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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 251
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#11816* | |
Dossier title | Beschlussprotokoll(-e) 16.01.-16.01.1923 (1923–1923) |
dodis.ch/44893 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 16 janvier 19231 126. Droit de préséance du Nonce apostolique à Berne
Procès-verbal de la séance du 16 janvier 19231
La remise par Mgr. Maglione, le 8 novembre 1920, de lettres de créance2 l’accréditant auprès du Conseil fédéral, comme Nonce Apostolique, soulève, d’une part, la question de la préséance éventuelle à reconnaître à ce diplomate sur l’Ambassadeur de France, jusqu’ici seul agent diplomatique de première classe accrédité à Berne, et, d’autre part, la question du décanat du corps diplomatique.
Le décanat ne concerne pas le Conseil fédéral. D’après la coutume internationale, c’est, en effet, au corps diplomatique qu’il appartient de désigner son doyen, c’est-à-dire la personne appelée à le réunir et à porter la parole en son nom. Il semble qu’à cet égard, une décision n’ait pas été prise par le corps diplomatique «in corpore»; toutefois, il y a un an environ, l’Ambassadeur de France, M Allizé, à annoncé verbalement au Nonce que le Gouvernement Français, «fidèle aux anciennes et constantes traditions de son protocole», l’avait invité à lui céder le décanat3; en même temps, M. Allizé fit savoir aux autres membres du corps diplomatique que leur doyen était désormais le Nonce.
Il est évident que l’attitude du Gouvernement français et la reconnaissance du Nonce comme doyen du corps diplomatique, qui en a été la conséquence, ne sont nullement des facteurs déterminants quant au rang à reconnaître à l’Envoyé du Saint-Siège par le Conseil fédéral. Celui-ci n’a, pour déterminer sa décision, de directives à chercher que dans les traités, la coutume internationale et dans ses propres traditions.
Le Conseil fédéral ayant, l’an dernier, exprimé le désir de ne prendre position que pleinement informé, la question de la préséance du Nonce fut laissée alors en suspens, de façon à procurer au Département politique le temps de réunir les données juridiques, historiques et diplomatiques nécessaires. Les renseignements recueillis par l’entremise, entre autres, de nos Légations ainsi qu’aux Archives fédérales, se trouvent condensées dans une Notice jointe4 à la proposition du Département politique et dont les grandes lignes sont relevées ci-après.
Le rang des agents diplomatiques est déterminé, dans le monde civilisé, par les dispositions du «Règlement sur le rang entre les agents diplomatiques» approuvé par le Congrès de Vienne le 19 mars 1815. Ce Règlement (complété, en ce qui concerne les Ministres résidents, par la Résolution d’Aix-la-Chapelle, du 21 novembre 1818) fait partie intégrante de l’Acte de Vienne. Par leur observation générale depuis plus d’un siècle, les dispositions de ce Règlement sont, d’ailleurs, considérées comme ayant acquis aujourd’hui, en tant que normes de droit coutumier, force juridiquement obligatoire pour tous les Etats, qu’ils aient été ou non parties à l’Acte de 1815.
Le Règlement de Vienne (combiné avec le Protocole d’Aix-la-Chapelle, déjà cité) distingue, ainsi qu’on sait, 4 classes d’agents diplomatiques, à l’intérieur desquelles le rang est déterminé exclusivement par l’ancienneté, soit par la «date de la notification officielle» de l’arrivée du diplomate à son poste. Une exception, toutefois, a été prévue; elle ne concerne que les agents de première classe, soit les Ambassadeurs, Légats et Nonces, et est ainsi conçue: «Le présent règlement n’apportera aucune innovation relativement aux représentants du Pape.»
Cette réserve formelle, qui se borne à sauvegarder un privilège sans en préciser la nature ni les limites, en consacrant un état de fait, qu’elle s’abstient de définir, demande à être interprétée.
Si l’on consulte, sur ce point, la littérature du droit diplomatique, on trouve les juristes presque unanimes à définir le privilège comme un droit de préséance appartenant aux Nonces, sur les Ambassadeurs, dans les pays catholiques seulement.
Le Département politique s’est appliqué à contrôler cette opinion courante, en cherchant, tout d’abord, à rétablir la vérité historique et en recueillant, d’autre part, à titre officieux et informatoire, l’opinion des chancelleries des Puissances protestantes signataires de l’Acte de Vienne.
En ce qui concerne la question de fait, il était nécessaire, pour que la thèse des auteurs se confirmât, que jamais, jusqu’en 1815, un droit de préséance n’eût été reconnu à un Nonce dans un Etat non catholique; il fallait, notamment, qu’un droit de préséance n’eût point été reconnu, par exemple, aux Nonces qui, à partir de l’année 1803, furent accrédités auprès de la Confédération suisse. Or les recherches faites ont abouti à des constatations opposées. De 1803 (date à laquelle un Nonce fut, pour la première fois, accrédité auprès de la Confédération et non point seulement auprès des Cantons catholiques) jusqu’au remplacement, en 1848, de Mgr. Maciotti par un Chargé d’Affaires, les Nonces accrédités en Suisse se virent constamment reconnaître par les Directoires fédéraux un droit de préséance sur tous les autres représentants diplomatiques, y compris l’Ambassadeur de France et bien que celui-ci eût été, à plusieurs reprises, plus ancien dans le poste. En outre le droit de préséance du Nonce est expressément réservé dans les Règlements de cérémonial de la Confédération (Règlements des 24 décembre 1818 et 8 juillet 1830).
Les archives du Congrès de Vienne et, notamment, les procès-verbaux relatifs à la discussion du Règlement du 19 mars 1815 ne contiennent aucune déclaration permettant de présumer, chez les délégués au Congrès, l’intention de restreindre à certains Etats seulement le privilège des Nonces.
Ces points d’histoire une fois établis et du moment où le Règlement de Vienne se borne, en ce qui concerne la préséance des Nonces, à consacrer un état de fait, il devenait évident que le droit de préséance consacré, en faveur des Nonces, par le Congrès de Vienne avait force obligatoire, non pas dans les pays catholiques seulement, ni, d’ailleurs, dans tous les pays catholiques, mais dans tous les pays, catholiques ou non catholiques, où, en 1815, des Nonces étaient accrédités.
Bien qu’en bonne logique, cette conclusion parût inéluctable, le Département politique a jugé qu’il pouvait y avoir, néanmoins, quelque intérêt à la contrôler encore en recueillant, à Berlin et à Londres, l’opinion officieuse des chancelleries des deux grandes Puissances protestantes signataires de l’Acte de Vienne.
D’après un mémoire que Monsieur F. Adam, du Foreign Office, a adressé (sous une forme personnelle) à notre Ministre à Londres, le 20 mars dernier5, le Foreign Office, qui considère la Grande-Bretagne, quoiqu’Etat non catholique, comme liée par le Règlement de 1815, interprète ce Règlement comme conférant aux Nonces un droit de préséance dans tous les Etats où cette préséance était reconnue en 1815.
Les renseignements procurés, en août dernier, par notre Légation à Berlin ont montré que la question de la préséance du Nonce, malgré son caractère d’actualité en Allemagne, n’y avait été que très superficiellement étudiée. Notre Légation reçut alors, en effet, communication, à titre officieux, d’une note informatoire adressée au Ministre d’Allemagne à Berne par son Gouvernement, le 4 avril 1922, dans laquelle, à l’appui de l’opinion des auteurs, reproduite purement et simplement, étaient invoqués, d’une part, l’attitude du Gouvernement britannique et, de l’autre, le refus récent du Gouvernement néerlandais, d’accorder à La Haye la préséance à un Internonce! Mais, depuis lors, le Ministre d’Allemagne, M. Müller, est venu déclarer au Département politique que la note informatoire qui lui avait été envoyée, le 4 avril dernier, n’exprimait plus la manière de voir du Gouvernement allemand et que la reconnaissance, par le Conseil fédéral, d’un droit de préséance au Nonce Apostolique à Berne ne soulèverait, si elle avait lieu, aucune difficulté de sa part.
Dans ces circonstances, le Département politique formule les conclusions suivantes:
Attendu que l’article 4 du «Règlement sur le rang entre les agents diplomatiques», du 19 mars 1815, doit être interprété comme consacrant, en faveur des Nonces, un droit de préséance sur les Ambassadeurs dans tous les Etats dans lesquels cette préséance était accordée en 1815,
attendu qu’un droit de préséance a été reconnu par la Confédération à tous les Nonces qui furent accrédités auprès d’elle, soit de 1803 à 1848,
attendu que le Règlement du 19 mars 1815 fait partie intégrante de l’Acte de Vienne, dont la Suisse réclame, par ailleurs, l’application à son égard,
attendu, au surplus, que, par son observation générale depuis un siècle, ce Règlement a acquis, en droit diplomatique, la valeur d’une norme juridique obligatoire pour tous les Etats, le Département politique propose:
de reconnaître au Nonce Apostolique à Berne un droit de préséance sur les autres agents de première classe accrédités auprès de la Confédération, c’est-àdire, actuellement, sur l’Ambassadeur de France.
Conformément aux instructions qui lui ont été données par le Conseil fédéral dans sa séance du 12 janvier, le Département politique a aussi demandé à M. le professeur Burckhardt une consultation juridique sur la question de la préséance du Nonce. Dans son rapport du 15 janvier, M. Burckhardt conclut comme suit:
«Zusammenfassend ist, unter Vorbehalt der konfessionell-politischen Erwägungen, zu sagen: dass der Bundesrat rechtlich frei ist, dem päpstlichen Nuntius den Vorrang vor dem Botschafter einzuräumen oder nicht einzuräumen; dass aber erhebliche Gründe der Konvenienz dafür sprechen, ihm den Vorrang zu gewähren.»6
Dans la discussion, le Chef du Département politique modifie les propositions écrites de son Département en ce sens que le Conseil fédéral déclarerait reconnaître, pour des raisons de courtoisie, la préséance du Nonce, mais sans considérer la question de droit comme résolue et en se réservant de l’étudier et d’y revenir. D’autre part, le Chef du Département de Justice et Police, sans partager l’avis du prof. Burckhardt sur la force obligatoire du Règlement de Vienne, fait observer que celui-ci n’a point institué la préséance des Nonces, mais simplement réservé les usages existants, et que la seule règle qu’il institue pour la préséance est celle de l’ancienneté. Il propose donc de déclarer que le Conseil fédéral s’en tient en principe à cette règle, mais que dans le cas particulier il ne croit pas devoir en faire application, étant donnée la renonciation de l’Ambassadeur de France.
La majorité du Conseil est au contraire d’avis que la question de droit n’est pas suffisamment éclaircie pour que le Conseil fédéral puisse fixer ainsi son attitude.
Sur la proposition de M. Schulthess à laquelle se rallie le chef du Département politique, il est décidé de faire la déclaration suivante:
«Der Bundesrat lässt die Frage offen, ob dem Vertreter des Heiligen Stuhles als solchem der Vortritt im diplomatischen Korps zukommt. Er nimmt davon Kenntnis, dass der französische Botschafter, der neben dem Nuntius für den Vortritt einzig in Betracht fiel, den Verzicht erklärt hat. Er betrachtet daher die Frage für einmal als gegenstandslos, weil er sich nicht veranlasst fühlt, gegen diese Stellungnahme Einspruch zu erheben.»
(Le Conseil fédéral laisse en suspens la question de savoir si la préséance dans le corps diplomatique revient de droit au représentant du Saint-Siège. Il prend acte de ce que l’Ambassadeur de France, qui seul pouvait concourir pour la préséance avec le Nonce, a déclaré y renoncer. Il considère par conséquent la question de la préséance comme sans objet pour l’instant, car il n’estime pas devoir s’opposer à cette manière de faire.)
Il est décidé en outre:
Le Département politique est chargé de confier l’étude de la question de la préséance à une commission de trois à cinq membres, dont il soumettra la composition au Conseil fédéral.7
- 2
- Cf. E 2001 (B) 4/11.↩
- 3
- A ce sujet, cf. nos 148, 151, 154.↩
- 4
- Non reproduite, cf. E 2001 (B) 4/11.↩
- 5
- Non retrouvée.↩
- 6
- Cf. E 2001 (B) 4/11.↩
- 7
- Par note du 18 janvier 1923, le Nonce apostolique à Berne, L. Maglione, répond à la note que lui a transmise G. Motta à la suite de la décision du Conseil fédéral: Con la Sua pregiata Nota B.22.32.J.2-FV. Vostra Eccellenza ebbe ieri la bontà di significarmi ehe il Consiglio federale, nella sua seduta del 16 di questo mese, pur stimando di dover lasciare attualmente aperta la questione di principio, aveva deciso d’accordarmi la precedenza su gli altri Capi di Missione accreditati presso la Confederazione. Aggiungeva Vostra Eccellenza ehe la decisione del Consiglio federale, ispirata da motivi di alta cortesia, era stata determinata, soprattutto, dal fatto ehe l’Ambasciatore di Francia, in conformité delle istruzioni del suo Governo, aveva dichiarato di riconoscere la precedenza del Nunzio Apostolico. Ringrazio vivamente Vostra Eccellenza di taie communicazione e La prego di voler esprimere ai l’Alto Consiglio Federale la mia profonda riconoscenza per l’amabilità, ehe si è compiaciuto dimostrarmi eziandio in questa occasione. Debbo, peraltro, nel prendere atto délia surriferita decisione del Consiglio Federale, affermare di nuovo, per la questione di principio, e naturalmente riservare il diritto del Nunzio Apostolico alla precedenza, quai è contenuto nel Regolamento Diplomatico del 1815 e venne riconosciuto dal Governo Svizzero col suo Regolamento dell’8 luglio 1830, in confronto sia dell’Ambasciatore di Francia, sia di ogni altro agente diplomatico di prima classe, che eventualmente fosse accreditato presso la Confederazione. Nella fiducia ehe il Consiglio Federale vorrà, nel suo ben noto desiderio di giustizia e nella provata sua lealtà, riconoscere taie diritto, ho l’onore di rinnovare a Vostra Eccellenza l’espressione délia mia più alta e devota considerazione (E 2001 (B) 4/11).↩
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