Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
1. Allemagne
1.7. Questions politiques générales
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 10, doc. 336
volume linkBern 1982
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001C#1000/1533#182* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 9c | |
Titolo dossier | Grenzverletzung durch uniformierte Nationalsozialisten, welche beim Zollamt Otterbach auf Schweizergebiet deutsche Zivilisten verhafteten, 1933 (1933–1933) | |
Riferimento archivio | B.11.4.13 • Componente aggiuntiva: Deutschland |
dodis.ch/45878
[...]
Les incidents principaux sont ceux du 8 août à Augst-Wyhlen, du 27 août à Ramsen2 et du 24 de ce mois à l’Otterbach près de Bâle.
Je remarque, d’une manière générale, que dans chacun de ces cas, comme d’ailleurs dans tous les autres de moindre importance, le Conseil fédéral a immédiatement entrepris, au moyen de son Département politique et celui-ci au moyen de notre Légation de Berlin les démarches qui étaient commandées par les circonstances. Je connais trop bien notre Ministre à Berlin, M. Dinichert, pour savoir que chacune de ses interventions n’a rien laissé à désirer, ni au point de vue de la netteté, ni à celui de la fermeté. Tous les rapports qui me sont parvenus n’ont fait que me confirmer dans ce sentiment.
Dans le cas de Augst-Wyhlen, il s’agissait d’un détachement de miliciens d’assaut qui avait cru pouvoir perquisitionner dans la guérite du gardien du barrage sur le Rhin, située à 7 mètres en deçà de la frontière suisse. Le Ministre d’Allemagne à Berne fît tout de suite une démarche pour exprimer les regrets de son Gouvernement. [Il n’attendit donc pas que nous eussions fait une démarche à ce sujet à Berlin].
Dans la réponse que nous fîmes à cette démarche, nous exprimâmes l’attente que les coupables seraient punis. Ils l’ont été.
Dans le cas de Ramsen, 4 miliciens d’assaut également firent un coup de main sur notre territoire et s’emparèrent, dans un réduit situé dans une habitation à 100 mètres de la frontière qu’ils avaient ouvert par effraction, du contrebandier tchécoslovaque Weber.
Nous exigeâmes la restitution immédiate de Weber. Cette restitution eut lieu. Le Conseil fédéral a estimé depuis lors que Weber était un individu indésirable et l’a expulsé en vertu de l’article 70 de la Constitution fédérale. Nous demandâmes, en outre, une punition sévère des coupables. Cette punition est intervenue3.
Dans le cas de l’Otterbach, qui s’est déroulé peu après une heure du matin, 6 Allemands qui étaient venus, dans la journée précédente, de Fribourg en Brisgau à Bâle et s’y étaient adonnés à des libations abondantes eurent des démêlés violents avec des miliciens accourus sur place. [Je remarque que le Conseil fédéral attachera de l’importance au fait qu’un Allemand était venu de Bâle en portant l’uniforme des miliciens d’assaut recouvert par ses vêtements ordinaires. Si le Parquet constatait qu’il s’agit d’un personnage peu désirable, celui-ci sera l’objet des mêmes mesures que nous avons déjà prises dans des cas analogues contre des gens de cet acabit. J L’automobile de ces 6 Allemands portait en grandes lettres sur le capot les mots «Rote Front» et sur un des pneus de réserve «HeilMoskau». Les six ont prétendu [- chose assez étrange -J n’avoir point remarqué ces inscriptions. Deux furent arrêtés sur territoire allemand; deux autres sur territoire suisse, l’un à 2 mètres de la frontière, l’autre à 5 mètres; les deux derniers se sauvèrent sur notre territoire. Tous sont rentrés maintenant en Allemagne. Un garde-frontière suisse qui avait averti les miliciens allemands de la violation de frontière qu’ils commettaient, a été empêché, pendant quelques instants, d’exercer ses fonctions.
Telle est la substance des rapports que nous avons reçus. Il conviendra de tirer tout à fait au clair certains points, car la frontière en diagonale, l’heure nocturne et la soudaineté des événements ont rendu l’enquête plus compliquée.
Nous avons protesté dès le lendemain, 25 de ce mois, contre ces faits et avons exigé la punition des coupables. Je ne doute pas que si notre version est confirmée, ce que j’estime certain, cette punition interviendra. Le Gouvernement allemand a ordonné, dès que l’affaire lui a été signalée, lui aussi, une enquête.
J’ai eu hier une longue entrevue à Genève, à l’Hôtel Carlton, avec le Ministre des Affaires étrangères du Reich, M. le Baron von Neurath, et avec le Ministre de l’Education et de la Propagande, M. Goebbels. J’ai exposé à mes deux interlocuteurs que ces incidents de frontière avaient profondément ému notre opinion et qu’ils préoccupaient sérieusement le Conseil fédéral.
MM. von Neurath et Goebbels m’ont déclaré que le Gouvernement du Reich regrette vivement ces incidents et qu’il prendra des mesures pour les faire cesser. Ces incidents proviennent d’actes d’indiscipline grave. Ils sont en opposition avec la volonté formelle des hommes placés aux responsabilités et sont d’ailleurs nuisibles aux intérêts politiques et moraux de l’Allemagne. Les coupables des incidents antérieurs ont été déjà, d’après les assurances explicites qui m’ont été données, sévèrement punis. Les personnes dont la culpabilité sera établie seront également l’objet de sanctions dés que l’enquête déjà engagée sera terminée.
Le ton très franc et en même temps très amical de notre conversation n’a laissé subsister dans mon esprit aucun doute sur l’intention du Gouvernement allemand de faire cesser ces abus. Les deux Ministres ont souligné que leur pays a subi une révolution profonde et que cette révolution continue à travailler les esprits; ils ont fait appel à l’esprit de compréhension et d’amitié du peuple suisse pour qu’il ne pense pas à des intentions inamicales du nouveau régime politique allemand, alors que l’on se trouve en face d’actes d’indiscipline individuels qui seront réprimés.
J’ai saisi l’occasion propice qui s’offrait à moi pour élargir et élever la discussion. J’ai exposé les cas de mauvais traitements subis par des Suisses en Allemagne, notamment le dernier dont la victime a été le jeune Ruegg établi à Lausanne4. Ici aussi, notre Ministre, M. Dinichert, avait déjà accompli les démarches nécessaires; les coupables de l’aggression, je n’en doute pas, seront punis.
J’ai abordé la question de la presse. Cette question est délicate. L’Allemagne ne connaît plus la liberté de la presse5, alors que notre pays se fait un titre d’honneur de cette liberté. La question de savoir si la presse étrangère peut librement pénétrer dans un pays n’est pas à proprement parler une question de droit strict. Il s’agit plutôt d’une question de bons procédés et de bonnes relations. MM. von Neurath et Goebbels m’ont déclaré que leur Gouvernement était parfaitement disposé à accepter la critique des journaux suisses comme de la presse étrangère en général, mais à la condition que cette critique n’allât pas jusqu’à la malveillance caractérisée. Notre presse ne subira donc pas [ou ne subira plus] d’entraves si elle sait se contenir dans les limites de l’information objective et de la critique raisonnable et équitable. La presse allemande, elle, d’après les déclarations que j’ai reçues, ne s’immiscera pas dans nos affaires intérieures.
Je me suis efforcé alors de porter encore une fois plus haut le débat. Je n’ai pu cacher que les doctrines du pangermanisme troublaient chez nous les consciences et que rien ne pouvait froisser davantage les coeurs suisses que de parler à la légère de notre pays comme s’ils ne constituait pas une nation profondément unie et fraternelle, portant en lui la certitude de la durée et ayant sa mission particulière.
Voici la réponse que me fit M. Goebbels vivement approuvé par M. von Neurath:
La doctrine et la politique du Gouvernement allemand ne sont point tournées contre la Suisse. Bien au contraire [- ce sont les termes presque littéraux que je vous cite -]. La Suisse est un organisme solide et sain, qui s’est développé harmonieusement dans le cours d’une longue histoire. L’Europe ne saurait plus se concevoir sans la Suisse. Ce pays a une haute mission particulière. Man könnte sich die Schweiz nicht mehr weg denken. On ne pourrait plus se passer d’elle. Le Reich ferait la politique la plus aventureuse et qui le mettrait en conflit avec un grand nombre d’Etats s’il prétendait absorber en lui toutes les populations de race et de langue allemandes. Le Reich veut vivre avec la Confédération Suisse, malgré les divergences dans les idées et dans les institutions, sur un pied d’amitié profonde et durable.
[...]6
A ce moment, mon entretien pouvait prendre fin. J’ai demandé à mes interlocuteurs de pouvoir faire usage devant vous des déclarations qu’ils venaient de faire. Cette permission m’a été donnée de bon cœur et sans réserves. Je les ai assurés que le Conseil fédéral attache le plus grand prix à de bonnes et confiantes relations avec tous les Etats et tout spécialement avec ses voisins. La Suisse n’est, en effet, moralement grande et pleinement libre que si sa politique demeure fondée sur la maxime d’une neutralité pratiquée dignement et fermement.
J’aime à croire que cette partie de mes explications est de nature à satisfaire les interpellateurs.
[Certes, je ne pourrai pas suivre M. Schneider dans le sillon qu’il trace à la politique étrangère de la Confédération. Je connais quelles sont nos responsabilités. Aussi longtemps que j’aurai l’honneur de représenter mon pays au Conseil fédéral et de diriger la politique étrangère, je ne négligerai aucun effort pour empêcher que nos relations avec nos voisins ne se troublent.]
J’ajoute que l’Administration générale des douanes a déjà pris plusieurs mesures destinées à renforcer ses services de frontière. L’école de recrues de gardes-frontières a été convoquée à Liestal, plus tôt que d’ordinaire, pour le 15 octobre: Après l’incident de Ramsen, 18 hommes ont été déplacés de la frontière tessinoise à Ramsen et à Bâle. Le service de garde a été rendu plus rigoureux; les patrouilles ont été doublées et les hommes sont munis du mousqueton chargé. Il y a donc des raisons sérieuses de penser que notre frontière cessera d’être à l’avenir le théâtre d’incidents regrettables. [Si cet espoir, que j’exprime en toute bonne foi, ne devait pas se réaliser, je prie le Conseil national de faire confiance au Conseil fédéral, qui veille avec le plus grand scrupule à toutes les relations extérieures, en particulier à celles avec nos voisins. J’engage aussi l’opinion publique à garder le calme, qui est seul digne d’un peuple comme le nôtre, petit matériellement, mais moralement très fort7. (Bravos et applaudissements à la tribune publique.)]
- 1
- 2001 (C) 3/9c. Le 27 septembre 1933, en fin d’après-midi, le Chef du Département politique, G. Motta, revenu tout exprès de Genève, où il participe à la XI Ve Assemblée générale de la SdN, répond aux interpellations Oeri et Schneider, déposées le 25 septembre au Conseil national. Le texte de la réponse, adopté peu auparavant par le Conseil fédéral (E 1004 1/342 PVCF du 27 septembre 1933) est reproduit ici. Il présente quelques variantes mineures par rapport au procès-verbal des délibérations du Conseil national (E 1001 (C) d 1/301, pp. 134 ss.) dont il n’a pas été tenu compte, à l’exception de quelques passages prononcés devant l’assemblée, qui sont reproduits entre crochets.↩
- 2
- Cf. n °327, n. 6.↩
- 3
- Affirmation pour le moins prématurée, comme en témoigne cet extrait d’une lettre du Chef du Département politique, G. Motta, au Ministre de Suisse à Berlin, le 13 octobre: [...] Nous ne saurions dissimuler qu’après les déclarations, dont nous ne pouvons mettre en doute la sincérité, qui nous ont été faites par MM. de Neurath et Göbbels le 21 [25]septembre, nous éprouverions quelque hésitation à rouvrir une conversation diplomatique au sujet des incidents d’Augst-Wyhlen et de Ramsen. En raison même de l’émotion que ces deux affaires ont causée en Suisse, nous avons eu, en effet, un réel avantage à pouvoir affirmer au Conseil National qu’elles étaient définitivement réglées et qu’elles ne devaient plus peser sur les relations germano-suisses que nombre de difficultés plus substantielles menacent de troubler. Il nous paraît difficile de revenir en arrière sans renoncer à l’objectif que nous avons eu en vue et que nous avons incontestablement atteint dans une large mesure. Nous reconnaissons, d’autre part, que l’affirmation selon laquelle les auteurs des coups de main d’Augst-Wyhlen et de Ramsen avaient été sévèrement punis, que M. de Neurath a certainement formulée de parfaite bonne foi, se concilie mal avec les renseignements que l’on recueille dans la régionfrontière et gagnerait à être précisée. Nous nous féliciterions, en conséquence, de vous voir saisir l’occasion d’une conversation à la Wilhelmstrasse pour demander, à titre officieux, des précisions au sujet des mesures disciplinaires qui, nous n’en doutons pas, ont été prises... (2001 (C) 3/9c). Apparemment les démarches diplomatiques n’auront guère plus d’effet que la demande de poursuite pénale introduite par la Division de Police du Département de Justice et Police auprès du Ministère badois de la Culture, de l’Enseignement et de la Justice en exécution du traité d’extradition germano-suisse (E 1004 1/343 PVCF u 1er décembre 1933. Réponse à la petite question Bringolj déposée au Conseil national le 27 septembre 1933).↩
- 4
- Ressortissant suisse agressé le 16 septembre 1933 à Berlin par des S^4. et des S.S. (Cf. E 2001 (C) 3/131).↩
- 5
- Dès la promulgation, le 28 février 1933, de l’ordonnance d’urgence pour la protection du peuple et de l’Etat.↩
- 6
- Le Chef du Département politique aborde encore brièvement avec ses interlocuteurs les négociations économiques germano-suisses, qui vont reprendre, et la ratification - toujours en souffrance - du traité de double imposition entre la Suisse et l’Allemagne.↩
- 7
- Les interpellations sont alors classées, leurs auteurs se déclarant satisfait (A. Oeri), ou partiellement satisfait (F. Schneider), des explications fournies par le Chef du Département politique.↩
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