celui de la prise en considération, lors de la fixation des contingents, de la consommation zonienne et de l’exportation en France; on ne saurait de même transiger sur notre droit de prendre des mesures de crise lorsque cela nous paraît nécessaire.

[...]7

M. le chef du département politique est d’accord de modifier le chiffre 2 des instructions dans le sens demandé, étant bien entendu que l’obligation des délégués de demander de nouvelles instructions au Conseil fédéral ne doit pas avoir pour conséquence une interruption des négociations. Il est d’ailleurs trop évident que le vrai sens de la proposition écrite ne diffère pas des avis manifestés. En ce qui concerne la stipulation d’une disposition fixant d’une façon indubitable la possibilité pour la Suisse de renoncer en tout temps au régime des zones, M. Motta cherchera une formule en collaboration avec M. le Chef du département de justice et police, formule qui sera soumise ensuite à M. le Président8.

1
E 1005 2/3 Secret.
2
Le projet de convention n’a pas été reproduit.
3
Il n’y a pas trace de cette question dans le PVCF du 31 octobre qui précède (E 1004/1342).
4
Ed. Schulthess, Chef du Département de l’Economie publique. Cf. aussi no 349.
5
Cf. no 96.
6
Cf. annexe.
7
Les quatre autres membres du collège gouvernemental se déclarent en général satisjaits par le projet de convention. Ils partagent toutefois la mise en garde des deux orateurs précédents en ce qui concerne le chiffre 2 des instructions à la délégation.
8
Le 7 novembre 1933, le Conseil revient sur la négociation de Territet: M. le chef du département politique communique qu’il a chargé le président de la délégation suisse, M. Comte, de combattre la taxe française à l'importation «telle qu’elle existe et qu’elle est perçue actuellement», sans toutefois se laisser entraîner dans une discussion sur le principe même de la taxe d’importation. Dans ces conditions, la possibilité pour la Suisse d’introduire un jour une taxe sur le chiffre d’affaires, à percevoir également comme taxe à l’importation, mais n’ayant pas un caractère douanier, demeure réservée. M. Motta estime que cette instruction tient compte des objections et craintes du chef du département de l’économie publique et que dés lors cette affaire peut être considérée comme liquidée. Le Conseil se rallie à cette manière de voir. Le chef du département politique rappelle en outre que, dans sa séance du vendredi 3 novembre, le Conseil fédéral a estimé qu’il y aurait lieu d’introduire dans la convention une disposition permettant à la Suisse de se retirer quand bon lui semblera. Il fut dés lors décidé le lendemain de compléter l’article 9 du projet de convention /non reproduit] par un second alinéa ayant la teneur suivante: «Demeure réservé le droit de la Confédération Suisse de mettre fin à la convention par sa renonciation au bénéfice du régime des zones.» Le Conseil craignit un moment que la France s’opposerait peut-être à l’insertion d’une pareille disposition. Or, les Français eux-mêmes viennent d’introduire dans leur projet de décret relatif au tracé le passage suivant: «Vu l’arrêt de la Cour permanente dejustice internationale, en datedu 7 juin 1932, d'après lequel le régime des zones franches doit continuer d’exister, aussi longtemps que la Confédération Suisse n’y aura pas renoncé.» Cela signifie que la France admet sans autre la possibilité pour la Suisse de renoncer unilatéralement aux zones pour le cas où un régime sauvegardant ses intérêts ne pourra pas être établi. Mais il va sans dire que l’alinéa 2 de l’article 9 doit continuer à faire partie du projet de convention établi par le Conseil fédéral dans ses séances de vendredi et samedi derniers (E 1005 2/3 PVCF secret du 7 novembre).